La 3e édition du festival Jardins d’hiver a attiré près de 25 000 visiteurs le temps d’un long weekend littéraire. Du 7 au 9 février 2020, les Champs Libres se sont métamorphosés en un émérite carrefour artistique et culturel, digne d’un fabuleux jardin des Hespérides. D’ailleurs, à propos de mythologie grecque, que savez-vous d’Homère ? Le temps d’une rencontre, la célèbre helléniste Helène Monsacré, auteure de Tout Homère, explore les mythes de cet auteur doublement légendaire.
L’après-midi du dimanche 9 février 2020, au cinquième étage de la Bibliothèque des Champs Libres, l’illustre helléniste Hélène Monsacré a sondé les profonds mystères des textes homériques. Pour la première fois, l’ouvrage Tout Homère, regroupe en un seul volume l’intégralité de la littérature attribuée au (légendaire) auteur.
En plus d’y retrouver les deux grands poèmes, L’Iliade, dans une nouvelle traduction de Pierre Judet de La Combe, et L’Odyssée, dans la traduction désormais classique de Victor Bérard, Tout Homère abrite également des textes inédits du moment homérique (IXe – Ve siècle avant notre ère) qui nous invitent à découvrir une facette insoupçonnée d’un Homère bien plus divertissant qu’il ne le laissait paraître.
Publié en 1984, Les larmes d’Achille éclairait l’ambivalence de l’héroïsme masculin en analysant comment la capacité à pleurer des guerrier de la mythologie pouvait refléter leur énergie virile, tout en se demandant si aujourd’hui nous serions encore capables de concevoir une sensibilité héroïque… Après avoir écrit ce captivant récit, Hélène Monsacré a dirigé la rédaction de l’ouvrage Tout Homère copublié en novembre 2019 aux éditions Les Belles Lettres et Albin Michel.
« L’objectif de Tout Homère était de rassembler le plus de pièces possible de cette légende du monde homérique. En près de 1300 pages, Tout Homère réunit tous les textes attribués à Homère depuis l’Antiquité. En plus des 27 000 vers occupés par L’Iliade et l’Odyssée, on y retrouve, par exemple, toutes les œuvres du Cycle Troyen. Il s’agit de 8 fragments qui retracent la légende de le Guerre de Troie, cette guerre que finalement, nous connaissons assez mal.» – Hélène Monsacré
Le saviez vous ? En grec, le terme homère peut signifier « l’otage », « celui qui met ensemble », « celui qui aboutit à l’harmonie » ou encore, « l’aveugle ».
Les plus sceptiques s’accordent à dire que l’auteur Homère n’est qu’une entité construite, une légende, fruit de l’imagination collective, laquelle se refuse à laisser des œuvres orphelines. Pour Hélène Monsacré, qu’ils aient été écrits à une ou plusieurs plumes, les textes homériques témoignent d’un génie indubitable, auxquels Homère a forcément contribué.
Selon la savante helléniste, l’épopée de l’Odyssée aurait commencé à être fixée par écrit au IXe siècle av.JC et celle de l’Iliade au VIIIe siècle av. JC, moment où la bascule de l’oral vers l’écrit s’opère. Si à cette époque et encore aujourd’hui, ces écrits sont autant admirés, c’est parce qu’ils font état d’un temps définitivement révolu. En effet, ils dépeignent le temps de la guerre de Troie, soit celui de l’époque mycénienne qui eut lieu durant les années 1200 avant Jésus-Christ (XIIIe siècle av. JC). Ainsi, il se serait écoulé plus de 5 siècles avant que ces vers déclamés soient fixés par écrit : de quoi laisser le temps à ces aventures épiques de se distordre dans tous les sens…
Au VIe siècle av. JC, à la demande des hommes politiques de l’époque, toute l’œuvre de l’Iliade a été couchée sur papier, tant ce récit était perçu tel une véritable source éducative pour les Grecs. Puis, au IIIe siècle av. JC en Alexandrie (Égypte), les savants ont mis au point des versions canoniques de ces œuvres phénoménales.
« Une épopée retrace toujours l’histoire d’un jeune guerrier prêt à sacrifier sa vie pour réussir de grands exploits. Par exemple, Ulysse est un héros qui accepte la mort. L’immortalité lui est proposée plusieurs fois, notamment par les déesses Circé et Calypso qui sont folles amoureuses de LUI, mais il la refuse. Il veut retrouver sa vie paisible de mortel à Ithaque. ULYSSE tient profondément à sa condition d’homme mortel.» – Hélène Monsacré
Le saviez-vous ? Les deux passages les plus connus de l’épopée homérique que sont l’enlèvement d’Hélène et la scène du cheval de Troie, sont souvent attribués à l’Iliade ou à l’Odyssée. Or, il n’est en rien. Aucune de ce deux scènes ne figure parmi les 27 000 vers de l’Iliade et l’Odyssée.
