Art Rock reprend ses quartiers à Saint-Brieuc du 3 au 5 juin 2022, pour sa 39e édition ! Un centre-ville historique qui vibre au son des musiques actuelles, des papilles qui se régalent de propositions gastronomiques atypiques et des expositions dans toute la ville, voilà comment on pourrait résumer dans les grandes lignes cette nouvelle édition du festival briochin. Rencontre avec Alice Boinet, programmatrice artistique d’Art Rock.
Art Rock souffle sa 39e bougie du 3 au 5 juin 2022. Le festival costarmoricain organisé par l’association Wild Rose invite à nouveau son public à se retrouver dans le centre-ville de Saint-Brieuc pour célébrer les arts, leur rencontre et leur mélange. Son point d’orgue : une programmation musicale exemplaire dans le domaine des musiques actuelles, dressant des passerelles entre les générations, les styles et les continents. Mais le festival convie également d’autres arts, visuels, numériques et culinaires à égayer ce joyeux banquet au cœur de la ville.
Après une édition réduite, mais “essentielle”, en septembre 2021, Art Rock fait son retour dans l’espace public briochin. Si le festival s’est érigé en rendez-vous incontournable à Saint-Brieuc, c’est qu’il s’empare du centre historique de la ville, gravitant autour de ses repères patrimoniaux et architecturaux. Monument immatériel, Art Rock avait d’ailleurs reçu, en 2018, le prix du meilleur festival urbain, devant des mastodontes tels Le Printemps de Bourges ou Les Francofolies de La Rochelle.
La place Poulain Corbion aura donc le plaisir de retrouver la grande scène du festival, une vieille amie perdue de vue depuis 2019. La petite scène fera, elle, son retour place Charles de Gaulle, devant la préfecture. Ces deux scènes, séparées par la cathédrale Saint-Étienne et la mairie, forment le site principal du festival, pouvant accueillir 12 000 personnes par jour. Non loin de là, La Passerelle, scène nationale de Saint-Brieuc, met à disposition tous ses espaces : le grand théâtre et le petit théâtre à l’italienne pour des concerts assis, le forum pour des formats club, et même sa galerie pour une exposition de Kévin Lucbert, illustrateur auteur de l’affiche de cette édition du festival. Devant La Passerelle, place de la Résistance, où s’affairent normalement les étals du marché, s’étendra le village du festival. On y retrouvera le restaurant à ciel ouvert Rock’n’toques et des concerts gratuits de jour comme de nuit. Autour de ce cœur névralgique, l’exposition Faune de Adrien M & Claire B fera déambuler depuis le quartier de la gare jusqu’au port du Légué, aux pieds de Plérin. Pour les plus sportifs, une parade à vélo arpentera la ville en musique le dimanche. Et pour celles et ceux qui préféreraient se relaxer, rendez-vous samedi et dimanche aux ateliers yoga dans le parc des Promenades.
Car Art Rock, ce n’est pas que de la musique, et encore moins que du rock. « L’identité du festival, ce ne sont pas l’art et le rock, mais l’art rock, l’art dans une philosophie rock, libertaire et indépendante », précise Alice Boinet, programmatrice du festival. Ainsi, l’exposition Faune, en collaboration avec le collectif Brest Brest Brest combine la sérigraphie d’affiches et la réalité augmentée grâce à une application smartphone qui donne vie aux créatures illustrées. Trois parcours dans la ville sont visibles du 1er mai au 19 juin. La compagnie Adrien M & Claire B se voit aussi confier une carte blanche au pavillon des expositions temporaires du Musée de Saint-Brieuc, du 20 mai au 19 juin. Ils y présenteront Mirages & Miracles, une série d’installations basées sur les arts numériques, utilisant tour à tour réalité augmentée, réalité virtuelle, projections ou illusions d’optique. Cette exposition fera l’objet d’une activité de médiation culturelle à destination du public scolaire, pas moins de 1500 élèves du primaire et du secondaire pourront la découvrir.
Alice Boinet est aussi très enthousiaste de pouvoir présenter au public d’Art Rock le spectacle franco-égyptien Itmahrag, créé par Olivier Dubois et des artistes, danseurs et musiciens, du Caire. Mêlant chorégraphie, musique et théâtre, il met à l’honneur le mahraganat, style de musique électronique, mais aussi danse et mouvement culturel né après la révolution de 2011, d’un besoin de liberté de la jeunesse.
