Sirāt, troisième long-métrage d’Olivier Laxe, est sorti en salle le 10 septembre 2025. Un père et son fils, à la recherche de leur fille et soeur disparue, partent en road-trip dans le désert marocain en compagnie d’un groupe de ravers. Surprenant et insaisissable, le film a atterri au cinéma comme un ovni, électrisant le spectateur par sa profondeur…
« Sirât » signifie littéralement « chemin » ou « voie ». Dans la religion musulmane, il désigne le chemin plus fin qu’un cheveu, au-dessus de l’Enfer, que chaque âme devra traverser le jour de la Résurrection, avec plus ou moins de bonheur selon son mérite. Sirāt, c’est aussi le titre du nouveau long-métrage qui a secoué le Festival de Cannes en mai dernier et décroché le Prix du Jury du Festival de Cannes 2025, ex aequo avec The Sound of Falling de Mascha Schilinski. Derrière la caméra, Olivier Laxe, que l’on connaît pour Mimosas, Grand Prix à la Semaine de la critique en 2016, et Viendra le feu, Prix du jury dans la section Un certain regard en 2019.
Six ans après Viendra le feu, le réalisateur franco-espagnol Olivier Laxe reprend le Maroc comme décor pour son nouvel univers cinématographique qui, on peut le dire, donne une claque visuelle et sonore à plus d’un spectateur. Là où Mimosas s’installait dans l’Atlas marocain, Sirāt prend ses couleurs dans la chaleur et la moiteur du désert, sur fond d’une Troisième Guerre mondiale que l’on devine par à-coups. Le film s’ouvre un peu à la manière d’un documentaire : l’installation de caissons, puis le son, et la danse. On entre dans l’univers des raves clandestines. Mais où nous emmène Olivier Laxe ?

Si Sirāt est le chemin, le spectateur suit celui de Luis (Sergi López), accompagné de son fils Estéban (Bruno Núñez Arjona), au cœur des montagnes sud-marocaines secouées par un mur de son qui crache une musique hypnotisante, offrant un espace de liberté et d’expression du corps dans un monde en crise. Au milieu de cette foule humaine en transe, aspirée par ce son étourdissant, Luis distribue des affichettes à l’effigie de Mar, sa fille aînée disparue depuis des mois. Sans succès. Mais quand les enceintes deviennent silencieuses, que le sable s’agite au rythme des voitures qui quittent les lieux, Luis et Estéban accompagnent un groupe de ravers vers un autre échappatoire musical, dans un lieu plus reculé et hostile. Elle y sera peut-être…
Là commence un road-trip à l’atmosphère tant organique que mystique : la musique enveloppe d’un son qui naît dans la matière, mystique par la symbolique religieuse que confère le titre même du film. Au fil des minutes, la thématique de la rave et la quête initiale deviennent prétexte pour parler de la vie, dans toute sa beauté et sa fragilité.

Si Sirāt est un pont suspendu au-dessus des Enfers, le désert cristallise cet espace entre deux mondes. Ces âmes errent dans l’immensité du désert marocain, s’enfoncent dans les profondeurs d’un paysage de sable, en quête de l’oasis musical attendu. Mais la liberté des corps et des pensées des débuts contraste avec l’étau qui se referme sur les personnages… Le temps se dilate jusqu’à devenir anxiogène.
En parlant de temps, la présence fantomatique d’une Troisième Guerre mondiale convoque des problématiques et des angoisses actuelles – la guerre notamment –, mais le film prend parfois une esthétique post-effondrement. Cette terre de désolation, sableuse et rocailleuse, féroce et insaisissable, évoque la franchise Mad Max. Le réalisateur joue avec la chronologie comme il malmène la psyché des personnages (et du spectateur ?).
Certains pourraient critiquer le rythme parfois lent, mais c’est là tout l’intérêt du film d’Olivier Laxe. La temporalité n’a ici pas d’importance : on s’immerge avec lenteur dans ce road-trip spirituel, une invitation à profiter du spectacle sonore et visuel, avant d’être secoué par la brutalité d’un monde qui peut devenir arme.
Rares sont les longs-métrages réussis sur le monde de la rave. Celui-ci en est un, car il ne contraint pas cet univers à son image première. Il le restitue dans toute sa poésie et son obscurité.
Données techniques
Titre : Sirāt
Réalisation : Olivier Laxe
Pays : France / Espagne / Maroc
Genre : Drame, road-movie, expérimental
Durée : 128 minutes
Sortie en salle : 10 septembre 2025 (France)
Distribution : Pyramide Distribution
Scénario : Olivier Laxe, Santiago Fillol
Image : Mauro Herce
Montage : Cristóbal Fernández
Musique : Nicolas Becker, collab. artistes techno marocains
Interprétation : Sergi López (Luis), Bruno Núñez Arjona (Estéban), Marta Nieto (Mar, en flashbacks)
