TNB saison 2015-2016, un programme intéressant rapporté à un imaginaire restrictif

La direction du TNB a annoncé au mois de juin la programmation 2015-2016. Sans surprise, cette nouvelle saison demeure dans le même esprit que la précédente. Présentation du même qui n’en finit pas de s’aimer…

Emmi : J’étais aussi au parti. A vrai dire tout le monde était au parti. Ou presque. Mais malgré cela je me suis bien entendu avec Franticek. C’est comme ça qu’il s’appelait, mon mari : Franticek. Mais bientôt il a été malade du foie. Il a toujours trop bu. Mais il était toujours gai. (Fassbinder, La peur dévore l’âme)

Il semblerait que la direction du TNB ne veuille pas prendre le risque d’effrayer son public avec une programmation inédite s’écartant (un tant soit peu) d’une ligne idéologique depuis longtemps instaurée… Que personne ne s’effraie : le public retrouvera les mêmes que l’année dernière ! Avec sa Revue rouge – un spectacle un tantinet incongru en pareil lieu –, Éric Lacascade continue à réjouir certains, à l’instar de son ami Stanislas Nordey qui revient, comme chaque année, avec un nouveau spectacle, intitulé Je suis Fassbinder.

Encore une fois, la programmation du TNB est centrée sur un répertoire classique. En effet, les artistes associés au TNB proposent des créations sur la base de grands « mythes européens ». L’excellent Thomas Jolly (Molière du metteur en scène 2015 pour Henri VI – voir notre article) termine la première tétralogie shakespearienne en présentant une mise en scène de Richard III, spectacle qui ouvre la saison 2015/2016. Après la très belle mise en scène de La Vie de Galilée (voir notre article), Jean-François Sivadier reprend Dom Juan de Molière. La saison dernière Christine Letailleur avait présenté Hinkemann, cette année ce sera une adaptation des Liaisons dangereuses.

On retrouve Shakespeare en mai avec la mise en scène d’Othello de Luc Bondy, lequel avait ravi les spectateurs du TNB en reprenant Les Fausses confidences d’une manière remarquable. Emmanuel Demarcy-Mota qui avait proposé la saison dernière une mise en scène du Faiseur de Balzac (voir notre article ) est de retour avec Six personnages en quête d’auteur de Pirandello. Tennessee Williams est également au programme avec La Ménagerie de Verre. Et pour finir cet aperçu des grands classiques de cette saison, La Princesse de Clèves est adaptée par Magali Montaya.

Du côté des nouveautés, les quatre pièces contemporaines programmées promettent de faire parler d’elles. Des ombres et des lèvres offrent une perspective pour le moins déroutante : une mise en scène d’un voyage dans l’univers du mouvement LGBT au Viêtnam. Thomas Blanchart, quant à lui, adapte au théâtre un documentaire de l’émission « Strip tease » intitulé Fumiers. Mêlant danse, chant et texte, Agathe Mélinaud propose un portrait original du compositeur français Erik  Satie, Erik Satie-Mémoires d’un amnésique.

Le public rennais appréciera également en langue originale surtitrée en français une création italienne reprenant les figures féminines du cinéma de Fassbinder, Ti regalo la mia morte, Veronika. En langue allemande, The Little foxes de Lillian Hellman est revue par Thomas Ostermeier afin d’apporter un regard sur le modèle économique et politique germanique.

Interrogé à propos de la chute du nombre d’abonnés, François Le Pilouër a répondu en brandissant l’argument économique : « Faute de développement des crédits qui a entraîné la réduction du nombre de spectacles de grande ampleur, la saison 2014/2015 a vu le nombre de nos abonnés se réduire à 13448. » Le manque de « spectacles de grande ampleur » suffit-il à justifier la baisse d’abonnements enregistrée ? A fortiori connaissant l’incroyable volume de subventions dont jouit le TNB afin de réduire au minimum le tarif des places pour inciter le public ! La désolidarisation d’une partie des Rennais ne serait-elle pas plutôt le signal d’une profonde lassitude due à un conservatisme sans audace sur un plan intellectuel comme programmatif avec, notamment, une regrettable carence de nouveautés et de pièces contemporaines ? A cela s’ajoute, les différents scandales politiques et financiers qui ont terni l’année dernière l’image de la direction du TNB.

Pour autant, dans les limites de son cadre restrictif, la saison 2015/2016 promet d’intéressants spectacles, voire certaines surprises. Reste que le TNB reste dans cette logique de l’entre-soi qui sclérose cette scène depuis des lustres. Mêmes artistes et autres copains sont programmés saison après saison… Saison après saison… Ce qui a pour effet d’endiguer la découverte de nouvelles scènes et de jeunes ou moins jeunes artistes contemporains porteurs de modernité réflexive et de vision prospective.

Bref, on rêve de voir jouer au TNB des pièces inouïes, des spectacles non traditionnels et d’inédites propositions. L’une d’elles pourrait d’ailleurs mettre en scène l’insolente capacité des dictatures d’extrême-gauche à s’auto-persuader de la légitimité progressiste de leur idéologie jusqu’à confiner en mafia intellectuelle embourgeoisée.

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