Art Rock fait aussi la part belle à l’art culinaire avec un véritable festival dans le festival, Rock’n Toques. Pendant trois jours, 20 chefs, pâtissiers et sommeliers, épaulés d’une brigade de 140 personnes, s’affairent pour régaler les papilles des passants et festivaliers. L’objectif de cet événement, qui célèbre sa 13e édition, est de « proposer de la gastronomie au prix d’un kebab », précise Alice Boinet. Comme à chaque édition, un chef est associé à un artiste invité du festival pour préparer un plat spécial. « À Art Rock, on aime présenter des genres artistiques très différents, et c’est encore plus intéressant de les faire se rencontrer », affirme Alice. Elle se remémore avec plaisir le hot dog de volaille flambé au rhum concocté par Joey Starr en 2016. Cette année, le chef étoilé Nicolas Adam, du restaurant La Vieille Tour à Plérin, compose en secret un plat avec la chanteuse Juliette Armanet.
Ces différentes propositions artistiques participent à élargir le public d’Art Rock, qui prône la rencontre intergénérationnelle par l’art. « Le principe, c’est qu’une famille entière puisse y trouver son compte », explique Alice Boinet. Alors, pour satisfaire tout ce monde, le travail de programmation ressemble à un jeu de funambule à travers les courants nombreux, les modes et les tendances des musiques actuelles. Il s’agit de trouver « un équilibre entre écouter son public et le surprendre », confie Alice. Cela passe par des associations improbables, comme avoir sur la même affiche la grande dame de la chanson Jane Birkin et le jeune prince de la drill française Gazo, « qui n’ont rien à voir dans le style, mais beaucoup en commun dans leur façon d’affirmer leur liberté et de rester fidèle à leur identité ».
Un autre moyen imparable de surprendre est de programmer « des artistes qu’on ne voit pas ailleurs », qu’ils soient émergents et/ou pointus. L’affiche du festival est ainsi partagée entre artistes de renommées internationales (Birkin, Kim Gordon du groupe Sonic Youth, Peter Doherty en duo avec Frédéric Lo, Phoenix), de nouvelles étoiles de la scène française (The Limiñanas, Asa, Gaël Faye, Clara Luciani, Juliette Armanet), d’autres qui percent sur leur scène respective même si leur nom n’est pas encore familier du grand public (Gazo, Laylow, Ibeyi, French 79).
Le reste de la quarantaine de noms est composée d’artistes émergents, parmi lesquels citons James BKS, producteur hip hop chevronné à la carrière internationale, s’étant récemment mis au live (marchant ainsi dans les pas de son père, Manu Dibango), S+C+A+R+R, vu aux Trans Musicales 2021, November Ultra, dont la voix pure s’est fait une belle place dans les programmes de France Inter, Kalika et son chic choc. Côté locaux, on retrouve entre autres les Rennais de Gwendoline, Guadal Tejaz, et L’Amoureuse, les Costarmoricains Les Filles & Christopher, Matahari Afro Beat, The Chapas. Dans le cadre d’un partenariat cocasse avec la RATP, en hommage au Costarmoricain créateur du métro parisien Fulgence Bienvenüe, le village du festival accueillera aussi les concerts gratuits de cinq groupes des Musiciens du Métro, famille par laquelle sont passés des artistes comme M, Keziah Jones ou Zaz.
Généraliste, la programmation musicale d’Art Rock l’est au sens où elle réunit quatre grandes chapelles musicales, rock, pop, rap et musique électronique, tout en laissant les portes grandes ouvertes entre elles. « Ce qu’on retrouve de commun à beaucoup de projets dans cette programmation, c’est le mélange des genres », commente Alice Boinet. La programmatrice cite à cet égard Eloi, jeune artiste autrice d’une pop futuriste (relevant du microgenre de l’hyperpop) boostée à la musique électronique, ou encore la chanteuse et musicienne électronique Léonie Pernet, connue pour ses sorties chez le prestigieux label Infiné qui mêle voix pop, percussions marocaines et sonorités électroniques. De semblables confrontations entre tradition et modernité se retrouvent encore chez les groupes Makoto San ou Teto Preto.
« Le festivalier parfait, pour moi, c’est quelqu’un de curieux, qui prend son billet pour un artiste mais qui va en découvrir d’autres », déclare Alice Boinet. Le mélange — des sons, des saveurs et des arts — et la rencontre sont donc au cœur de la programmation d’Art Rock. Comme toute recette, elle doit son succès à un minutieux dosage mijoté avec amour par l’association Wild Rose. Un plat à venir déguster à Saint-Brieuc du 3 au 5 juin 2022, et qui ravira oreilles, papilles et mirettes.