Le premier album de Silence Radio est sorti le 1er octobre 2016. Chapeau bas à ce drapeau blanc qui flotte comme une provocation bienveillante sur notre aspiration à vivre dans un monde moins enclin à l’hostilité.
Ça commence par les voix d’un monde, celui des ondes sonores où au milieu du flux d’info, de pubs, de musique en continu passent des messages qui repris ici en préambule font froid dans le dos. De Coluche à d’autres ténors qui ont marqué nos mémoires, tout est dit. Il ne reste plus à Silence Radio qu’à chanter l’urgence de ne pas perdre plus de temps. Les textes sont forts, les accents rock subtils, pas question de culpabiliser pour soi ou pour les autres sans rien changer à la donne, mais de rendre à l’état brut une énergie encore intacte de ne pas s’être trop frottée aux renoncements en tous genres.
Axel Boulc’h a la voix qu’il faut pour chanter cette rébellion à contre-courant, à contretemps, qui voudrait réveiller les morts anonymes imprimés dans nos consciences pour les faire danser d’épuisement. Il y a une puissance charnelle dans cette voix qui scande des textes sans concession, musclés, sculptés comme un bras d’athlète. Silence Radio préfère puiser sa force dans l’élégance du verbe, dans la beauté de la ligne harmonique plutôt que muer sa musique en bras d’honneur pour le seul plaisir d’être provocateur. Une révérence pour la poésie, une autre pour l’amour, le fond de l’air est frais, les riffs de guitare nous emmènent loin.
Désir, plaisir profondément positifs, contagieux, chaque air explore entre rythmes coulés ou endiablés une passion pour cette musique amplifiée qui dialogue sur des conflits intérieurs dont la solution s’invente à plusieurs. Ces jeunes artistes aiment avant tout jouer, partager sur scène leur adrénaline, donner du sens, du style à ce qu’ils créent ensemble, ça se sent sur chaque morceau.
« Je préfère cent fois la grippe plutôt que le choléra », sur un air a capella, le langage courant exprime ici le poids qui pèse sur une génération privée de ses rêves. Il est devenu si infime cet espoir de monde meilleur, ce serait déjà pas mal de mobiliser nos volontés pour tenter d’échapper au pire. « Que racontes-tu de beau ? » nous susurre un autre titre de l’album. De quelle beauté d’âme, de geste, de quotidien, chacun est-il encore capable ?
Empreint d’une gravité qui rejette toute amertume, le texte est ciselé de sorte à varier les intentions, les intonations, il est toujours percutant. Silence Radio émet ses ondes à l’adresse de quelqu’un, quelqu’une, acteur ou spectateur, auditeur libre d’une université désertée ou porteur du virus d’une guerre qui gagne chaque jour du terrain, celle de l’indifférence.
Mais nous sommes 1000. Eux sont cinq et sur scène ils mettent le feu. Toute l’équipe mobilisée autour du groupe y va aussi de sa propre énergie. Dans l’explosion qui emporte le public visiblement conquis, on peut ne voir qu’un élan de joie trop puissant pour laisser une chance aux récalcitrants. Mais les paroles « Marche ou crève, mets toi à l’aise il y a de la place au sein du cortège » sonnent comme le glas d’une naïveté qui n’est plus de mise au royaume des enfants de la crise, au pays des rues sans mômes qui jouent. Alors il reste la musique et l’espace qui relie chaque être à un autre, dans le silence ou par les mots.
Ils s’appellent Axel, Tito, Remy, Erwan, Emeric. Ils ouvrent des brèches, ils se moquent de la ville, de la bienséance médiatique, usine à fric, et choisissent la friche pour y faire naître les jardins de demain, ils nous font aimer le rock, ils nous font chanter leurs mots scandés par une voix qui sent l’âpreté du parchemin, la douceur de la plume, à l’heure du numérique froid, sans visage, une voix qui sent les heures d’écriture solitaire.
Le 22 octobre, concert événement pour fêter la sortie de l’album Drapeau blanc, salle Jean Ferrat, Hennebont, 5 €
https://www.youtube.com/watch?v=m27-u40sW5k&feature=youtu.be