Dans le paysage des colonies de vacances, la Bidouillerie propose une organisation rare. Cette association est axée sur l’écoresponsabilité, la pédagogie active et la mixité sociale. À l’époque où la fréquentation des colonies de vacances est en baisse, la Bidouillerie entend proposer de nouvelles alternatives. Retour sur un projet civique et citoyen.
La Bidouillerie, anciennement Breizh Anim, est née d’une prise de conscience : plusieurs animateurs se sont dit qu’un autre mode de fonctionnement était possible. Le rapport parlementaire Ménard, en 2013, faisait un constat alarmant de la situation des colonies de vacances en France : non seulement elles étaient de plus en plus désertées, mais les classes moyennes y étaient de plus en plus exclues. Yoann Geny, Thomas Cadith et Élodie Foulgoc ont tenté un pari : réduire conséquemment le coût des séjours. Selon le rapport Ménard, le prix moyen d’un séjour, par jour et par enfant, s’élève à 63 euros. La Bidouillerie, à ce jour, a stabilisé ce coût à 45 euros. Les séjours de 390 euros sont pourtant très encadrés : alors que les normes requièrent un animateur pour douze enfants, l’association demeure sur une moyenne d’un animateur pour quatre enfants. Les encadrants, contrairement à l’usage répandu dans le milieu des colonies de vacances, sont rémunérés convenablement.
Comment est-ce possible ? Tout simplement, en supprimant les activités de consommation et… en bidouillant. Les enfants ne feront ni poney, ni voile, ni rafting. Les activités resteront simples et artisanales. Pour le reste, l’association se débrouille. L’économie de moyens se fait grâce à des partenariats (avec la Biocoop, notamment) ou l’achat intelligent (comme à Belle-Île-en-Mer, avec les producteurs locaux). Les animateurs et les bénévoles de l’association veillent à réduire par exemple le coût du transport, en limitant les déplacements.
Un tel mode de fonctionnement repose sur un projet ambitieux. Pour amener l’enfant à une consommation modérée, la Bidouillerie se targue d’une organisation horizontale. L’enfant devient l’acteur de son séjour. Cette pédagogie active passe par plusieurs points. Les animateurs tendent à respecter le rythme de chaque enfant, notamment par un réveil échelonné (la possibilité de ne rien faire). Du reste, globalement, l’association évite l’injonction à faire des activités, la rentabilité obligatoire. Plusieurs outils participent à l’élaboration d’une hiérarchie horizontale. Chaque jour, enfants et animateurs se réunissent au forum pour voter ensemble les activités du lendemain. Un système de signes a même été créé pour ne pas couper la parole aux interlocuteurs ! L’éducation populaire, pour eux, se fait par tous et pour tous. Le désir de l’enfant demeure central dans ce processus. Ainsi, ils pourront choisir, par exemple, de s’occuper de la cuisine, de faire du sport ou des ateliers pratiques. L’un des objectifs de la Bidouillerie, comme nous l’explique Julia Tracou, une animatrice et bénévole, est la découverte, au sens large, de l’environnement. Les enfants peuvent passer le permis à outils : un apprentissage du bricolage qui les gratifie d’un diplôme et d’une maîtrise des objets. L’association s’attache à respecter l’écologie, par le tri sélectif (mis en place par les enfants), la récupération (sur la plage, par exemple), le transport à pied ou encore, au niveau de la nourriture, l’achat en circuit local. Les bénévoles ont choisi de porter une attention particulière à l’équilibre alimentaire.
Ces trois dernières années, la Bidouillerie a proposé, durant la saison estivale, cinq séjours pour les 6-14 ans : deux à Captieux, dans les Landes, deux autres à Belle-Île-en-Mer.L’association a également organisé une colonie itinérante dans l’île bretonne. Avec plus d’une centaine d’enfants par été, la colonie de vacances semble démentir le rapport Ménard. Le tout, quasiment sans aucune subvention (seulement une petite aide de la CAF). Sur le mode de l’économie sociale et solidaire et de la SCOP, la Bidouillerie utilise son excédent pour amener des enfants qui ne peuvent partir habituellement en vacances à participer. Elle l’utilise aussi pour acheter du matériel : pour l’année prochaine, des tentes inuit en coton biologique !
2016 sera une année décisive, nous dit Julia Tracou. En effet, l’association projette d’ouvrir 7 séjours supplémentaires. L’année, en plus de l’organisation de l’été, la Bidouillerie participe à la vie rennaise : des ateliers à l’écocentre de la Taupinais ou dans le cadre du mouvement Alternatiba, un stage de céramique au lavoir de Rennes. Basée à la Coopérative – un lieu qui regroupe diverses associations à Beauregard, dans le nord de Rennes –, la colonie de vacances se veut militante et engagée. Elle n’est, du reste, pas la seule à chercher ce genre d’alternatives. Pensons, dans le paysage rennais, à l’association Wakanga ou, dans le sud de la France, Vitacolo. La Bidouillerie soulève des problèmes nécessaires. Entre pédagogie Freinet et culte de l’enfant roi, elle entend frayer un nouveau chemin. Elle invite d’ailleurs d’autres colonies de vacances et animateurs à s’approprier cette méthode.