Sinsémilia entame une tournée de concerts pour marquer ses trois décennies de musique. Programmé au festival Green River Valley dans la Manche le 24 septembre 2021, le groupe de reggae bien connu des Français a pu présenter son nouvel album événement, 30 ans. Rencontre
Faire chanter et danser sur trois générations, c’est possible. Sinsémilia l’a prouvé par son existence depuis trente ans. De l’eau a coulé sous les ponts depuis leur premier concert sur les trottoirs de Grenoble devant un sex shop. Eux-mêmes admettaient que l’endroit ne laissait rien présager de leur succès futurs. Et pourtant cette bande d’amis va devenir un des groupes français les plus importants de la scène reggae. Fier de leur aventure, et de retour sur la route pour une tournée des salles, Myke, le chanteur du groupe nous raconte la folle aventure humaine de Sinsémilia.
Unidivers – Sinsémilia c’est 7 albums studio, des albums live aussi, plus de 1400 concerts et 1 millions d’albums vendus : quelle sensation cela fait-il de fêter les 30 ans du groupe ?
Myke – Nous sommes à la fois très fiers d’avoir réussi cette aventure humaine, d’être encore ensemble trente ans après et d’avoir toujours autant de plaisir à jouer. On trouve ça fou. On sait d’où l’on vient, on sait qui était cette bande d’ados qui rêvait de faire un concert. Je trouve cela exceptionnel que, 30 ans après, il y ait tellement de concerts et qu’on soit toujours présents sur scène.
Unidivers – Quelle est la recette pour rester aussi soudés malgré le temps qui passe et malgré les contraintes personnelles qui doivent aussi exister pour chacun d’entre vous ?
Myke – Le gros travail a surtout été fait humainement parlant, car dès le début c’était notre priorité dans le groupe. On voulait avant tout réussir notre aventure humaine ensemble. Cela veut dire être capable de passer par beaucoup de dialogues dans les périodes compliquées, d’accepter que sur le temps d’une vie, certains soient moins bien à certains moments. Il y a des décisions que l’on a prises en donnant la priorité à l’humain plus qu’au développement de la carrière. Ce sont ces choix-là qui ont rendu nos 30 ans possibles.
Unidivers – Comment vous est venue cette idée de 30 titres pour vos 30 ans ? Surtout dans une période qui pour beaucoup a pu être une période artistiquement et créativement creuse ?
Myke – Au début, c’était une vague idée dans ma tête de réaliser 30 titres pour les 30 ans, tout en sachant qu’on n’aurait pas forcément le temps. Et puis d’un coup on a été confinés. À ce moment-là je me suis dit qu’on avait du temps, qu’il était possible de se lancer à fond dans ce projet, plutôt que de se morfondre. On a donc composé, écrit, retravaillé de vieux morceaux, et, surtout, on s’est amusé. Écrire de nouveaux morceaux, c’est toujours très agréable, mais se donner le droit de retravailler complètement de vieilles chansons, c’est aussi un réel bonheur. C’était une chance de donner une nouvelle vie à ces morceaux, même si c’était énormément de boulot .
Unidivers – Pourquoi avoir choisi de venir au Green River Valley un festival qui fête sa première édition et qui propose surtout de mettre la musique au service d’une cause ? Qu’est-ce qui vous a orienté vers ce festival ?
Myke – Ma réponse elle va être très franche. On accepte d’aller jouer à peu près partout, dès que c’est possible. C’est une politique que l’on a eu depuis nos débuts. Si les conditions sont réunies et que l’on peut, on fonce. C’est en cours de route qu’on a ensuite découvert ce qu’était le Green River Valley, que c’était sa première édition et qu’ils avaient tenu le coup malgré les reports et malgré les complications. Au moment où on a accepté de venir, pour nous c’était un festival comme un autre. En arrivant aujourd’hui on réalise que ça n’est pas le cas. On est très admiratifs de leur travail et ça se confirme en arrivant sur le lieu et en voyant les installations. Pour une première édition, ils n’attaquent vraiment pas petit ! On est très heureux d’être là et d’en faire partie.
Unidivers – Quand vous jouez dans le cadre d’un festival, vous y allez plutôt au feeling ou vous choisissez avec soin les morceaux que vous allez jouer ?
