RENNES. LA PHOTOGRAPHE SNIÉJANA EXPOSE UNE INTIME PRÉSENCE

Partie à la rencontre de jeunes Bretonnes comme elle, Sniéjana, alias Neige Photo, expose pour la première fois sa série Intime présence. Beauté singulière et regards sincères habilleront la façade du 4bis à Rennes du 4 au 23 février 2020 (gratuit). Entretien avec une jeune photographe franco-russe ambitieuse. Vernissage le 6 février de 17h à 19h.

À la croisée entre portrait et reportage, Sniéjana confronte des jeunes femmes, d’horizons différents et résidant en Bretagne, à son objectif. Loin des portraits tirés à quatre épingles (omniprésents sur les réseaux sociaux) elle capte avec sincérité un regard, une moue, un sourire, dans la chambre de ces jeunes femmes, lieu de l’intime.

Formée aux Beaux-Arts de Bordeaux, la photographe venue de Quimper est embauchée comme assistante du photographe parisien Gregoire Eloy. Après avoir bougé dans plusieurs villes de France, Sniéjana revient s’installer en Bretagne en 2017.
En 2019, elle est lauréate du prix photo SANEF et est représentée par la Galerie en ligne La Dame de Trèfle. La photographe de 23 ans expose Intime Présence grâce à la bourse F.R.I.J (Fonds Rennais d’Initiatives Jeunes), mise en place par la ville de Rennes ayant pour objectif de soutenir, développer et faire connaître l’esprit d’initiative des jeunes de 15 à 25 ans.

Unidivers – Comment est né le projet d’Intime Présence ?

Sniéjana – J’ai eu cette idée longtemps en tête. Elle résonnait comme une notification. Au bout d’un moment je me suis dit : je me donne à fond et je vais au bout du ce projet. Il s’est fait en deux temps : mes premiers portraits étaient davantage éloignés et épurés. J’ai laissé décanter cette série et pris du recul pour être sûre d’être touchée par mon travail. Je pars du principe que si je ne le suis pas, mes photos n’ont pas d’intérêt à être montrées. Cette première série n’a donc pas marché : trop fade, aseptisé. Alors je suis carrément rentrée dans la chambre des filles concernées. Une chambre c’est le symbole de l’intimité même, c’est un endroit où tu te retrouves.

Intime présence Angela
Angela

Unidivers – Qu’est ce qui vous a inspiré ?

Sniéjana – Le photo-reportage m’inspire par son aspect intimiste, lié à un quotidien. C’est un sujet que j’aime traiter. La photographe Sophie Calle également, ses séries intrusives et intimes. Le mouvement Body positive m’a influencé (créé en 1996 aux USA le Body Positive est un mouvement social en faveur de l’acceptation du corps humain. À l’ère des réseaux sociaux et des corps retouchés afin de tendre vers un dictat de beauté social, ce mouvement a été remis au goût du jour sous forme de hashtag notamment, ndlr).
J’ai l’envie de représenter la génération auquel j’appartiens, sous la lumière du quotidien, de la simplicité en réponse à une omniprésence de la retouche sur Instagram, à l’utilisation d’applications de retouches morphologiques — comme Facetune. Le Body Positive fait l’apologie de particularités que les gens veulent trop souvent cacher (bourrelets, vergetures…). Je voulais faire un entre-deux, sans être dans l’extrême, du type : « regarde cette fille elle a de l’acné et elle assume ».

« Ma chambre est l’endroit dans lequel je me sens le mieux, c’est comme mon nid, un endroit qui me correspond et me ressemble et dans lequel j’aime me morfondre. »— Angela (française d’origine russe)

Unidivers – Les modèles sont de face, le regard plongé vers la caméra. Pourquoi un tel choix de mise en scène ?

Sniéjana – Cela vient de ma culture YouTube. J’ai travaillé dans ce milieu l’année dernière, ça me touche beaucoup. La frontalité face caméra, cadré en plan poitrine … c’est Youtube ! J’ai essayé différents regards et ça ne fonctionnait pas. Je suis quelqu’un de franc. Cette frontalité c’est une manière de donner de ma personne dans l’image. De même que je suis touchée par les jeunes femmes. Le moment où l’on grandit, où l’on devient femme : restants d’une naïveté de l’enfance et prise de conscience du monde adulte. Cette transition me fascine.

