Vie sur Mars : la NASA découvre une biosignature ancienne potentielle

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Une récente étude fondée sur des données collectées par le rover Perseveran révèle des minéraux et des textures dans des roches sédimentaires de Mars qui sont compatibles avec des traces de vie ancienne. Ces résultats, bien que non concluants, constituent le signal le plus fort jamais détecté sur la planète rouge en faveur d’une vie microbienne passée. L’analyse détaillée et le retour d’échantillons sur Terre seront essentiels pour confirmer ou infirmer l’hypothèse biologique.

L’un des grands objectifs de l’exploration martienne est de répondre à la question séculaire : Mars a-t-elle déjà abrité la vie ? Depuis l’observation de l’eau passée sur la planète, en particulier dans la région du cratère Jezero, les missions se focalisent sur la recherche de biosignatures, c’est-à-dire d’indices dans les roches ou les sédiments qui pourraient indiquer une activité biologique antérieure.

  • Le rover Perseverance explore depuis 2021 le cratère Jezero, site considéré comme particulièrement favorable à la recherche de vie ancienne, car il abrite des formations sédimentaires (vieux lits de lacs et de rivières).  Parmi les formations étudiées, celle appelée Bright Angel dans la vallée Neretva Vallis s’avère importante : les sédiments y sont fins (mudstone), un milieu propice à la conservation de matière organique.
  1. La roche « Cheyava Falls » et l’échantillon « Sapphire Canyon »
    • Cheyava Falls est une roche située dans la formation Bright Angel. Un carottage (« core sample ») du rover prélevé en juillet 2024 est désigné sous le nom Sapphire Canyon.
    • Cette roche présente des motifs de taches : des petites taches (« poppyseeds ») noires, et des taches plus grandes avec centre clair bordé d’une matière plus sombre, que les chercheurs appellent « leopard spots » (« taches de léopard »). 
  2. Minéraux détectés et composition chimique
    • Vivianite : un phosphate de fer hydraté. Sur Terre, on le trouve souvent associé à matière organique en décomposition.
    • Greigite : un sulfure de fer (Fe₃S₄) souvent lié à des environnements réducteurs, parfois à l’activité microbienne, bien que des processus abiotiques puissent aussi le produire. 
    • Matière organique (carbone organique), phosphore, soufre, fer oxydé, argile etc. : tous des éléments et des minéraux qui, ensemble, suggèrent que l’environnement ancien dans lequel ces sédiments se sont déposés pourrait avoir été favorable à une vie microbienne. 
  3. Temporalité et conditions estimées
    • Ces sédiments remontent à plusieurs milliards d’années, à une époque où Mars était plus humide, avec des lacs ou des cours d’eau.
    • Les réactions qui auraient pu conduire à la formation de vivianite ou greigite semblent avoir eu lieu peu de temps après le dépôt des boues dans le lac, ce qui augmente la probabilité que les matières organiques n’aient pas été détruites ou altérées par des processus postérieurs extrêmes. 

Une biosignature potentielle ?

Ces observations réunissent plusieurs critères qui rendent l’hypothèse biologique plausible :

  • Association de matière organique + minéraux indicateurs dans un contexte favorable (sédiments fins, ancien lac).
  • Textures (taches, motifs) qui rappellent certaines formations sur Terre produites par microbes.
  • Minéraux (vivianite, greigite) qui, sur Terre, sont souvent produits ou modifiés par des organismes, ou en présence d’organismes, sous conditions assez douces (températures modérées, présence d’eau, etc.).

Cependant, la prudence est de mise

  • Ces minéraux peuvent aussi se former par des réactions abiotiques. Par exemple, des processus chimiques de réduction/oxydation, ou des interactions entre eau, fer, phosphates, et matière organique non biologique peuvent générer des résultats semblables. 
  • Les données disponibles sont limitées par les instruments embarqués (capacité de résolution, portée analytique) : il manque toujours des analyses isotopiques ou moléculaires poussées, mieux réalisées en laboratoire sur Terre.
  • Le facteur de certitude (Confidence of Life Detection Scale, ou équivalent) n’est pas à un niveau de confirmation, mais plutôt à un stade de signal possible.

Cette découverte est enthousiasmante pour plusieurs raisons :

  1. Avancée dans la quête de la vie hors de la Terre
    Si confirmée, cette biosignature serait la première preuve concrète que la vie (microbienne) a existé ailleurs qu’ici-bas. Cela ferait de Mars un exemple tangible de vie passée, et non simplement une candidate d’habitabilité.
  2. Implications pour la géologie et l’histoire de Mars
    Le fait que Mars ait eu un environnement capable non seulement de contenir de l’eau, mais de créer et préserver des matières organiques dans des minéraux sensibles, nous renseigne énormément sur ses conditions anciennes : température, chimie, flux d’eau, stabilité, etc.
  3. Renforcement du programme de retour d’échantillons
    Le prélèvement Sapphire Canyon (depuis Cheyava Falls) fait partie des échantillons gardés en vue d’un futur retour sur Terre. L’analyse en lab terrestre, avec des techniques très sensibles, sera décisive pour distinguer origine biologique vs origine abiotic. 
  4. Stimulus pour la recherche astrobiologique
    Cette découverte va sans doute encourager des études de modèles terrestres analogues, répliques de micro-environnements anciens, et des recherches plus poussées sur la stabilité chimique des biosignatures dans des milieux martiens.

Les données récemment publiées concernant l’échantillon Sapphire Canyon provenant de la roche Cheyava Fallsconstituent probablement le meilleur candidat à ce jour pour une biosignature ancienne sur Mars. Les indices — minéraux vivianite et greigite, matière organique, textures distinctes — s’accordent avec ce que l’on attendrait d’un ancien environnement microbien. Néanmoins, tant que les analyses ne peuvent pas s’étendre au-delà de ce que permet le rover, la conclusion reste : potentielle vie ancienne, pas de preuve définitive (jusqu’à retour d’échantillon ou détection indépendante irréfutable).

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Gaspard Louvrier
Gaspard Louvrier explore les frontières mouvantes de la recherche, des technologies émergentes et des grandes avancées du savoir contemporain. Spécialiste en histoire des sciences, il décrypte avec rigueur et clarté les enjeux scientifiques qui traversent notre époque, des laboratoires aux débats publics.