Chaque mois, Unidivers vous présente ses coups de cœurs musicaux, sélectionnés parmi les sorties d’albums et d’EPs du mois en cours. À la une de la sélection de novembre : Les albums de Yann Crépin, Victoria et les Lowland Brothers.
Le mois de novembre arrive à son terme et comme pour les précédents, il a été rythmé par une pléiade de projets musicaux divers et variés. Parallèlement aux sorties Outre-Manche des derniers opus de Damon Albarn et d’Adele, nous avons assisté entre autres aux retours très attendus de Bernard Lavilliers, Juliette Armanet et OrelSan, dont les dernières créations racontent, sous des traits poétiques ou des mots implacables, notre époque et notre monde contemporains avec leurs mutations plus ou moins douloureuses. Mais indépendamment des sorties des poids lourds de l’industrie, l’actualité musicale regorge également d’autres belles propositions artistiques, qui parfois nous échappent et dont nous aurions bien tort de nous priver. Voici donc la sélection que nous vous avons préparé, parmi les albums et EPs parus pendant le mois écoulé…
YANN CREPIN – L’ÉVEIL
Le parcours artistique de Yann Crépin est constitué de rebondissements et de contours parfois inattendus. Après une prime enfance passée à Beg Meil dans le Finistère Sud, il grandit dans la ville de Rennes dont il rejoint le conservatoire au cours de sa scolarité. Il y côtoie notamment les pianistes Vanessa Wagner, Yvan Cassar et Yann Tiersen. Elève de la classe flûte traversière de Marie Jo Lamotte, il en ressort médaillé et, remportant plusieurs concours, se voit promis à une carrière de flûtiste soliste.
Alors que son avenir semble tout tracé dans cette voie, il renonce un temps à ses ambitions artistiques et devient professeur à la Sorbonne. Un évènement, cependant, vient subitement changer la donne : un beau jour, naît en lui une véritable passion pour le piano alors qu’il assiste à un concert donné par Didier Squiban au TNB de Rennes. Cette révélation le pousse ainsi à apprendre l’instrument en autodidacte, démarche qui lui permet de créer ses premières compositions. Ces dernières se retrouvent réunies dans son premier album La déclaration, créé en compagnie de la harpiste Gwenael Kerleo et sorti en 2016 chez Coop Breizh. Fort d’un accueil critique favorable et après une tournée qui l’emmène à la salle parisienne Le Zèbre et au Vauban de Brest, le musicien publie en 2018 un deuxième opus solo, Mise à nu. L’année suivante, les morceaux de l’album sont choisis par la compagnie Air France pour leur musique officielle, voyageant ainsi aux quatre coins du globe.
Aujourd’hui, Yann Crépin nous présente son troisième opus L’Éveil , distribué par L’Oz Production et sorti le 2 novembre dernier. À travers ce recueil de 16 nouvelles compositions, l’artiste développe sa musique fluide et mouvante, dont les couleurs évocatrices peuvent par moments évoquer l’impressionnisme de Claude Debussy, ou encore la démarche moderniste d’Erik Satie.
Souvent comparé au style de certains pairs comme Yann Tiersen et Ludovico Einaudi, son discours musical se nourrit plus largement de sources d’inspirations plurielles, notamment des moments de vie ou des évènements qui ont marqué le musicien ces dernières années. On perçoit en outre cette composante à travers le morceau “Arménie 2020”, composé en réaction aux images télévisées du conflit du Haut-Karabagh, qui a opposé l’Arménie et l’Azerbaïdjan de septembre à novembre 2020. Un morceau que Yann Crépin magnifie d’éléments mélodiques et harmoniques inspirés du répertoire traditionnel arménien, renforçant son aspect aussi inspiré que crépusculaire.
Sorti le 2 novembre 2021 (distribution L’Oz Production).
