Avec les spectacles Jean, solo pour un monument aux morts, Vous êtes ici et Michèle, Patrice de Bénédetti signe un triptyque magistral pour Les Tombées de la Nuit. Réalisées sur dix ans, ses pièces prennent à bras-le-corps la vie et l’apparent échec de celles et ceux que personne ne veut voir. Juste avec ses muscles, sa voix et une mise en scène minimale, la tension grimpe vite à son comble. Chaque soir du vendredi 8 au dimanche 10 juillet 2022 seront représentées dans l’ordre ces pièces marquantes en divers endroits de la ville.
Dix ans. C’est le temps nécessaire qu’aura consacré Patrice de Bénédetti pour clore son triptyque de spectacles de rue. Bien que son style d’écriture varie radicalement en fonction des pièces, le modus operandi, lui, reste le même. Sans artifice, sans musique, seule la voix de Patrice de Bénédetti donne le rythme à ses chorégraphies. Le phrasé est incisif. C’est sûrement ce que lui a appris la musique, lorsqu’il était encore bassiste au sein du groupe de rock Tarif Réduit. Aujourd’hui, chacun de ses spectacles mélange une part d’intime à la grande histoire. Non pas en passant par des témoignages, mais en s’inspirant des membres de sa famille comme nous allons le voir plus en détail.
Conçue pour prendre place devant un monument aux morts, c’est tout naturellement sur la place du Souvenir français que sera joué ce vendredi 8 juillet Jean, solo pour un monument aux morts. Mais derrière ce prénom familier se décèlent deux figures. Celle du père de l’artiste, Jean, face à celle, historique, de Jaurès. Jusqu’ici Patrice de Bénédetti n’avait jamais osé écrire en français à destination d’un public. Pari réussi pour cette lettre adressée au pater. En employant la structure ternaire du haïku, celle-ci donne un rythme à une chorégraphie titubante et virevoltante. Autre inspiration japonaise, le chorégraphe emprunte au théâtre butō sa conception de danse pour les morts, qui se retrouve ici appliquée pour les victimes de la Première Guerre mondiale.
Moins in situ puisque déployant son propre espace à partir de canettes Coca-Cola, Vous êtes ici s’inspire plus du frère de l’artiste ainsi que des grands sportifs qui n’ont pas réussi. Récité sous forme de slam, le texte frappe comme des punchlines. Définitive, chaque phrase donne l’impression que tout pourrait s’arrêter là, le spectacle comme la vie de ceux qui la jouent à chaque seconde. Une urgence de dire les quartiers, les enfances de ceux qui grandissent dans la rue, espérant que le sport les sorte de là, à moins que l’avenir ne s’atteigne à l’étranger… Pas de répit, le texte enchaîne les uppercuts. Il continue de nous sonner comme un boxeur infatigable, et ses répliques résonnent encore longtemps après.
Comment raconter la vie de sa mère ? Ultime pièce du triptyque, Michèle a sûrement été la plus difficile à écrire. Inédit, le spectacle se déroule autour d’un banc, lieu où l’on se repose et où l’on dit les choses sans-façon. C’est la vie discrète de Michèle, qui par la simplicité de ses mots, sublime les choses banales. Dans l’ombre, elle existe comme tous celles et ceux qui pour une raison ou une autre, n’ont pas réussi. Il faut dire que Patrice de Bénédetti s’est toujours intéressé aux personnages qui incarnent plus l’échec que le succès. L’histoire de Michèle, c’est l’abnégation pure et dure d’une mère qui élève ses enfants seule. Une vie en marge. Et à y regarder de plus près, la poésie de la pièce nous transmet, au-delà de cet oubli de soi, une petite chose inestimable qui illumine sa vie.
“Une mère qui élève seule ses deux gosses dans le quartier nord de Marseille pendant 7 ans au moment de l’adolescence, pour moi ça mérite une médaille d’or.”
Semblables à des oignons ou des mille-feuilles à éplucher, les pièces de l’auteur ne se laissent pas résumer en un seul mot. À chaque fois que la voix de l’interprète nous interpelle, on sent que ce qu’il représente dépasse ce qui se joue réellement, que les implications sont plus profondes et touchent encore d’autres sujets. Enfin, le rituel commence à rentrer dans les esprits. Le public sait qu’à chaque fin de spectacle, une fois les applaudissements tus, l’artiste quitte son personnage et revient cinq ou dix minutes exprimer le pourquoi du comment.
Depuis tout minot, Patrice de Bénédetti est féru de poésie, sa plume s’ingéniant à écrire moult chansons et textes secrets. Autodidacte, il commence à apprendre la danse sur le tas en 2003, lorsqu’il intègre la compagnie Ex-nihilo. Les années passent et dix ans plus tard, le chorégraphe entrevoit ses premières idées de solo. De là découle la conception de ses trois pièces majeures. Aujourd’hui il pense s’arrêter en termes de nouvelles créations personnelles. Le triptyque est un ensemble cohérent et enfin accompli. La boucle est bouclée ! Seul changement à signaler, les nouvelles représentations de ses pièces se concentreront moins sur la chorégraphie que sur leur dimension théâtrale pour gagner en intensité.
INFORMATIONS PRATIQUES
Jean, solo pour un monument aux morts sera visible le vendredi 8 juillet 2022 à Rennes au Cimetière de l’est, 1 place du Souvenir français à 19h, en entrée libre (à partir de 10 ans) Durée : 40 min
Vous êtes ici sera visible le samedi 9 juillet 2022 au Square Lucien Rose de Rennes à 19h, en entrée libre (à partir de 10 ans) Durée : 40 min
Michèle sera visible le dimanche 10 juillet 2022 à Rennes au Parc des Tanneurs (accès rue Saint Martin) à 18h, en entrée libre (à partir de 10 ans) Durée : 40 min
Site des Tombées de la Nuit : https://www.lestombeesdelanuit.com/
Site de l’artiste : https://www.picnicproduction.com/patrice-de-benedetti-jean
Tél : 02 99 32 56 56