Mercredi 6 mai 2020, Michèle Kirry, préfète d’Ille-et-Vilaine, et Emmanuel Ethis, recteur de la région académique Bretagne et de Rennes, ont donné rendez-vous à la presse afin de répondre aux questions qui ne manquent pas de se poser à l’approche d’une rentrée scolaire sans équivalent. L’esprit est au pragmatisme et à la confiance mutuelle. De fait, eu égard au nombre d’inconnues qui demeurent et sont susceptibles de survenir, les solutions pratiques s’élaboreront au fil de l’eau tant par les politiques que par le personnel enseignant et périscolaire.
Entre 150 000 et 200 000, soit environ 60% des effectifs bretons (317059 élèves) sont prêts, selon la réponse des parents d’élèves à la demande qui leur a été adressée, à rentrer en classe dès la mi-mai. Mais quid des conditions pratiques ? Michèle Kirry et Emmanuel Ethis ont répondu – plus ou moins précisément – aux questions ad hoc.
Les voeux des parents seront-ils tous exaucés ? Oui, ont assuré de conserve Michèle Kirry et Emmanuel Ethis. Mais les élèves sont susceptibles de se retrouver dans différents lieux dans les jours qui viennent : leurs classes habituelles, les salles d’étude, des salles d’activités périscolaires, des salles d’accueil (dans les petites communes). L’organisation dépendra de la jauge finale des élèves à accueillir, laquelle entraînera ou non dans tels ou tels école et niveau un dédoublement des classes (15 élèves maximum eu égard à la distance physique à respecter). Ce calibrage permettra aussi d’assurer une reprise rapide de la restauration (dans la salle dédiée à cet effet et non sur les pupitres).
Mais que deviennent les 40% d’élèves dont les parents ne souhaitent pas le retour physique à l’école ? Ils suivront l’école à domicile, l’instruction étant obligatoire en France où elle occupe une place centrale (notre conception de la République repose notamment sur l’acquisition nécessaire d’un ensemble de savoirs fondamentaux ainsi que sur le développement de l’esprit critique comme nerf réflexif de l’exercice de la citoyenneté). Aussi un même enseignant aura pour mission de poursuivre la transmission pédagogique engagée avec ses 15 élèves en classe et avec 15 à 20 autres par voie électronique et numérique. Ce qui pose le problème arithmétique suivant :
Est-ce possible que le corps enseignant puisse se dédoubler, sans augmenter son nombre d’heures de travail ? Et si des dédoublements physiques de classes ont lieu, comment ne pas recourir à un surcroît d’enseignants (sauf à convertir des heures en principe dédiées à l’apprentissage en heures moins pédagogiques et encadrées par le personnel ATSEM) ? La réponse du recteur à ces questions n’aura pas été fort précise…
Qui plus est, un nombre non négligeable d’enseignants, notamment en maternelle et en primaire, considèrent tout simplement impossible de (faire) respecter toute une journée les protocoles sanitaires qui viennent d’être élaborés par le Bureau Veritas. Certains maires en sont également persuadés et n’hésitent pas à manifester leur mécontentement devant l’unilatéralité bien française du dispositif global. Va-t-on assister à des rebuffades la semaine prochaine ? Michèle Kerry se veut confiante. Elle a invoqué l’esprit volontaire des Bretons. On l’espère, à raison.
Ce qui ressort de cet échange, c’est avant tout que l’inconnu nous fait face quand bien même nous tentons de l’apprivoiser. Et il ne saurait en être autrement. Nul n’est besoin de blâmer quiconque : il convient seulement que chacun essaie de faire au mieux dans son périmètre de compétences. Quant aux solutions, elles émergeront au fil de l’eau, des expériences et des lieux. Dans cet esprit, il serait bon de laisser une marge de manœuvre à chaque établissement qui saura inventer des solutions appropriées à l’expérience concrète hic et nunc.
Plus que jamais, une démarche plastique et pragmatique de coconstruction est de rigueur pour concevoir des viabilités adaptatives. C’est le seul moyen de redémarrer l’un des versants essentiels du pacte républicain : cette école où les enfants viennent acquérir des savoirs, de la socialisation et, pour certains, bénéficier de leur seul repas quotidien.
RENNES. LES ENSEIGNANTS INQUIETS PAR LA RENTRÉE SCOLAIRE DU 11 MAI