Une bête au paradis de Cécile Coulon, prix littéraire du Monde 2019. Une plongée dans un huis clos terrible au cœur même d’une nature aussi dure que les relations entre les êtres qui la peuplent.
Est-il lieu plus dur, plus éprouvant, plus chargé de secrets et de non-dits que celui où nous entraîne Cécile Coulon dans ce nouveau roman ? Pas si sûr ! Pas si incertain non plus ! Faut-il que cette jeune auteure nourrisse un goût sûr pour le tragique en nous proposant de séjourner le temps de quelque 350 pages là-haut où tentent de vivre sinon de survivre les personnages d’Une bête au paradis ? Pas si incertain non plus. Parce que les bons sentiments, les histoires d’amour simples (si elles existent vraiment) n’intéressent finalement pas grand-monde hormis quelques aficionados des romans à l’eau de rose, des accros aux séries dégoulinantes de début d’après-midi de certaines chaînes de TV françaises, voire de telenovelas produites en batteries en Amérique latine.
Non, décidément, Cécile Coulon aime les romans forts, les histoires dont ni ses personnages, ni les lecteurs ne sortent indemnes. Et c’est le cas des vies croisées, parallèles d’Émilienne, de Blanche, de Gabriel, de Louis et de l’intrigant Alexandre… Ces gens-là sont pour la plupart des taiseux, des êtres de la terre, terre qu’on ne quitte pas quand on y est né, quand on doit y vivre, quand on doit y aimer, y souffrir, y mourir. Quoi qu’il se passe, quoi qu’on soit parfois attiré par des sirènes. Mais chacun devrait savoir que les chants des sirènes peuvent s’avérer des plus dangereux voire pire encore.
Blanche et Gabriel sont nés là haut, dans la ferme de la grand-mère, Émilienne, au Paradis. Le Paradis c’est le nom de l’endroit. Quelle étrange dénomination que ce Paradis, théâtre de tant de drames, de malheur. Mais c’est ainsi, le Paradis peut dissimuler aussi l’Enfer. Émilienne aime ses petits, elle en la charge depuis la mort de leurs parents, disparus tragiquement. Elle bénéficie d’une aide précieuse en la personne de Louis, un jeune homme ébréché voire pire par une enfance violente. Auprès d’Émilienne, il doit bosser mais il ne craint plus les coups, ceux qu’il a reçus et qui l’ont marqués à jamais. Blanche et Gabriel grandissent dans ce Paradis qui pourrait les protéger de tout… Mais deviennent bien vite des adolescents, de jeunes adultes ; ils ne laissent pas nécessairement les autres indifférents. Et c’est peut-être ce qui va les perdre… A jamais. Alexandre, fils du coin, de parents modestes, tombe amoureux de la jolie Blanche. Louis fulmine car s’il n’est que le garçon de ferme, il aime aussi en secret la jeune fille. Deux rivaux vont se battre pour le cœur de la belle ; lequel gagnera ses faveurs ? Que deviendront avec le temps ces personnages forts, même dans leurs silences ? Que deviendra le fragile Gabriel pour lequel chacune et chacun tremblent sans cesse ?
Cécile Coulon a développé toute la force et toute la faiblesse qui règnent en ces êtres marqués profondément par leur ancrage à la terre. Ils sont même possédés par elle. Mais elle présente aussi une analyse psychologique pertinente sondant les âmes, travaillant les élans, les envies, les sentiments, un à un, au scalpel. Elle met à travers eux tout ce qui compose les montagnes russes de l’existence, les bons comme les mauvais moments. Et si c’était cela le Bonheur, reconnaître les instants lumineux au cœur même des ténèbres.
Un huis clos fiévreux hanté par la folie, le désir et la liberté.
Une bête au paradis – Cécile COULON – Éditions Iconoclaste – 350 pages
Parution : 21 août 2019. 18,00 €.
Couverture : © Quintin Leeds – Photo auteure Cécile Coulon © Antoine Rozes
Cécile Coulon est née en 1990. En quelques années, elle a fait une ascension fulgurante et a publié six romans, dont Trois saisons d’orage, récompensé par le prix des Libraires, et un recueil de poèmes, Les Ronces, prix Apollinaire.
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