Disponible dans les bacs et sur les plateformes:
VICTORIA – LA RECONQUÊTE
Connu comme journaliste pour la presse locale, Benoît Tréhorel s’illustre également depuis une dizaine d’années dans le domaine musical en tant qu’auteur-compositeur-interprète. Une vocation dont la genèse remonte à son enfance, période au cours de laquelle il reçoit une formation classique à l’orgue. C’est sa découverte, à l’adolescence, de la chanson française versant pop d’Étienne Daho qui l’incite à écrire ses premières chansons. Puis à la fin des années 2000, l’artiste lance le projet Victoria, pseudonyme sous lequel il compose les titres de son premier EP Jeu de prouesses. Sorti en 2014 en autoproduction, cet EP séminal est suivi d’une tournée de plusieurs performances que l’artiste donne dans l’Hexagone, en duo avec la violoncelliste Ludivine Wiejota.
Après une parenthèse de quelques années, Victoria nous présente son premier album La reconquête, dévoilé le 12 novembre 2021 chez Inouïe Distribution. Enregistré au studio du Faune et mastérisé par Paul Rosalie, il est articulé autour de 13 chansons dont les textes prennent leur source dans la période de vie mouvementée que l’artiste a traversée ces dernières années. Ces compositions oscillent ainsi entre une douce mélancolie et une aura rayonnante, sous des atmosphères introspectives qu’il habille tour à tour d’ombre ou de lumière. Le songwriter rennais bénéficie en outre d’un trio instrumental constitué de Lucas Benmahammed et Guilherm Frénod du groupe Born Idiot, ainsi que le trompettiste Étienne Poinsot. En leur compagnie, il y déploie une esthétique située dans le canon de la chanson française orientée pop, qui se pare tour à tour d’arrangements orchestraux, inspirés par les courants du rock ou aux contours plus proches de l’électronica.
À l’écoute de La reconquête, on retrouve en outre les trois morceaux que Victoria avait dévoilés comme premiers singles et qui ont fait l’objet de clips magnifiquement filmés dans plusieurs lieux emblématiques de Rennes, sous la réalisation de Jérôme Sevrette. Parmi eux, figure le titre « À nos parents », pendant lequel l’artiste soulève les écarts entre deux générations d’adultes, qui opposent notamment nos façons différentes d’affronter la vie et ses bouleversements, comme notre gestion des conflits ou encore l’éducation de nos enfants. Un texte qui délivre une poésie réaliste, à la portée universelle et qui nous laisse à la fois captivés, songeurs et méditatifs…
Sorti le 12 novembre 2021 chez Inouïe Distribution.
En écoute ICI
Cet album a également fait l’objet d’un article à retrouver via le lien ci-dessous :
LE RENNAIS VICTORIA PART A LA RECONQUÊTE AVEC SON PREMIER ALBUM
ANTOINE WIELEMANS – VATTETOT
Jusqu’à présent, Antoine Wielemans s’est fait connaître du grand public comme l’un des membres fondateurs de Girls In Hawaii. Fondée en 2003, la formation développe dès ses débuts une esthétique ancrée dans le rock alternatif et l’indie pop, inspirée à ses débuts par des artistes notables comme Nirvana et les Pixies. Devenue entretemps l’une des figures importantes de la scène rock indé belge, le groupe décide néanmoins de marquer une pause en 2017, au terme de la tournée suivant la sortie de son dernier album Nocturne. C’est à l’occasion de cette parenthèse qu’Antoine Wielemans décide de repartir à zéro et se lance dans l’écriture de son premier album personnel.
Si ses premières compositions solo sont ébauchées en anglais, l’artiste aspire très vite à renouveler sa pratique musicale et s’oriente directement vers un nouveau répertoire de chansons originales en français. Il faut dire que depuis plusieurs années, Antoine Wielemans a progressivement nourri son inspiration à l’écoute des différentes générations de la chanson francophone. Dans sa nouvelle discothèque, se côtoient ainsi les compositions d’artistes majeurs de la seconde moitié du siècle dernier, comme Serge Gainsbourg, mais également d’artistes plus contemporains tels que Mathieu Boogaerts ou encore Voyou. C’est ainsi qu’en 2019, il part de Bruxelles, avec dans ses bagages du matériel d’enregistrement et s’installe dans le village normand de Vattetot-Sur-Mer, non loin d’Étretat. Un nouveau lieu de résidence qui donne son nom à son premier album, sobrement baptisé Vattetot. Conçu en 2019 et 2020 entre la Normandie et la Belgique, il est sorti le 5 novembre dernier sur le label 30 Février.
