Sparrows est le second long-métrage du réalisateur islandais Rúnar Rúnarsson. Avec cette juvénile histoire sensible et rugueuse, le talentueux quarantenaire démontre (s’il en était besoin) que l’île septentrionale regorge de surprises en matière culturelle autant que sportive…
En effet, il y a encore quelques jours de cela, cette minuscule nation qu’est l’Islande, se rappelait au bon souvenir d’une Europe ébahie, en alignant face aux plus grandes nations sportives, une équipe d’amateurs mélangés à des professionnels. Qui plus est, ces farouches septentrionaux tenaient la dragée haute aux ténors du ballon. Quelle jubilation ! Dépouillés de tout complexe, mais là, dans le monde du cinéma, ces mêmes Islandais ont récemment raflé un boisseau de récompenses dans des concours internationaux avec Sparrows. Alors qu’en est-il ?
Ne pensez pas trop au titre, Sparrows se traduit par moineaux et ne constitue pas une grande indication même s’il met en scène des gamins. Rossignol eut acceptable, car ce film raconte la vie d’un adolescent de Reykjavik, doué d’une très jolie voix, et obligé d’aller vivre avec son père dans une région plutôt reculée et aux modes de vie teintés d’une indiscutable rusticité. Il y retrouve sa grand-mère, son amie d’enfance, quelques souvenirs et très peu de perspectives d’avenir. Ce pourrait être un autre de ces nombreux films traitant de l’adolescence et de ses émois, mais le regard de Rúnar Rúnarsson donne une tout autre dimension à son travail de metteur en scène.
La première remarque qui vient à l’esprit est celle d’un défilement du temps très ralenti. La caméra flâne sur les visages ou les intérieurs, nous invitant à aller plus profondément au cœur des choses. L’ambiance générale s’y prête admirablement, les paysages minéraux, dépouillés, d’une évidente rudesse, forgent des personnages dont les caractéristiques en sont l’exacte traduction. En cela, Ari, alias Atli Oskar Fjalarsson, le jeune garçon de 16 ans au centre de ce drame en vase clos, apparaît comme un ange aux ailes brisées et qui se serait abîmé en terre hostile. Son père, en parfait accord avec le milieu dans lequel il évolue, peu gêné par les excès d’alcool ou l’obscénité qui l’entoure, se révèle d’un piètre secours pour le fragile adolescent. Inévitablement déstabilisé par les troubles liés à l’avènement de la sexualité, Ari en fait un apprentissage sensuel et destructeur, il va même assister, à demi conscient au viol de sa petite amie, laquelle, sous influence de la drogue, n’en garde aucun souvenir. Ari est confronté à une réalité brutale, se construire se fait dans la douleur.
Sparrows, même s’il paraît parfois un peu traîner en longueur est un film intéressant qui met adroitement en lumière la difficulté de relation qui peut exister entre un père et son fils. Pourtant l’envie de surmonter ces obstacles est présente des deux côtés, mais malgré des tentatives aussi sporadiques que douloureuses, le contact tarde à s’établir. L’acteur qui joue le rôle du père, Ingvar Eggert Sigurðsson est en tout point remarquable. Il a véritablement la gueule de l’emploi et confère à son personnage une présence pleine d’une force et d’une virilité qui n’excluent pas la douleur. Si le ciel d’Islande apparaît tout aussi sauvage que la mer ou les fjords qui servent de décor, la remarquable musique de Kjartan Sveinsson, tout aussi minérale, offre un écrin de qualité au second film d’un metteur en scène nordique digne de la plus grande attention. Rúnar Rúnarsson, un artiste à suivre.
Film Sparrows, fiction, Rúnar Rúnarsson, juillet 2016, 1 h 39
producteurs : Rúnar Rúnarsson, Mikkel Jersin production : Nimbus Film ApS, Nimbus Iceland, MP Films, Pegasus Pictures, Halibut
date de sortie : FR 13/07/2016
scénario : Rúnar Rúnarsson
acteurs : Rade Šerbedžija, Ingvar Eggert Sigurðsson,
Atli Oskar Fjalarsson, Nanna Kristín Magnúsdóttir
directeur de la photo : Sophia Olsson
montage : Jacob Secher Schulsinger
costumes : Helga Rós Hannam
musique : Kjartan Sveinsson
sélections et prix spéciaux :
San Sebastián International Film Festival 2015
Zagreb Film Festival 2015
Bratislava International Film Festival 2015
Les Arcs International Film Festival 2015
Febiofest International Film Festival 2016
La Rochelle International Film Festival 2016