The Gold Eaters : après Chronique des jours à venir et La Sagaie d’Henderson, tous deux traduits en français aux éditions Actes Sud, l’écrivain Canadien Ronald Wright a publié à l’automne 2015 son troisième roman (jusqu’à présent indisponible en français)
Le titre The Gold Eaters, littéralement les mangeurs d’or, renvoie à la recherche frénétique de ce métal précieux qui s’est emparée des conquistadors espagnols menés par Francisco Pizarro sous le règne de Charles Quint. Au nom du catholicisme, les Européens ont destitué Atahualpa dernier souverain de l’Empire Inca, pillé les richesses de ce peuple et imposé leur vision spirituelle monothéiste, jugeant blasphématoires et sacrilèges les traditions religieuses des Amérindiens.
De formation archéologique et également historien, Ronald Wright nous livre dans The Gold eaters une fascinante immersion dans cette période fondatrice et terriblement dramatique de l’histoire du Nouveau Monde. L’écrivain réussit par le biais de descriptions des modes de vie des deux peuples en question ainsi que de portraits psychologiques des principaux protagonistes, ceux ayant réellement vécu et ceux qu’il imagine, à nous faire ressentir puissamment l’atmosphère de cette page historique.
À l’image de la couverture du livre, une gigantesque forêt tropicale, le climat est moite, on est en effet dans la jungle au Pérou, les Espagnols sont affublés de leurs armures et gravissent péniblement les sentiers escarpés à la recherche d’or. Sanglants, les Espagnols sont des barbares (viols, exécutions sommaires…), mais les Incas n’apparaissent pas non plus comme des êtres vivants d’amour et d’eau fraîche (une guerre fratricide entre héritiers de l’Empire inca opposant Huascar et Atahualpa se superpose à l’invasion espagnole). Le missionnaire hystérique Vicente Valverde qui essaiera vainement de convertir Atahualpa tout en maltraitant les Indiens qu’il utilisait comme esclaves, les épidémies de petite vérole importées par les conquistadors et les massacres perpétrés par les Espagnols achèveront de décimer une bonne partie du peuple indigène.
Une atmosphère assez sombre, mais sans jamais être pénible à lire. Ronald Wright, dans ses évocations, ne cherche pas à choquer le lecteur, la violence dépeinte se limite à illustrer des faits historiques sur lesquels se greffe une intrigue plus romancée, mais inspirée de faits réels. Il s’agit de l’histoire assez incroyable d’un jeune Inca nommé Waman qui se retrouve capturé par Pizarro et qui deviendra son interprète. Ce jeune fils de pêcheur va être séparé de sa famille ainsi que de son amie durant plusieurs années. Pizarro l’emportera avec lui à la cour d’Espagne avant qu’ils ne retournent à nouveau au Pérou à la recherche d’autres contrées à annexer.
Waman est dans un stade intermédiaire, mi-esclave mi protégé, il grandira auprès de ces Espagnols qu’il qualifie de barbares. Totalement déraciné il s’accrochera tout de même au souvenir réconfortant des siens et ne cessera d’espérer les retrouver.
C’est à travers ce personnage central que Ronald Wright aborde la dimension poétique et idéalisée de l’Amérindien. Waman est également accompagné d’un esclave grec avec lequel il se lie d’amitié. L’écrivain évoque aussi la désertion d’un soldat de Pizarro qui préférera le mode de vie pacifiste et paisible des basses castes incas en épousant une indigène. Le comportement hospitalier des Incas face à la fourberie des Espagnols est également clairement évoqué. Ce roman jette donc un regard accusateur sur l’expansionnisme territorial et religieux européen. Une analyse qui n’est pas récente, les faits remontant au XVIe siècle, mais les conséquences sont toujours visibles : pauvreté de ce continent, poids pesant du catholicisme dans son plus fort conservatisme, conflits raciaux. Dans son épilogue, l’auteur mentionne un changement qui touche depuis quelques années certains pays d’Amérique latine : des responsables politiques d’origines indigènes tels que Evo Morales (Bolivie) et Ollanta Humala (Pérou) essaient d’insuffler un nouvel élan à leurs nations après 500 ans de colonisation.
The Gold Eaters, Ronald Wright, Septembre 2015, éditions Penguin USA, langue anglaise
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https://www.youtube.com/watch?v=ZMxROUzF-mc