Tocqueville à la plage de Xavier Gardette, c’est l’histoire d’un couple, d’un vieux couple aimant, Sylvie et Olivier. Un couple, qui passe des vacances protégées dans un ghetto de villas blanches, non loin de l’océan, sur la côte vendéenne. Sylvie en a décidé ainsi, elle décide à peu près tout et Olivier se laisse guider…

Je me souvenais d’avoir lu autrefois quelque texte obscur sur la philosophie de Leibnitz, personnage fort sévère à l’endroit des esprits faibles, ces âmes qui voyaient des signes partout. L’agacement qui me monta au nez à cette lecture m’avait conforté dans l’idée que toutes les philosophies ne servent de rien quand il s’agit de rendre la vie intelligible et supportable. Je me détournai vite de ces spéculations assises sur le dédain de l’évidence, sur le mépris des faits – c’est ainsi que Leibnitz renforça ma vocation de journaliste.

L’effort de mémoire va se muer en quête obsessionnelle, et Olivier semble pris dans un vertige dont il ne parvient à se défaire.
Cette perturbation de mon univers mental, cette prétendue réminiscence liée à la Grande Plage, tout cela n’est qu’un conte que je me raconte à moi-même, une bouffée d’autosuggestion destinée à contrer l’ennui qui menace, qui suinte déjà des murs alors qu’il faut vivre quatre semaines dans ce ghetto aseptisé cloné sécurisé, trappe à riches, à familles propres, à couples sénescents dorés sur tranche.
Dans une langue limpide et précise, Xavier Gardette nous invite dans une certaine intimité da ns laquelle s’embarque le lecteur. Intimité dont la quiétude apparente et jolie comme de la passementerie recèle des surprises : infimes blessures, complicités anciennes, amnésies entêtantes. Et courant tenace. Que laisse-t-on derrière soi lorsqu’on aime ? Comment sortir la tête de l’eau et faire résilience d’un passé trop lourd à porter ? Ce sont les questions, in fine, que Xavier Gardette nous pose, dans un texte délicat et fort.
Xavier Gardette Tocqueville à la plage, Arléa, 2016, 168 p., 18 €
Xavier Gardette est né en 1947, année d’apparition des OVNIs et meilleur millésime du siècle pour Bordeaux et Bourgogne. Il passe son enfance et son adolescence à Versailles et fréquente quotidiennement les jardins du Roi Soleil. Attiré par l’exotisme, il séjourne dès l’âge de 11 ans de l’autre côté de la Manche, travaille plus tard comme aide-soignant à l’hôpital de Tübingen en Allemagne, et pousse même jusqu’au cercle polaire. Appelé sous les drapeaux, il se planque à l’École Militaire. Libéré pour bonne conduite, il repart pour Glasgow, s’installe ensuite dans le sud de l’Angleterre où pendant plus de cinq ans il enseigne à l’université de Portsmouth. La nostalgie le ramène vers la douce France. Après un détour sur le front de l’Est, il se fixe dans cette verte Auvergne dont il fait sienne la stratégie : « pour vivre heureux vivons cachés ». Pendant vingt-cinq ans, il mène à Clermont-Ferrand diverses missions au service de la formation des adultes et parcourt avec bonheur les paysages de la région. Retiré aujourd’hui des affaires, et fidèle à la pensée de Mao-Tsé-toung : « Il faut toujours marcher sur deux jambes », Xavier Gardette pratique le golf et l’écriture, et va et vient entre le Parc des Volcans et une antique chaumine nivernaise. Il est l’auteur de nouvelles et de cinq romans.
