À Rennes, le quartier de Bréquigny est sous le choc. Un enseignant de maternelle de l’école des Clôteaux a reçu des menaces de mort le 10 octobre dernier lors d’un entretien avec le père d’une élève. Le motif, rapporté par plusieurs sources concordantes : les parents refusaient que leur enfant soit scolarisée dans la classe d’un enseignant homme et exigeaient un changement d’affectation. L’institution a refusé, conformément au cadre réglementaire. La situation a alors dégénéré.
Depuis, l’enseignant est en arrêt de travail. Le choc est profond dans l’équipe, comme dans la communauté éducative. Les syndicats ont appelé à une grève et à la fermeture de l’école vendredi 21 novembre afin de soutenir le collègue victime et de dénoncer « une attaque d’une gravité extrême contre le personnel éducatif ». C’est ainsi qu’environ 150 personnes se sont rassemblées, vendredi, devant l’école maternelle publique Clôteaux, dans le sud de Rennes.
Un refus de mixité contraire aux principes de l’École
L’affaire révèle un phénomène encore trop méconnu. Les tentatives, parfois violentes, de certains parents d’imposer leurs préférences personnelles quant au sexe — ou au genre — de l’enseignant ou de l’enseignante de leur enfant. L’Éducation nationale rappelle pourtant un principe clair et non négociable : « les parents n’ont pas la possibilité de choisir ou d’exiger le sexe de l’enseignant de leur enfant ». L’affectation relève exclusivement de l’administration et de la direction de l’école.
Ce principe s’inscrit dans un cadre républicain explicite qui est celui de la mixité, de l’égalité femmes-hommes et de la neutralité du service public. « Rien, jamais, ne peut justifier la menace ou l’intimidation, et encore moins une remise en cause de la mixité des personnels », rappelle un membre du rectorat.
Les enseignants hommes en maternelle : une minorité très exposée
Selon les données nationales, les hommes représentent moins de 15 % des professeurs des écoles, et une proportion encore plus faible en maternelle. Cette présence réduite contribue à rendre les enseignants masculins plus vulnérables à certains préjugés ou assignations de genre — comme si l’éducation des tout-petits devait naturellement revenir à des femmes. Or les travaux de recherche et l’expérience de terrain convergent. La mixité éducative, même minoritaire, est extrêmement bénéfique pour les enfants. Elle contribue à déconstruire les stéréotypes de genre dès les premières années, enrichit les modèles d’identification et rappelle que l’enseignement n’est pas une profession « genrée », mais une mission républicaine fondée sur la compétence, la bienveillance et la formation.
Le choc dans l’école et dans le quartier
À l’école des Clôteaux, l’émotion est palpable. « Nous sommes abasourdis. Nous avons l’habitude d’accompagner toutes les familles, quelles que soient leurs demandes, mais là, c’est un cran au-dessus », confie une enseignante. Une autre ajoute : « Nous travaillons avec confiance et proximité avec les parents. Quand cette confiance se brise, c’est tout le collectif éducatif qui souffre. » Pour nombre d’habitants du quartier, la ligne rouge a été franchie. Le soutien à l’enseignant victime est massif, qu’il s’agisse des collègues, des familles ou des associations de parents d’élèves. « Personne ne mérite ça. C’est un excellent enseignant, très apprécié. Nous sommes solidaires », témoigne une mère d’élève.
Une grève pour dire “stop”
Les syndicats — notamment FO et le SNUipp — ont appelé à une journée d’action vendredi 21 novembre : fermeture de l’école, grève des personnels, rassemblement de soutien. Cette mobilisation vise à rappeler que la sécurité des enseignants n’est pas négociable et que la protection de la mixité professionnelle est un enjeu fondamental. Dans une note adressée aux familles, la direction souligne que « l’École ne peut accepter les pressions, menaces ou discriminations fondées sur le sexe de ses agents » et que « la situation appelle un soutien clair et uni de l’ensemble de la communauté éducative ».
Un signal d’alarme pour l’institution
L’Éducation nationale a réagi rapidement en déclenchant un accompagnement psychologique et administratif pour l’enseignant et les équipes. Une enquête interne est en cours, en parallèle de la procédure judiciaire. Mais pour de nombreux acteurs éducatifs, cette affaire n’est pas un incident isolé. Elle témoigne d’une montée des tensions dans certaines écoles où les personnels se retrouvent en première ligne face à des pressions identitaires, communautaires ou idéologiques. « La demande de choisir l’enseignant sur un critère de sexe est en dehors du cadre de la République. L’affaire doit servir de rappel », estime un directeur d’école rennais.
Reste que le message le plus partagé, celui qui dépasse les clivages et les positions, tient en quelques mots : on ne menace pas un enseignant, jamais. Et l’on ne fragilise pas la mixité de l’École sans fragiliser la société tout entière.
–> Comment sont affectés les enseignants dans les écoles ?
Contrairement à une idée reçue, les familles n’ont aucun droit à choisir l’enseignant de leur enfant. Les classes sont constituées par la direction et l’équipe pédagogique, selon des critères stricts : équilibre entre niveaux, effectifs, besoins des élèves, continuité des cycles, ressources disponibles. Le sexe ou le genre de l’enseignant n’entre jamais dans les critères et ne peut faire l’objet d’aucune négociation individuelle.
–> Mixité dans le premier degré : pourquoi c’est essentiel
- Modèles éducatifs variés : la présence d’hommes en maternelle enrichit les modèles de référence pour les enfants.
- Lutte contre les stéréotypes : elle contribue à déconstruire des clichés persistants sur les rôles féminins et masculins.
- Professionnalité affirmée : elle rappelle que l’enseignement repose sur des compétences, non sur un genre.
- Égalité réelle : la mixité est un pilier de la neutralité du service public et de l’égalité femmes-hommes.