Pour rappel, la genèse de la Guerre de Troie, fixée par écrit dans un texte bien antérieur à l’Iliade est la suivante : la déesse Thétis, la mère d’Achille est si belle que les dieux Zeus et Poseidon demandent sa main. Malheureusement pour eux, le destin avait prédit que l’enfant de Thétis surpasserait son père. Impossible donc que ce dernier soit issu du monde des cieux, le mari de Thétis doit nécessairement être un mortel. Le prince Pélée devient donc l’heureux élu. Pendant leur noces, pas si heureuses que ça, Éris, la déesse de la discorde, envoie une pomme parmi les invités sur laquelle il est inscrit: « à la plus belle ». Pâris, un prince troyen ramasse ce fruit et dès cet instant, il se voit alors chargé d’une mission : définir qui, entre Aphrodite, Athéna ou Héra, mérite de devenir la chanceuse détentrice de la pomme. Afin d’attirer l’attention de Pâris, les trois déesses promettent monts et merveilles au jeune prince. Finalement, le choix de Pâris se porte sur Aphrodite, laquelle lui promet que toutes les plus belles femmes du monde tomberont amoureuses de lui. Et ce incluant Hélène, la fille de Zeus et de Léda et femme de Ménélas le roi de Sparte qui, selon la légende, réunit à elle seule toutes les beautés du monde. Ni une ni deux, le Troyen Pâris enlève Hélène, convaincu qu’un amour passionnel et réciproque les attend. Furieux de cet enlèvement, les Grecs se précipitent alors aux portes de la cité de Troie et ainsi débute la Guerre de Troie.
Comme l’enlèvement d’Hélène, l’épisode du Cheval de Troie pendant lequel Ulysse propose un subterfuge pour pénétrer dans la cité de Troie, ne figure pas non plus dans les deux grand poèmes les plus connus, mais dans un texte intitulé La petite Iliade. Après plus de dix ans de siège aux portes de Troie, les Grecs construisent un cheval en bois qui possède deux caractéristiques : le cheval est creux, ce qui permet à des milliers de guerriers grecs de se cacher à l’intérieur et il est trop grand pour pouvoir passer la porte des murailles de Troie, ce qui va obliger les Troyens à abattre eux-mêmes les murs de leur cité pour laisser passer cette statue qu’ils perçoivent telle une offrande de la déesse Pallas-Athéna.
En plus des 27 000 vers et 24 chants qui composent l’Iliade et l’Odyssée, l’ouvrage Tout Homère révèle au grand jour des textes inédits qui confèrent à Homère une personnalité encore insoupçonnée jusqu’alors.
Par exemple, le texte intitulé La Batrachomyomachia (en grec ancien littéralement « La Bataille des grenouilles et des rats »), une épopée comique parodiant l’Iliade, attribue à Homère un caractère particulièrement divertissant. Cette guerre débute alors qu’une grenouille emmène une souris sur son dos pour lui faire visiter son royaume. Mais, apeurée à la vue d’un serpent, la grenouille plonge dan un étang et la souris se noie.
Le préambule de La Batrachomyomachia commence ainsi :
« En commençant ma première colonne, j’implore la ronde Héliconienne (relative à « l’Hélicon », montagne de Béotie qui passait dans l’Antiquité grecque pour être la résidence des muses) de gagner mon cœur, afin que je chante ! Sur mes genoux, je viens de confier mon poème aux tablettes — Lutte infinie, ouvrage d’Arès amateur de tumulte — Et je prie les mortels de vouloir ouvrir leurs oreilles aux combats que les rats ont livrés parmi les grenouilles, en imitant les travaux des Géants issus de la Terre… ».
« Je pense que lorsque l’on est un bon pédagogue, nous sommes en mesure d’expliquer aux enfants le sens des mots. Résumer Homère en langage de tous les jours, ce n’est pas forcément une chose à faire, la poésie d’Homère est tellement extraordinaire. » – Hélène Monsacré
https://vimeo.com/378269015
Ouvrage publié sous la direction d’Hélène Monsacré, en coédition avec Albin Michel.
Avec la contribution de : Victor Bérard, Manon Brouillet, Eva Cantarella, Michel Casevitz, Adrian Faure, Xavier Gheerbrant, Giulio Guidorizzi, Jean Humbert, Pierre Judet de la Combe, Gérard Lambin, Silvia Milanezi, Christine Hunzinger, Postface de : Heinz Wismann
1296 pages
1 Carte(s), Index
Livre broché
16 x 23.5 cm
Parution : 13/11/2019
CLIL : 3437
EAN13 : 9782226439789
Code distributeur : 65784