Ce mercredi 17 mars vers 10h, les membres de l’association La Nature en Ville se sont retrouvés derrière les Champs Libres de Rennes pour une action coup de pioche : mettre en terre pommiers, poiriers et autres cognassiers… Unidivers a rencontré sur place l’infatigable activiste Pascal Branchu (voir son portrait ici). Ce Super Nature urbaine est, avec l’association qu’il préside, à l’initiative de ce projet de végétalisation qui peine à se concrétiser alors que la Ville de Rennes l’a retenu il y a deux ans. Présentation d’une action directe végétale.
Le 17 octobre 2018 le collectif la Nature en Ville proposait par l’intermédiaire de la Fabrique Citoyenne un projet de végétalisation des Champs Libres. Objectif : réduire l’aspect minéral de la librairie en l’habillant d’un verger qui viendrait « restituer de l’humidité dans l’air, créer des zones d’ombres et rendre agréable les voies piétonnes tout en offrant à manger sur l’espace public ». À l’instar de la directrice des Champs Libres, Corinne Poulain, de nombreux acteurs s’étaient montrés favorables à cette initiative qui fut élue lauréate de la plateforme de financement participatif deux années de suite. Malgré une enveloppe de 10 000 € et les nombreux témoignages de soutien, le projet peine depuis à se concrétiser.
Si son initiative fut bien accueillie, l’association La Nature en Ville est confrontée à certaines réticences de la ville de Rennes. En jeu, notamment, la présence de réseaux enfouis sous terre rendant délicate toute plantation sur le parvis de la librairie. Plus généralement, les services de la Ville émettaient des réserves quant à la présence d’arbres sur un axe aussi fréquenté que le Cours des alliés. Argument bancal selon Pascal Branchu qui explique que compte tenu de la présence d’une station de vélo devant les Champs Libres, l’implantation de quelques arbres le long du bâtiment ne devrait pas obstruer le passage des piétons.
En dépit de ces réticences, une première plantation d’arbres fruitiers eut finalement lieu en décembre 2019 derrière la librairie, près du Café des Champs Libres. La Nature en Ville avait alors sollicité la ville de Rennes afin « de disposer d’un accès à l’eau ainsi que d’un coffre où ranger les outils nécessaires à l’entretien des plants. Ces demandes restant sans suite, un seul arbre a depuis survécu, faute d’entretien », commente Pascal Branchu.
Il était également convenu de faire grimper des vignes le long des escaliers qui mènent jusqu’à l’esplanade du champ de Mars. Aucun plant ne vit le jour. La ville de Rennes avait alors invoqué un litige avec la Direction Régionale des Douanes de Bretagne, dont le bâtiment borde le passage. Pascal Branchu assure pourtant avoir écrit à la ville de Rennes ainsi qu’aux Douanes de Bretagne. Selon lui rien ne pouvait justifier un tel refus.
Lasse, voire agacée, l’association la Nature en Ville a aujourd’hui décidé d’une action directe en prenant les rênes du projet de végétalisation des Champs Libres. Les membres de l’association ont ainsi mené ce matin une action coup de pioche afin de remplacer les arbres fruitiers morts derrière la librairie. Une matinée de jardinage au cours de laquelle Pascal Branchu en a profité pour mettre en cause ce qu’il considère comme de graves dysfonctionnements de la Fabrique citoyenne et dénoncer l’entêtement de la ville de Rennes.
« On va appeler à ne plus voter pour la fabrique citoyenne »
Le président de l’association fustige la plateforme de financement participatif qu’il dénonce comme « une franchise nationale mise en place pour marchander la démocratie locale preuve en sont les résultats pour le moins médiocres de la Fabrique Citoyenne au cours des dernières années“. Au-delà du projet de végétalisation des Champs Libres, qui malgré son succès deux années de suite sur la plateforme n’avance que laborieusement, Pascal Branchu rappelle qu’aucun des trois premiers projets retenus durant l’année 2019 n’a été mené à son terme. L’association La Nature en Ville en appelle désormais à boycotter la Fabrique Citoyenne, qu’elle considère comme une boîte à idées stérile mise à disposition des Rennais pour simuler un semblant de démocratie locale.
Plus globalement, c’est l’ensemble du modèle d’agriculture urbaine engagé par la ville de Rennes, ses élus socialistes et écologistes, que remet en question Pascal Branchu. Il conviendrait selon lui de développer une dynamique d’agriculture urbaine populaire telle qu’entretenue par les habitants du quartier sur le jardin des champs de l’esplanade, véritable modèle de réussite puisque ce petit potager s’est avéré être un terreau humain des plus fertiles où de nombreuses solidarités se sont développées.
En sus d’être un vecteur de lien social, la mise en place d’un verger urbain aux abords des Champs Libres viendrait aussi verdir l’image de la ville de Rennes. À ce titre, Pascal Branchu invoque une étude suivie du CEREMA, selon laquelle l’artificialisation des terres aurait rongé 3,3% de la métropole entre 2009 et 2019, contre une moyenne de 2,5% d’artificialisation sur l’ensemble du territoire français.
Autre cheval de bataille de l’activiste Super Nature : « rappeler l’urgence climatique et le problème de la qualité de l’air en ville. » Selon une étude menée par la Société Européenne de Cardiologie, la pollution de l’air serait chaque année responsable d’au moins 78 000 décès en France (les chiffres grimperaient même jusqu’à 100 000 décès selon une autre étude menée entre autre par l’Université d’Harvard et l’University College de Londres). D’après l’association La Nature en Ville, à l’échelle de Rennes, l’impact équivaudrait à 377 décès par an… Rappelons enfin que la France a déjà été condamnée deux fois par la Cour Européenne de Justice pour non respect des normes communautaires de la qualité de l’air.
C’est donc tout un paradigme qu’il conviendrait d’inverser selon La Nature en ville. La protection et l’implantation d’arbres en milieu urbain telle que défendue par le Groupe National de Surveillance des Arbres semble incontournable pour préserver la santé des rennais. Lui-même ambassadeur du GNSA du pays de Rennes, Pascal Branchu n’a de cesse d’insister sur la nécessité de conférer un nouveau statut à l’arbre :
« L’arbre en ville est aujourd’hui considéré soit comme du mobilier urbain, soit comme de la marchandise »
L’initiative menée ce matin par l’association La Nature en Ville va-t-elle susciter et accélérer les projets de végétalisation ? Côté Champs Libres, le verger ne devrait pas se limiter à quelques petits fruitiers plantés dans le jardin de la librairie. L’association entend également mettre en place des petites parcelles potagères des Incroyables Comestibles. Il serait également question d’étendre le projet de végétalisation au boulevard Magenta d’ici l’hiver prochain, mais aussi de mettre en place une plateforme de plantes aromatiques en partenariat avec le Café des Champs Libres. Au retour des beaux jours et de la vie sans virus, cette belle place devrait ressembler à un petit havre de verdure où les Rennais se retrouveront afin de déguster des fruits dans le creux d’un arbre.
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