Ce premier album solo renferme donc 9 morceaux entièrement composés et interprétés par Antoine Wielemans, puis masterisés au Rare Studio de Bruxelles par Rémy Lebbos, guitariste qui a notamment travaillé avec Nicolas Michaux et David Numanwi. Sur le plan esthétique, cet opus est ici construit autour d’envoûtantes nappes de synthétiseur et de boîtes à rythmes aux allures électronica et électro-pop, sur lesquelles l’artiste pose de délicats « pickings » de guitare ou de doux arpèges de piano. Il est également traversé d’une écriture intime et poétique, par laquelle Antoine Wielemans exprime ses doutes et se questionne sur les aspects d’une société malmenée par ses divisions internes. Un regard souvent sombre et inquiet qui reflète plus largement une mélancolie multifacettes, au visage tantôt doux, ou plus ténébreux. Dans le même temps, jaillissent de cette obscurité quelques moments plus lumineux, à la faveur de passages mélodiques et harmoniques plus solaires.
Parmi les chansons de Vattetot, on trouve notamment le morceau « De l’or », qu’Antoine Wielemans a dévoilé le 16 septembre dernier sur les plateformes. Mis en images par son clip réalisé par Simon Vanrie, il énonce subtilement, sans jamais tomber dans le pathos, nos actes manqués ainsi que les frustrations qui parfois nous rongent et nous font très souvent rêver d’évasion. Un morceau captivant qui brille par une certaine portée cathartique, laquelle en fera sûrement l’un de nos compagnons de route pour les mois à venir…
Sorti le 5 novembre 2021 chez 30 Février (distribution PIAS France).
En écoute ICI
Antoine Wielemans sera en concert le 3 décembre 2021 à la Chapelle du Conservatoire de Rennes, dans le cadre du festival Bars en Trans.
MATHIEU BERUBÉ – COUCOU
Depuis une dizaine d’années, Mathieu Bérubé poursuit son chemin au sein de la nouvelle scène de la chanson québécoise francophone. Né en 1993 dans la banlieue de Saint-Eustache à Montréal, il commence sa pratique musicale à l’adolescence sur la guitare de son père, puis perfectionne sa pratique de l’instrument dès 2011. Cette année-là, il entame des études de guitare classique au Cégep de Sainte-Foy à Québec. C’est au cours de ce cursus et en parallèle à une passion naissante pour la littérature qu’il écrit ses premières compositions en français, sous l’influence notamment d’artistes comme Jean Leloup, Malajube et Philippe B.
En 2013, l’artiste s’installe à Montréal et enregistre pendant un an et demi son premier EP Du printemps plein la bouche. Il y déploie alors une esthétique folk rock qu’il développe ensuite sur son premier album Saudade, paru deux ans plus tard sur le label Ad Litteram. Un opus dont la sortie est suivie d’une tournée de 3 ans au Québec et en France, à laquelle succède un deuxième album Roman-savon, dévoilé en 2019 et qui rencontre un certain succès critique.
Par la suite, Mathieu Bérubé élit domicile pendant un an dans le petit village de Natashquan, vers la Côte-Nord du Québec, où il s’attelle à la création de son troisième recueil. Intitulé Coucou, ce dernier est sorti le 12 novembre dernier aux éditions Ad Litteram.
Finalisé au terme de plusieurs mois d’expérimentations sonores en studio, Coucou a été réalisé en compagnie du songwriter Jesse MacCormack, co-producteur de l’album et de la multi-instrumentiste Laurie Torres qui en signe la direction artistique. Cette collaboration a permis à Mathieu Bérubé d’élargir sa palette d’atmosphères et son orientation esthétique, ici enrichie de productions instrumentales aux styles multiples : elle allie notamment les timbres organiques du piano et de la guitare à ceux plus variés de ses synthétiseurs, sous des rythmiques lentes et marquées proches en partie du rap et de la trip-hop. Ce qui ne l’empêche nullement de lorgner par moments vers le dynamisme de l’électro-disco ou les rythmes lents et chaloupés de la bossa nova.