Myke – On est obligés de cadrer notre performance et de prévoir nos morceaux, parce qu’on a un temps imparti. Il y a davantage de liberté quand il s’agit d’un concert Sinsémilia en salle par exemple. Dans le cas d’un festival comme le Green River Valley il y a un timing qu’il faut observer par respect pour les autres artistes qui jouent après nous. Ce soir on est là 1h sur scène, et je sais exactement ce que l’on va jouer.
Unidivers – Votre musique a été pour beaucoup un symbole de résistance. Je pense notamment à des morceaux comme « La Flamme ». Est-ce que la musique que vous faites aujourd’hui s’inscrit toujours dans cette volonté de dénoncer certaines vérités ou bien changez-vous un peu de cap en vous inscrivant dans une veine peut-être plus nostalgique ?
Myke – C’est moi qui écris les textes pour Sinsémilia et je ne cherche pas à écrire des textes engagés. Je cherche à écrire des choses sincères. Ce qui me touche m’inspire une chanson. Parfois ça donne des morceaux engagés comme « La Flamme » ou bien comme dans les derniers nouveaux, « La tête haute », parce que la situation me touche et parce que je suis citoyen. Et puis parfois, l’émotion ça peut se traduire par la nostalgie. C’est ce qui me donnera alors l’envie d’écrire des morceaux comme « Prendre le temps », ou bien un morceau comme « Tout le bonheur du monde » pour mes enfants. Cette démarche je crois qu’on l’a toujours eue, ni plus ni moins, et ça n’est ni plus ni moins engagé qu’avant. C’est le même gars qui évolue avec le temps et qui a envie d’écrire des textes sincères. Ce qui a peut-être changé, c’est que plus jeune j’avais beaucoup envie de gueuler contre le système. L’envie est toujours là, mais je pense que notre rôle à travers les textes est peut-être plus de chercher à rassembler les gens. J’ai vu beaucoup de gens s’éloigner les uns des autres ces trente dernières années, et je me dis qu’un des moyens d’être militant aujourd’hui, c’est d’aider à recréer ces liens perdus. Je pense que c’est le point commun à beaucoup de nos chansons ces dernières années.
Unidivers – C’est exclusivement vous qui écrivez les textes des morceaux, ou y a-t-il un travail de groupe qui est réalisé ?
Myke – Non, les textes c’est moi. C’est quand-même très difficile de co-écrire, et puis c’est un travail que les autres m’ont toujours confié. Mais quand j’écris pour Sinsémilia, j’écris vraiment en tant que porte-parole d’un groupe. Il y a des sujets que je n’aborderai pas, parce que je peux ne pas être du même avis que d’autres membres du groupe. Ce sont donc mes textes sur les chansons, mais ce sont surtout les textes de Sinsémilia dans le sens où je traite de sujet que tous vont valider par la suite.
Unidivers – Si vous le pouviez que souhaiteriez-vous dire aux ados que vous étiez et qui avaient joué sur le trottoir de Grenoble pour la première fois en 1991 ?
Myke – Aie plus confiance en toi ! Voilà le conseil personnel que je me donnerais. Et puis à nous tous, je dirais de relativiser et prendre du plaisir ! Il y a des choses qu’on a compris avec le temps et qu’on aurait sûrement aimé comprendre plus tôt, mais ce sont les bénéfices de l’expérience. Je leur dirais qu’il n’y a rien de grave tant qu’on fait les choses sincèrement et avec le cœur. Avec Sinsémilia, on a toujours été là pour participer et créer des bons moments pour les gens et c’est vraiment le plus important. Et c’est encore notre envie pour le festival Green River Valley. On est vraiment heureux d’être là, et on espère créer ces bons moments. À notre grande frustration, on est présents que rarement dans le coin, mais malheureusement ça ne dépend pas que de nous. On se lance aussi dans la tournée des 30 ans en octobre et novembre en salles. On compte profiter de cette tournée au maximum et on remercie les gens pour leur soutien, que ce soit depuis deux ou trente ans. On a la chance d’avoir un public incroyable et nous le remercions du fond du cœur !
Pour suivre les aventures de Sinsémilia, retrouvez toutes les infos et dates de leur tournée sur leur site