Qu’est-ce que le White Gaze ? Le CRIDEV répond à la question dans un atelier

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Décryptage d'extraits de films français à l'atlier du CRIDEV
Décryptage d'extraits de films français à l'atlier du CRIDEV

L’association rennaise le CRIDEV propose ponctuellement des ateliers pédagogiques populaires gratuits afin d’informer et de sensibiliser autour d’un concept sociologique. Mercredi 21 mai 2025, Unidivers a assisté à celui sur le White Gaze.

C’est une belle leçon de critique qui s’est déroulée l’après-midi du 21 mai 2025 au CRIDEV. Le centre de ressources d’interpellation pour un monde sans rapport de dominations a, pour la deuxième fois, accueilli un atelier de prévention quant aux visions problématiques et pourtant normalisées dans la culture actuelle. À l’initiative, Jeanne, étudiante en sociologie. Elle est venue animer un atelier autour de la notion de « White gaze » .

Décryptage d'extraits de films français à l'atlier du CRIDEV
Décryptage d’extraits de films français à l’atlier du CRIDEV

Le White Gaze, traduit littéralement par « vision blanche » en français, est une théorie sociologique évoquée et popularisée par l’autrice Toni Morrison. Le terme désigne le regard des Occidentaux sur les personnes racisées, la transmission de clichés occidentaux sur d’autres communautés ou peuples à travers les productions culturelles. Il perpétue les stéréotypes qui portent atteinte aux communautés représentées : par exemple, faire jouer une personne d’origine maghrébine avec les sourcils fortement froncés et un « air hargneux » est un des stéréotypes installés dans les mœurs cinématographiques.

Malgré un manque de ressources regrettable sur le sujet, Jeanne a construit son atelier autour de trois pistes de réflexion : deux livres et un documentaire. Le premier ouvrage, Regards Oppositionnels (1962) de Bell Hooks (plus précisément le chapitre 7), politise le regard et nous met à la place d’une spectatrice afro-descendante. Le deuxième est un recueil de témoignes, Noir n’est pas mon métier (2018) de Aïssa Maga, où l’on découvre le langage fleuri et constate la place que laisse l’industrie du cinéma aux actrices noires : « Fais ton accent, plus africain encore ! Allez, fais ta sauvage ! ». Charmant et moderne, n’est-ce pas ? Pour ce qui est du documentaire, Hollywood et les Arabes disponible sur DailyMotion. Ce reportage de 2006, qui paraît pourtant toujours atrocement actuel, traite des rôles laissés à ces acteurs, mais aussi du traitement cinématographique du monde arabe : souvent une vision occidentale peu représentative qui réduit les lieux à un fantasme d’exotisme, de ‘dépaysement’. 

Des références à nos visionnages personnels viennent appuyer les remarques de Jeanne issues de son savoir et de ses études sur le sujet. Par exemple, lorsque l’on regarde le film Bande de filles de Céline Sciamma, des filles noires se promènent dans Paris. D’un coup, elles commencent à s’insulter avec un autre groupe de filles racisées d’un quai de métro à l’autre jusqu’à se menacer au couteau. Aucun contexte, aucune raison apparente ne justifie le départ d’une telle embrouille. « Dans la réalité, à cause de ces clichés, mais aussi de la peur générale des injures racistes, ce sont justement les blancs et blanches qui envahissent et se permettent ce qu’ils veulent sur la place publique ou dans les transports en commun », précise Jeanne.  

Si à la fin de la séance, notre esprit critique s’est renforcé, Paul regrette ne pas avoir « l’impression d’avoir cerné le sujet dans sa globalité. Il me manque une définition concrète ». Le sujet, vaste, manque de recherches et d’analyses professionnelles pour le moment. Un avis sûrement partagé par beaucoup est dit tout haut par Hermine : « il est important d’observer que nous sommes principalement des blancs à cet atelier et que nous avons majoritairement pris la parole autour de cette table ». Car la légitimité du discours est évidemment consacrée aux personnes directement concernées. 

L’atelier n’a pas apporté une définition courte de ce qu’était précisément le White gaze, mais Jeanne a toutefois pu nous faire reconnaître une œuvre culturelle influencée par un œil aux héritages coloniaux, éveillant notre sensibilité à ce sujet. Ce qui n’a pas déplu à Yuna qui s’en servira dans sa future carrière : « je veux travailler dans le cinéma plus tard. Ce type d’initiative est donc de l’eau bénite pour moi », témoigne-t-elle. 

Pour l’animatrice du jour, l’atelier reste un succès : « Beaucoup de personnes se sont appropriées le sujet » observe Jeanne, bien qu’elle ait aussi remarqué que la parole était principalement détenue par les personnes blanches. Son premier reflexe est de remettre en cause ses techniques de communication. Toutefois, elle admet être heureuse d’aider à « devenir de meilleurs alliés de la cause antiraciste, d’apprendre à ne pas rester passifs ».