L’exposition Manifeste des lucioles est à découvrir à L’Instantané, salle d’exposition de la Maison des associations de Rennes, du 9 décembre 2024 au 25 janvier 2025. Photographie et poésie se mêlent dans un dialogue autour de la reconstruction après des violences.
Un manifeste désigne une déclaration publique des idées d’un groupe. Celui des lucioles a commencé à s’écrire à la Maison des femmes Gisèle Halimi de Rennes, fin 2023. Les prémices se sont esquissées au sein de l’atelier thérapeutique de photographie et de slam-poésie encadré par l’artiste Anne-Cécile Esteve et la comédienne et slameuse Émilie Sciot. Mais les lucioles ont depuis pris leur envol, poursuivant son écriture de manière autonome. Manifeste des lucioles, c’est aujourd’hui une exposition de photographie et de poésie, par l’association Diapositive et à découvrir prochainement à la Maison des associations de Rennes, et l’édition d’un livre du même nom.
Dans son histoire de photographe, Anne-Cécile Esteve a vécu en Indonésie et travaillé pour une organisation pour les droits humains, ce qui l’a conduite à travailler avec des victimes de guerre, particulièrement des femmes victimes de violences. Travailler sur et avec elles est une évidence pour elle, et il en va de même pour la comédienne Émilie Sciot, Rouge Feu de son nom de slameuse, qu’elle rencontre à Vannes, en 2022, alors que la photographe travaille sur le projet Mue. « Quand j’ai rencontré Émilie, cela m’a semblé logique de travailler ensemble, d’utiliser la photo au service de l’écriture », souligne-t-elle. Dans Mue, projet qu’elle avait réalisé à Rennes l’année précédente, elle photographiait la réparation des femmes après un cancer du sein et récoltait leur témoignage afin d’interroger la reconstruction après la maladie. L’association Diapositive est née à la suite de ce travail afin d’utiliser la photographie comme moyen d’expression dans l’idée de « prendre soin par l’image ». « J’avais aussi envie de mener des projets participatifs, ce que j’avais déjà un peu fait, sous d’autres formes, avec l’ONG en Indonésie ; que ces femmes s’emparent de l’appareil pour exprimer des émotions, des vécus, des rêves, etc. »
Le Manifeste des lucioles découle de ces sensibilités omniprésentes dans son travail photographique, qu’Émilie Sciot partage. « Dans Étincelles, mon dernier spectacle, je parle du corps de la femme et la réparation après un viol par la prise de parole et les mots », nous apprend la comédienne, devenue aussi slameuse en 2018.
Dans le cadre des ateliers mis en place par la Maison des Femmes Gisèle Halimi, sept femmes se sont réunies pendant douze semaines. Les deux artistes ont accompagné le groupe dans une expérience artistique où écriture et photographie travaillent à l’unisson. Émilie a puisé les thèmes d’écriture dans le vocabulaire de la photographie – le cadre, l’horizon, l’objectif, le zoom, la lumière, le reflet -. « C’était évident qu’il fallait un lien, que ces termes parlent autant de photographie, d’écriture que de renaissance à soi-même aussi », informe la slameuse. Les textes ont ensuite été transformés en slam. Anne-Cécile a cherché dans la technique de « l’émulsion lift » – le transfert de la couche-image du polaroid sur papier – une porte pour faire entrer le groupe dans un monde photographique. Cette technique demande beaucoup de la délicatesse : le polaroid est découpé avant d’être mis dans l’eau et, comme une peau qui mue, la couche se détache au bout d’un moment. C’est cette peau que les participantes ont récupérée, posée sur un support et retravaillée. « Elles se photographiaient principalement entre elles », précise Anne-Cécile. « En plus de la symbolique de la mue, il était important qu’elles fassent elles-mêmes le geste, qu’elles caressent cette peau. » Émilie prolonge : « Anne-Cécile revenait chaque semaine avec les photos. Je crois que je n’ai jamais eu de matériel aussi vivant pour écrire et faire écrire ».
« Dans le slam, il y a un moment d’écriture et un moment de partage où l’on est applaudi, encouragé. Il y a ce côté empowerment (reprise de pouvoir), très valorisant et fort », Émilie Sciot
L’aventure artistique transdisciplinaire « Manifeste des Lucioles » est née indépendamment du cadre thérapeutique, à la demande des participantes quand l’atelier a touché à sa fin. À l’image de lucioles qui scintillent dans l’obscurité, les photographies habiteront les murs de la salle d’exposition de la Maison des associations, éclairées seulement par de petites lumières. Dans ce cocon sensible et tendre, sept lumières guideront le public sur le chemin d’histoires personnelles qu’elles acceptent de partager, plastiquement et textuellement.
Chacune a choisi entre quatre et sept textes produits en atelier, gardés bruts afin de conserver l’authenticité de la pensée, de l’émotion. Textes et photographies se soutiendront dans cet espace qui représente une nouvelle étape dans la reconstruction… « L’écriture va chercher dans les profondeurs. Reprendre leurs textes et accepter de les donner, c’est un autre travail, moins insouciant que la photo. C’est pour ça que les deux se complètent. » Anne-Cécile ajoute : « La photo, c’était hyper léger, c’était les paillettes. »
« Je te vois, je suis là
Ferme les yeux
Tu me vois je suis là Je te vois
Je me cache un peu Trop de lumière
Je te crois même quand tu ne parles pas
Je te crois, je comprends cet univers malveillant Je te crois, je te vois en plein délire au pied du mur Tu crois creuser ta tombe
Je te vois dans une immense steppe et tu marches vers ton chant
Je te crois, je te vois, je te crois
Je suis là. »
Les lucioles déploieront leurs ailes dans une soirée slam organisée jeudi 9 janvier à 19h. Entourées de leurs photos et de leurs écrits, d’Anne-Cécile et Émilie, de leurs proches, les participantes se mettront à nu en offrant leurs mots au public. Cette soirée sera aussi l’occasion de célébrer la sortie du livre du même nom, publié dans la collection « Paroles Électriques » de la maison d’édition associative rennaise Porte 7.
Manifeste des lucioles n’annonce pas la fin d’une aventure artistique, mais seulement le début d’un nouvel horizon qui s’ouvre.
INFOS PRATIQUES :
Exposition Photographie et Poésie Manifeste des lucioles, du 9 décembre 2024 au 25 janvier 2025
Maison des associations, 6 cours des Alliés, 35000 Rennes
Ouvert du lundi au vendredi de 8h30 à 19h00
9 Janvier 2025 à 19H00 : Événement Slam de poésie / Sortie du livre Manifeste des Lucioles aux éditions Porte 7.
La maison d’édition associative, Porte 7, a pour mission de rendre l’édition accessible aux auteurs·ices en s’affranchissant des normes éditoriales. L’équipe bénévole, composée de Jaff Raji (poète au sabre, directeur), Kev La Raj (poète-slameur) et Gilles (graphiste) ont lancé depuis 2022, trois collections « Paroles Éklektiks », « Paroles Électriques » et « Horizons Maghrébins », comptant déjà une vingtaine de titres. La philosophie de la maison est un accompagnement des auteurs·ices tout au long du processus éditorial afin de leur offrir une maison d’accueil comme un tremplin pour faire rayonner leurs ouvrages et ensuite une diffusion indépendante assurée les auteurs·ices eux-mêmes lors d’événements ou au sein de leurs réseaux personnels. (Site internet)
Anne Cécile Esteve : Site Internet / Instagram / Facebook
Émilie Sciot : Site Internet / Instagram / Facebook