Dans cet opus décrit comme une véritable « ode à la légèreté », Mathieu Bérubé y déploie aussi une vocalité nonchalante et élégante, souvent sensuelle, qui porte ses textes imagés et parfois un brin ironiques, mais toujours délicats, sur des mélodies ciselées. C’est cette direction esthétique que l’on découvre dès les premières secondes de « Minute », morceau qui ouvre l’album. Un titre à l’ambiance mystérieuse et douce amère, qui se déroule autour d’une rythmique marquée ainsi que des lignes de basses mouvantes, faisant aussi intervenir les mélodies inspirées de Jérôme Dupuis-Cloutier à la trompette.
Sorti le 12 novembre 2021 chez Ad Litteram.
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LOWLAND BROTHERS – LOWLAND BROTHERS
Les Lowland Brothers représentent le début d’une nouvelle étape dans l’odyssée artistique du guitariste-interprète Nico Duportal. Depuis son enfance, ce dernier est mis au contact de différents courants du rock et des musiques afro-américaines, au rythme notamment des albums de Pink Floyd, Ray Charles et Ella Fitzgerald. Cette passion alors émergente devient progressivement le moteur de sa vie, d’autant plus qu’il s’amourache du blues pendant l’adolescence, à l’écoute des disques de la collection de son frère. Dans la foulée, il commence à apprendre la guitare et de fil en aiguille, il affine puis professionnalise sa pratique musicale.
Quelques années plus tard et après de premières expériences de groupe, dont Rosebud Blue Sauce fondé en 2001, le musicien forme les Rhythm Dudes, au sein desquels il sort un premier album Meet Me In The Basement en 2009. Pendant les années 2010, la formation connaît un succès croissant et se retrouve amenée à accompagner en concert plusieurs figures importantes du blues et du rock américains, parmi lesquelles Wanda Jackson et Junior Watson .
Au bout de 10 ans passés avec son groupe à creuser le sillon du blues, Nico Duportal décide de repartir sur de nouvelles bases afin de mieux rendre hommage à la diversité de ses amours musicales. Pour ce faire, il met sur pied une nouvelle formation nommée Nico Duportal & The Sparks, qui enregistre l’album Dog Saint & Sinner sorti en 2019 chez Doghouse & Bone Records. Deux ans plus tard, il s’entoure d’un nouveau quatuor composé du bassiste Max Genouel, du guitariste Hugo Deviers, Fabrice Bessouat à la batterie et Damien Cornélis à l’orgue. À eux cinq, ils forment les Lowland Brothers et créent des nouvelles chansons originales qu’ils enregistrent au studio du Garage Hermétique, près de Nantes. Des compositions qui se retrouvent sur leur premier album éponyme, sorti le 26 novembre 2021 sur le label Wita Records.
Dans ce nouvel opus, les Lowland Brothers nous proposent donc un nouveau répertoire enthousiasmant et nous emmènent sur les routes de l’Americana, croisement d’influences au carrefour desquelles se rencontrent plusieurs des courants phares de la musique populaire américaine : parmi elles, la « country soul » popularisée pendant les années 60 par des artistes comme Solomon Burke et Joe Tex, mais également d’autres styles associés, comme le rock’n’roll ou encore le folk rock. Cet album, caractérisé par un son ample et riche, est notamment porté par la guitare électrique et la voix de Nico Duportal, dont le timbre lascif s’orne de mélismes et d’une intensité aux accents gospel.
Cette synthèse réjouissante révèle ses attraits dès le titre d’ouverture « Sunburns In December », d’abord dévoilé en décembre 2020 via une live session, suivie de son clip tourné par Julien Dubois et sorti le 1er octobre dernier. Articulée autour d’une rythmique relâchée de batterie, cette chanson s’appuie sur un accompagnement instrumental qui emprunte à la soul sudiste des 60s, dont les Lowland Brothers explorent et délivrent le charme résolument intemporel. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il s’en dégage une atmosphère aussi intense que chaleureuse, qui pourrait être d’une aide précieuse pour traverser la période hivernale actuelle…
Sorti le 26 novembre 2021 chez Wita Records/Baco Distribution.
En écoute ICI
Les Lowland Brothers seront en concert le 22 janvier 2022 au Ferrailleur de Nantes, pour la « release party » de leur album.
Certains des morceaux présentés dans cette sélection sont à retrouver dans la playlist d’Unidivers :