Les Tombées de la Nuit présentent L’Enfance majeure de Julien Fournet dimanche 12 octobre 2025 à Rennes.
Dans une expérience à la croisée de la danse, du théâtre et du cirque, Julien Fournet, de la compagnie l’Amicale, invite le public, guidé par des enfants, à dépasser ses peurs pour atteindre un monde meilleur. Rencontre.
« J’ai toujours été un grand joueur », confie Julien Fournet. Et pour cause : depuis ses débuts, le philosophe de formation explore la scène comme un terrain d’expérimentation où les règles du jeu se réinventent. On se souvient de son installation Le Jeu de l’oie du spectacle vivant. Avec L’Enfance majeure, il franchit une nouvelle étape : pour la première fois, il crée avec les enfants eux-mêmes. Conçue comme une œuvre participative, la pièce se déploie en deux temps : trois jours d’expérience immersive — un « centre aéré revisité » — au cours desquels l’artiste fabrique une communauté avec un groupe d’enfants ; puis un spectacle public, résultat de cette aventure collective. Ce dernier est à découvrir le dimanche 12 octobre dans le quartier de Maurepas, dans le cadre de Dimanche à Rennes.

Un appel de l’espace public et de l’enfance
Trois raisons ont poussé Julien Fournet à dérouler ce « ballot de paille » scénique en plein air. La première : l’appel de l’espace public et l’envie de sortir des théâtres pour s’adresser autrement aux spectateurs. « J’étais fatigué des salles de spectacle et j’avais envie de travailler avec des communautés », explique-t-il.
La deuxième raison est plus intime : la naissance de ses enfants. Leur regard sensible sur le monde, leur curiosité et leurs difficultés à s’épanouir librement dans l’espace public ont nourri sa réflexion sur la place de l’enfance dans nos sociétés. « J’ai vécu la crise du non — celle qu’on appelle la crise d’adolescence des bébés, vers 2-3 ans. C’est un moment de rébellion totale contre l’autorité, mais nécessaire à la création de leur propre subjectivité », raconte-t-il. Ce moment d’éveil, perturbant avoue-t-il, l’a amené à s’interroger sur ce « peuple captif » que forment, selon lui, les enfants, confinés entre école et famille.
Enfin, la troisième raison remonte à 2018 : une prise de conscience écologique profonde. Pour résister à l’écoanxiété, Julien Fournet a choisi de se tourner vers l’avenir, et ceux qui le construiront : les enfants. Leur rapport au vivant, à l’imaginaire et à la connaissance du monde est, selon lui, porteur d’espoir.

Créer avec les enfants, pas seulement pour eux
« On ne travaille pas sur l’enfance sans les enfants », résume-t-il. Accompagné de Lucie Yerlès, circassienne, et Emma Harder, danseuse, il a mené trois ans de recherche et d’ateliers d’expérimentation avec des communautés d’enfants dans différentes villes. « Les façons dont les enfants s’approprient les jeux sont des actes de création. »
De ces rencontres est né un vocabulaire spectaculaire autour d’une cérémonie du goûter. « En deux ans, ils m’ont appris l’immédiateté du ludique, la force du lien et une forme de positionnement presque politique », confie-t-il. En leur donnant la parole, l’artiste révèle la puissance politique des enfants : celle de faire société, d’expérimenter, d’imaginer autrement. « Au-delà de la philosophie, ce qui me fascine, ce sont les mouvements de pensée et la façon dont on pense les choses. » Pour lui, la pensée se danse dans l’espace : « J’intègre la philosophie dans le mouvement, ce qui donne une dramaturgie particulière. Je m’amuse à dessiner ces mouvements de pensée. »
Une muraille à franchir pour inventer l’utopie
À Rennes, l’expérience sera inédite : deux classes de 5e du collège Clotilde-Vautier se lanceront dans l’aventure. Du 8 au 10 octobre, 35 élèves de 12 ans exploreront un centre aéré d’un autre genre, dédié aux rituels et à la fabrication d’utopies concrètes.
Le dimanche 12 octobre, place au spectacle : une grande traversée initiatique durant laquelle enfants et adultes devront abattre une muraille de 5 mètres de haut et de large, érigée en pleine rue. Cette structure, faite de cartons et, surtout, d’imagination, crache de l’eau et de la fumée, rote, gronde, vibre : elle représente, dit l’artiste, « l’autodétermination ». Le groupe devra s’unir, dépasser ses peurs et franchir cet obstacle pour atteindre un univers utopique. « C’est une expérience à vivre, mais c’est avant tout un spectacle », précise Julien Fournet. « On met en scène le dépassement des peurs et l’arrivée vers une potentielle utopie. »
Une fois la muraille franchie, que trouve-t-on derrière ? Un ogre et un ballot de paille : derniers remparts d’une cité idéale, allégories de l’agriculture intensive et des limites de notre monde rationnel.

Revenir à l’enfant intérieur
S’il s’agit d’un spectacle jeune public, les adultes sont pas exclus, bien au contraire. L’Enfance majeure invite chacun à surmonter les obstacles liés à son propre rapport à l’enfance, à se reconnecter à son regard premier. « Il est, selon moi, nécessaire de déconstruire l’adultisme pour se réapproprier cette part d’enfance. Essayer de ressentir à nouveau les émotions et les sensibilités propres à l’enfance, c’est une façon d’élargir notre humanité. »
Participer, en tant qu’adulte, c’est aussi mesurer à quel point il peut être difficile de s’approprier un espace public qui tend à exclure les plus jeunes. « Des études montrent la raréfaction des enfants dans l’espace public », informe-t-il. « Le propos n’a de sens que si les difficultés qu’ils rencontrent sont aussi éprouvées par les adultes. »
Avec L’Enfance majeure, Julien Fournet propose une ode à l’imaginaire collectif : une célébration du jeu, du mouvement et de la pensée libre, où toutes les générations se retrouvent. « Pendant le spectacle, je me suis senti grand », lui a confié un enfant. Ces mots suffisent à prouver que le pari est réussi : par la création, l’enfant reprend son pouvoir — et l’adulte retrouve le sien.
Dimanche 12 octobre 2025, de 16h à 17h20
Quartier Maurepas, Rennes
Rendez-vous à l’angle de la rue Paul-Le-Tarouilly et de la rue Jean-Richepin
Gratuit sur réservation : reservation@lestombeesdelanuit.com
