Né en Normandie dans une famille d’artistes, Gabriel Saglio a fondé en 2003 le groupe Les Vieilles Pies dans lequel il officie toujours comme instrumentiste et chanteur. Son dernier album, Le chant des rameurs est sorti en février dernier, inaugurant une tournée de 27 dates jusqu’en juin 2019. Il a ainsi participé au festival Transat en ville le 18 juillet dernier à Rennes, dans le cadre de cette série de concerts.
Le deuxième concert de Transat en ville, le 18 juillet dernier, a été placé sous le signe du métissage musical. C’est dans cet esprit que Gabriel Saglio et son groupe les Vieilles Pies ont donné leur concert la semaine dernière, au festival Transat en ville pour la promotion de leur dernier album Le chant des rameurs. La chanson titre, qu’il a interprété lors de ce concert, est écrite sur un texte de Birago Diop, poète sénégalais connu pour avoir transcrit des contes issus des traditions orales africaines. A cette occasion, il a proposé aux spectateurs rennais un voyage traversant l’Afrique de l’Ouest, ainsi qu’une excursion du côté de la Réunion… le tout associé à la vocalité de la chanson française. Son timbre de voix légèrement erraillé et sa prononciation évoquent effectivement Jacques Brel, grand voyageur de la chanson française dont il se revendique l’influence. De même, son écriture très poétique semble refléter l’influence de la poésie d’Arthur Rimbaud et des surréalistes. Il avait d’ailleurs lui-même mis en musique certains de ces textes dans ses précédents albums, notamment le fameux Roman de Rimbaud et La puissance de l’espoir de Paul Eluard. Cela ne l’empêche pas d’écrire et de composer la plupart de ses chansons.
Ses textes, mêlant le plus souvent le français aux langues africaines, véhiculent des valeurs étroitement liées à l’altruisme, le vivre ensemble et à la fraternité au-delà des frontières. Afin d’immerger le public dans son univers multiculturel, il a donc pris le temps, avant chaque chanson, d’expliquer au public le contexte de leur création. Inspirées le plus souvent de ses voyages, elles évoquent des villes françaises comme Nantes, sa ville d’adoption dans Le canal du midi, mais surtout l’Afrique de l’Ouest, notamment le Nigeria. Les côtes d’Espagne y sont également présentes, à travers la chanson Un drôle de Père Noël, dans laquelle il relate l’arrestation d’un clandestin sénégalais à laquelle il a assisté à Valencia. Le propos étant d’autant mieux illustré que Gabriel Saglio et son groupe y ont été accompagnés par des choeurs de femmes africaines, enregistrés et reproduits par un sampleur.
C’est par le biais de cette approche hétéroclite et humaniste que le musicien breton a directement mêlées dans sa musique des influences diverses, issues de différentes traditions musicales : on y retrouve notamment un jeu d’accordéon qui, à la première écoute, peut rappeler le zydéco mais qui correspond surtout au séga réunionnais, dans lequel cet instrument occupe une place prédominante. Le maloya, l’autre style emblématique de la Réunion, y est également présent. Gabriel Saglio l’a ainsi intégré comme trame de la chanson La vie souffle dont l’esthétique, associée à sa tonalité de ré mineur, peut également évoquer les chansons de l’interprète capverdienne Cesaria Evora. Dans d’autres chansons, son jeu de la clarinette, lors des solos, est celui de la musique klezmer qu’il pratiquait auparavant. L’artiste breton, qui a fondé son groupe dans les campagnes de Rennes, est effectivement clarinettiste de formation et maîtrise également le saxophone.
L’esthétique générale des Vieilles Pies n’en reste pas moins marquée par les musiques populaires de l’Afrique de l’Ouest. Ainsi, pendant les solos de guitare, on a pu remarquer l’utilisation de l’harmonie modale que l’on pourrait définir comme une trace des influences des musiques populaires africaines. Même lors des chansons aux thèmes plus graves comme Le canal du midi, l’instrumentation conservait une rythmique chaloupée qui apparaît comme caractéristique des musiques caribéennes et africaines. Dans cette chanson, Gabriel Saglio a néanmoins ralenti le tempo et rendu l’instrumentation un peu plus nostalgique, correspondant parfaitement au texte de la chanson Africa, souviens-toi ton Afrique chaque soir. En association à ce rythme chaloupé, adopté en toute circonstance par ses musiciens, le jeu de guitare électrique clair de Vincent Barrau, en notes piquées et dans le registre aigu rappelle également les musiques africaines urbaines. L’utilisation de cet élément est désormais presque incontournable dans l’afropop contemporain et on pouvait déjà l’entendre dans les décennies précédentes. C’est le cas par exemple dans la musique d’Oliver Mtukudzi et de Salif Keita, célèbre musicien malien et autre influence de Gabriel Saglio.
Le concert s’est finalement conclu dans une ambiance résolument festive, lors de la dernière chanson Dansons, extraite d’un album de 2013. Les Vieilles Pies l’ont alors interprétée sur un tempo plus rapide que dans la version originale, lui conférant une dimension dansante irrésistible. C’est pourquoi à ce moment-là, les occupants des transats, toutes générations confondues, ont finalement répondu à leur invitation à se lever et à se déhancher. Encore une preuve que la musique adoucit les mœurs.
Gabriel SAGLIO : Chant / Clarinette / Clarinette Basse
Florian TATARD : Accordéon
Toups BEBEY : Percussions / Saxophone Ténor
Yoan HERNANDEZ : Guitare / Choeurs
Vincent BARRAU : Basse
Alban COINTE : Batterie / Choeurs