Un Brueghel volé retrouvé grâce à un journaliste et l’Indiana Jones de l’art

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brueghel vol tableau

Un Brueghel volé il y a 50 ans retrouvé grâce à un journaliste et à Arthur Brand aka « l’Indiana Jones de l’art ».

En 1974, le Musée national de Gdańsk, en Pologne, fut le théâtre d’un cambriolage spectaculaire. Parmi les œuvres disparues, une peinture circulaire de Pieter Brueghel le Jeune, Femme portant des braises, semblait s’être volatilisée. L’œuvre, d’un diamètre de 17 centimètres, illustrait un proverbe néerlandais : Ne croyez jamais une personne qui porte de l’eau dans une main et du feu dans l’autre, une allégorie de la duplicité humaine.

L’affaire prit une tournure encore plus mystérieuse lorsque le vol fut découvert d’une manière insolite : un employé du musée fit tomber la peinture du mur et constata qu’il ne s’agissait que d’une reproduction soigneusement découpée dans un magazine. La supercherie était parfaite, et personne ne savait depuis combien de temps l’original avait disparu.

Rapidement, l’attention des enquêteurs se tourna vers le port de Gdynia, où des douaniers avaient signalé des exportations illégales d’œuvres d’art. Mais un rebondissement glaçant survint : un douanier clé dans l’enquête fut retrouvé mort, immolé par le feu. Cet incident, jamais élucidé, alimenta des rumeurs sur une possible implication des services secrets polonais, voire d’un réseau international de trafic d’art profitant de la Guerre froide.

Après ces événements, la piste de Femme portant des braises se refroidit totalement. L’œuvre semblait avoir été engloutie dans les méandres du marché noir de l’art, où les collections privées et les ventes clandestines rendent les traçages quasi impossibles. Le vol fut classé parmi les nombreux pillages artistiques non résolus.

Or, en 2024, un incroyable retournement de situation eut lieu : des journalistes du magazine d’art néerlandais Vindrepérèrent l’œuvre lors d’une exposition temporaire dans un musée aux Pays-Bas. Elle était prêtée par un collectionneur privé, qui, selon toute vraisemblance, ignorait son passé criminel.

C’est alors qu’intervint Arthur Brand, célèbre chasseur d’œuvres volées, déjà connu pour avoir retrouvé des pièces majeures comme un tableau de Van Gogh ou les célèbres chevaux de bronze d’Hitler. Dès qu’il fut alerté, il décida d’enquêter sur cette mystérieuse apparition.

Surnommé « l’Indiana Jones du monde de l’art », Arthur Brand s’est forgé une réputation en naviguant entre le milieu du marché légal et les sphères criminelles où transitent des trésors oubliés. Expert en négociation avec des collectionneurs douteux et des intermédiaires peu recommandables, il mène des enquêtes de longue haleine, s’appuyant sur un vaste réseau d’informateurs et d’experts en histoire de l’art.

Dans le cas de Femme portant des braises, Brand procéda avec méthode. Avec l’appui de la police néerlandaise et d’experts en art flamand, il comparait les détails du tableau exposé avec les archives photographiques disponibles. La conclusion fut sans appel : il s’agissait bien de l’original disparu du Musée national de Gdańsk.

L’œuvre, désormais en sécurité dans un musée du Limbourg, attend sa restitution à la Pologne. Mais cette étape est loin d’être simple : le collectionneur qui la possédait pourrait réclamer une indemnisation, estimant l’avoir acquise de bonne foi. De plus, certaines procédures juridiques pourraient compliquer le retour du tableau.

Quant à sa valeur marchande, elle reste difficile à estimer. Si les œuvres de Pieter Brueghel le Jeune s’échangent souvent à plusieurs millions d’euros, le contexte de son vol et sa notoriété nouvellement acquise pourraient encore faire grimper son prix.

L’histoire de Femme portant des braises est bien plus qu’un simple fait divers. Elle illustre la complexité du marché de l’art, où des chefs-d’œuvre peuvent disparaître pendant des décennies avant de réapparaître de manière inattendue. Entre la discrétion des collectionneurs, les lacunes des bases de données internationales et la persistance de réseaux criminels spécialisés, la récupération de telles œuvres tient souvent du miracle.