Simple d’esprit… D’aucuns pourraient penser hâtivement que c’est un petit roman sympa, régional, qui se lit tranquillement sur le coin d’une table, un verre d’eau fraîche et gazeuse à portée de main, le chapeau de paille sur la tête en cette fin d’été… Que nenni ! Derrière Le Fada de Bousiéyas se cache un grand et beau roman comme on n’en a pas lu depuis des lustres.
Les gens ne sont pas gentils, ils n’aiment pas que l’on soit différent ni que l’on ne pense pas comme eux. Toi tu es différent, plus doux et tes idées dans ta tête ne suivent pas le même chemin, alors ils ne peuvent pas comprendre.
Un roman qui n’est pas sans rappeler la force d’auteurs, tels Giono, Clavel et l’immense Pagnol. On pourrait même penser parfois à quelques pages des Trois contes de Flaubert. Non ce n’est en rien exagéré, car Jean-Claude Lefebvre écrit avec une humanité à vous laisser le cul par terre, à vous laisser monter des émotions… C’est un roman qui fait du bien, c’est un roman qui transporte, c’est un roman qui change la vie, un roman dans lequel on communie sans cesse avec la nature. Et cela en l’espace de quelque 150 pages… On est ailleurs, au pays du réel comme de l’onirisme. Quel voyage, merci Monsieur !
Jean-Noël, le fada de Bousiéyas, vient au monde chez des paysans de l’arrière-pays niçois, là-haut dans les montagnes où l’on parle encore le patois provençal. On est entre les deux guerres et le quotidien est rude, rythmé par les travaux agricoles, les saisons, les exigences des bêtes, la nature aussi belle que rugueuse. Jean-Noël n’est pas tout à fait comme les autres, un peu simplet peut-être, mais au grand cœur. Un cœur simple (Pour reprendre un titre de Flaubert). Un bon gars, un bon gaillard, grand musclé… Et qui subit les quolibets des autres gosses, toujours en quête de proies, chacun sait combien les minots peuvent être cruels, les filles venimeuses parfois. Mais heureusement, Jean-Noël est entouré de parents aimants, taiseux, mais aimants, d’une famille soudée, d’un parrain hors pair… d’un cousin complice…
Au fil du temps, le garçon va se construire ainsi, entre l’amour des siens et les méchancetés des autres. Mais même s’il se montre timide, il s’élève au cœur de la nature, sensible à tous les éléments et aux animaux, dont Néan, son âne, son meilleur compagnon.
Avec son père, Jean, il apprend le métier de muletier ; avec son oncle et parrain, il apprend celui de charpentier ; celui de bûcheron, avec sa mère, il apprend la douceur, la tendresse. Devenu un homme, il va découvrir aussi les premiers émois, l’amour en la personne de Marie, une ébréchée de l’existence tout comme lui. Ils vont se rapprocher, se découvrir, se comprendre et s’aimer, à la folie. Pas du tout ??? Mais si si parce que, que vaudrait la vie sans amour ? Et puis il y aura le temps, le temps qui use, le temps avec son lot d’épreuves, de désillusions, de pardons, le temps des disparitions, le temps des chagrins, de ceux dont on met du temps à se relever… Quand on s’en relève…
Un roman bouleversant !
Simple d’esprit, le fada de Bousiéyas de Jean-Claude Lefebvre. Éditions La Trace. 160 pages. 18,00 €. Mai 2018.
Couverture : © La Trace – Photo auteur © DR
L’auteur : Jean-Claude LEFEBVRE
Après Barnabé, Le vieux fou, Insomnies et Ils m’appelaient Doctor John, Jean-Claude Lefebvre revient dans ses montagnes pour se mettre dans la peau de Simple d’esprit, le Fada de Bousiéyas dont les idées frissonnent dans la tête comme les petites pensées sauvages au vent des alpages.
Jean-Claude Lefebvre est aussi médecin à la retraite, pas toujours à la retraite… avec des missions pour MSF en Syrie, en Libye et en Afrique.