Les portraits sont très rapprochés, et capturés au flash pour faire sentir ce côté intrusif. Mais en même temps, on ne voit pas la chambre complètement. On en distingue des éléments intimes (un doudou, une décoration).

Unidivers – Instagram a fait naître de jeunes photographes émergents. Quel est l’impact de ce réseau dans votre travail ?

Sniéjana – Instagram est un moule dans lequel il faut se fondre, de par le format 4×4 (carré), majoritairement. J’ai tenté plusieurs styles : photos boudoir, studio, couleurs vives etc. Mais, finalement, ce qui fonctionne sur Instagram ne me convient pas d’un point de vue artistique. Il y a un conflit entre ce qui me plaît et ce qui attire le clic. Indéniablement, Instagram lance des carrières ! Mais … il y a un contexte, ces gens ont du potentiel. Et entre ce qui est dit et ce qui se passe vraiment, il y a une marge. Instagram reste une façade. Cette série ne sera jamais sur Instagram. J’ai envie d’en avoir une expérience qui s’inscrit dans le réel.

Intime présence Marine
Marine

Unidivers – Être une jeune photographe artistique à son compte en Bretagne, c’est difficile ? 

J’ai beaucoup travaillé à Paris ces dernières années, c’est un choix volontaire de me re-diriger vers la Bretagne. Mais j’y retourne encore régulièrement. Au départ, on a une certaine naïveté de jeune artiste, on se dit que tout est possible. Mais de mon ressenti, les jeunes artistes ne sont pas beaucoup aidés en France. C’est « stylé » de parler d’artistes en freelance, les gens ont des étoiles dans les yeux et c’est dans l’air du temps. Le quotidien prend le pas sur l’artistique : dans ce domaine les premières années on ne dégage pas beaucoup de revenus. J’ai dû mettre l’art de côté à un certain moment; il faut que je mange. Il y a beaucoup de désillusions et il faut se lancer que si l’on est vraiment passionné. Puis, je sens un décalage avec les jeunes de mon âge par rapport à mon rythme de travail.

Unidivers – En tant que Franco-Russe, ayant travaillé en Russie, sentez-vous une différence entre ce pays et la France ? 

Quand j’ai travaillé en Russie c’était toujours avec des Français. J’ai été stagiaire pour Le courrier de Russie, un organisme de presse, en reportage, et ça ne s’est pas bien passé. L’ambiance de travail était tellement mauvaise que j’en ai écourté mon stage. Toutefois, dans les grandes villes il est possible de louer des studios pour pas cher, de qualité, avec de l’espace, des décors … Le shooting que j’ai préféré faire, je l’ai fait en Russie ! Il y a une âme dans ce pays. Les gens sont patriotes, connectés à leur pays et les artistes ont une grande richesse culturelle. Ça me touche beaucoup.

Unidivers – Et après ? 

On verra … Intime Présence c’est complètement de l’auto-production et ça demande beaucoup d’énergie. J’ai proposé le projet à plusieurs magazines, mais mon travail est à la lisière entre plusieurs champs d’expression photographiques. J’aime le portrait. J’aime le reportage. Mais les gens ont besoin de coller des étiquettes. Mon projet ne correspond ni à un magazine centré sur la Bretagne, ni à un magazine centré sur le reportage, ni la photographie contemporaine. Mais je suis une battante. Je vais faire tourner l’exposition.

J’aimerais l’emmener à Quimper. Même si on me dit non, j’ai envie de me battre pour ce projet. J’aimerais bien trouver un lieu d’exposition à Paris aussi. Les Parisiens que je connais ne se déplaceront jamais en Bretagne…

4bis

Intime Présence — Photographies par Sniéjana (Neige Photo), Du 4 au 23 février 2020 sur la façade du 4bis. Gratuit. Vernissage le 6 février de 17h à 19h.

 

L’Instagram de Neige Photo : ici.

https://www.neigephoto.com 

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