Robert Salmon, itinéraire iconoclaste en « cités interdites »

L’itinéraire d’un iconoclaste de Robert Salmon entraîne le lecteur de L’Oréal à Lhassa. Ces mémoires d’un grand patron en quête de spiritualité livrent un tour du monde rebondissant et font découvrir une personnalité hors du commun. L’ouvrage passionnant d’un homme tiraillé entre latitudes terrestres et longitudes célestes, mais toujours à la recherche de nouvelles pistes. Un “drôle de pèlerin”!

 

On verrait tellement bien ce long voyage partagé entre sens des affaires et recherche intérieure, exotisme et ésotérisme, en une BD, digne d’un Bob l’aventure

Robert Salmon : itinéraire iconoclaste
Né en 1935, cet ingénieur chimiste licencié en sciences et diplômé en management débarque en 1963 chez L’Oréal, une firme qui marche mais qui n’a pas encore investit dans le rayon luxe. Et en 1969 on retrouve notre homme à la tête de Lancôme et Guy Laroche avant de diriger jusqu’en 1990 la “division Parfums et Beauté”, qui a pour marques, outre Lancôme : Helena Rubinstein, Biotherm, Cacharel, Giorgio Armani, Paloma Picasso, Ralph Lauren, Vichy, La Roche Posay…

Dans sa préface, Marc Ladreit de Lacharrière qui fut vice-président directeur général de l’Oréal entre 1984 à 1991 témoigne :

Pour conquérir les marchés difficiles d’accès, lointains ou exotiques, d’Asie, d’Amérique latine et  d’Europe de l’Est, nous avions besoin d’une équipe au cœur aventureux. Robert Salmon est sans aucun doute le chef de file de cette étonnante équipe d’aventuriers  au mental de pionnier.

À cette équipe les marchés “impossibles” de la Russie, de la Chine, du Moyen-Orient… ainsi que l’investissement dans les duty free. “Loin d’avoir été une promenade de santé, explique Robert Salmon, il fallu comprendre et s’adapter à tant de cultures différentes.” En effet c’est la prise en compte des particularités nationales et culturelles, le refus d’assimiler mondialisation et uniformisation, épaulé par le “charme français”, qui ont permis cette « conquête du monde ». “Cet exercice aussi compliqué qu’excitant donna lieu à beaucoup de situations rocambolesques. Et où les femmes, ces « périscopes » si sensibles, jouèrent un rôle considérable pour décoder les non-dits des cultures.”

Une course vers le futur

Robert Salmon termine sa carrière comme vice-président chargé de la prospective et de la stratégie entre 1991 et 1997. Une occasion de plus d’arpenter le monde et de fréquenter assidûment les laboratoires futuristes dont les noms en disent long : World Future Society, Global Business Network, Institut Mondial des Sciences… En 33 ans le L’Oréalien Salmon ainsi aura couvert chaque année 250 000 km, “visité” une centaine de pays dont deux cents fois le Japon…

La retraite n’arrêtera pas cette course, et cette fois pour donner des conférences, faire du conseil ou séjourner dans des ashrams. Et de continuer à écrire des ouvrages aussi bien techniques que grand public : L’intelligence compétitive, Tous les chemins mènent à l’homme, Les oubliés du monde Com., 21 Défis pour le XXIe siècle… Les derniers en date : Heidi réveille-toi (Slatkine, 2014), sur les défis de la Suisse d’aujourd’hui, et Sauver demain, préfacé par Nicolas Hulot (Edilivre, 2015, édition augmentée), sur les enjeux écologiques. Des livres écrits en partenariat, comme pour satisfaire ce besoin de toujours faire équipe.

Cette autobiographie est en effet tout sauf celle d’un loup solitaire. Elle vaut aussi par les aventures intérieures et spirituelles, menées, elles aussi, toujours en compagnonnage. À vingt ans un périple en Inde auprès de maîtres spirituels l’avait profondément marqué, il renouvellera maintes fois ce type de séjour. Il y aura le Compagnonnage et la Franc-Maçonnerie, mais pas n’importe laquelle, celle des “bandes” de chercheurs très spiritualistes. Il sera un des fidèles des rencontres d’Éranos avec Jung, Eliade, Corbin… Et puis, sa dernière passion : la géobiologie, pour laquelle il ira à Lhassa afin de “réénergétiser” le Potala tibétain…

La question légitime est de se demander comment cet iconoclaste, (mot qu’il faut prendre assurément dans son sens séculier de secoueur de tabous et non de briseur d’icônes) a pu concilier ces deux postulations apparemment contraires : recherche intérieure et business? En tout cas, chez Robert Salmon, ces postulations ont en commun une curiosité insatiable, la soif des lointains, une volonté de “conquête”, du monde comme de soi. La seconde lui paraissant, d’ailleurs, presque plus difficile…

Robert Salmon Itinéraire d’un iconoclaste. De L’Oréal à Lhassa  Éditions Le Passeur, 7 janvier 2015, 280 p., 19,50 €

 

Robert Salmon, ancien vice-président de L’Oréal, est aujourd’hui conseiller de nombreux groupes de luxe internationaux. Il est aussi l’auteur de plusieurs livres, notamment Tous les chemins mènent à l’homme (1994, Prix du livre d’entreprise) 21 défis pour le XXIe siècle (2002) et Sauver demain (2008)

Article précédentExposition Estelle Aguelon aux Petits Papiers à Rennes
Article suivantSeverus Rogue par Alan Rickman, in memoriam

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici