Depuis 2019, l’association Les Papillons se bat pour libérer la parole autour des violences infantiles. Son ambition : installer des boîtes aux lettres afin que les victimes puissent sortir de leur chrysalide silencieuse. Dans le Finistère, Maud Soulat, référente départementale de l’association, est en première ligne. Elle parle de son combat personnel et de sa métamorphose, mais aussi et surtout du combat mené par Les Papillons pour faire éclater une réalité sociale trop longtemps passée sous silence.
L’heure serait-elle au changement ? Au risque de tomber dans l’excès d’optimisme, la question se pose. L’onde de choc médiatique provoquée par la publication du livre La Familia Grande, dans lequel l’avocate Camille Kouchner met en accusation son beau-père Olivier Duhamel, a permis une libération massive de la parole autour de l’inceste en France. Au cours des dernières semaines, le hashtag #metooinceste a été repris par nombre d’internautes enfin sortis de leur silence. Les témoignages se comptent par dizaines de milliers… Preuve irréfutable que les violences sexuelles intrafamiliales, longtemps traitées comme un épiphénomène, sont une réalité aussi triste qu’effrayante laissée dans l’angle-mort d’une société en plein déni.
Si elle se réjouit évidemment de cet éveil méditique, l’association Les Papillons n’a pas attendu #metooinceste pour s’attaquer à l’omerta qui scelle les maltraitances infantiles. Fondée en 2019 par Laurent Boyet, un ancien policier, lui-même victime durant son jeune âge, Les Papillons entendent lever le voile qui masque les violences physiques, morales et sexuelles endurées au quotidien par des milliers d’enfants. Bénéficiant du soutien de nombreuses personnalités politiques et publiques, l’association connait aujourd’hui un grand succès qui lui permet de se déployer partout dans l’Hexagone. Chaque département dispose ainsi d’un référent entouré de bénévoles pour mener à bien le projet fil-rouge de l’association, à savoir mettre en place un réseau de boîtes aux lettres dans lesquelles les enfants pourront déposer leurs témoignages et faire entendre leur détresse.
Dans le département du Finistère, c’est Maud Soulat qui porte le drapeau de l’association. Son passé de victime, elle en parle avec pudeur, mais sans la moindre honte. De ses 5 ans à ses 13 ans, elle est abusée quotidiennement par un membre de sa famille. Des années durant, elle refoule et ne se souvient pas. Un trauma en appelant un autre, ce n’est que bien plus tard que Maud sortira de l’amnésie, lorsque, durant l’enterrement de sa sœur, elle prend conscience des horreurs et qu’elle avait enfoui au plus profond d’elle même.
Après le choc vint le questionnement : comment se reconstruire après avoir traversé de telles souffrances ? Se reconnaissant dans le témoignage et dans le projet associatif de Laurent Boyet, Maud finit par avoir une réponse : en œuvrant afin que d’autres ne connaissent pas le même sort. Mais le problème des violences infantiles est tel que sa résolution n’a rien d’évident : chaque année, on estime qu’au moins 600 000 enfants sont victimes de harcèlement scolaire et que 165 000 subissent des violences sexuelles, des statistiques que Maud aime également à mettre en perspective de cette façon :
Prenez une classe de 30 élèves. En moyenne, trois subissent un harcèlement scolaire quotidien, et deux sont victimes d’abus sexuels, la plupart dans la sphère familiale…
Les chiffres sont effarants, mais laissent aussi entrevoir une hausse du nombre de signalements, ce qui est plutôt encourageant lorsque l’on sait que des initiatives gouvernementales (campagne de prévention pour le 119) et juridiques sont également en cours. Parmi elles, on pourrait citer la loi Schiappa renforçant l’action contre les violences sexuelles et sexistes en 2018, ou bien encore les récentes propositions de lois visant à créer le crime de violence sexuelle sur enfant et à renforcer la protection des mineurs victimes de violences sexuelles déposées au Sénat en décembre dernier. Pour autant, d’importants progrès sont encore à faire, notamment du côté de la justice puisqu’il n’est pas rare d’entendre dans les médias que des personnes accusées de violences contre mineurs soient relaxées…
Certes, la libération de la parole dans le sillage de #metoo a permis de mettre un peu plus en lumière les maltraitances infantiles. Néanmoins ces dernières demeurent délicates à traiter en ce que les plus jeunes ne disposent pas toujours des outils nécessaires pour identifier, verbaliser et signaler les violences qu’ils peuvent rencontrer.
Comment un enfant pourrait-il qualifier les abus sexuels qu’il subit sans avoir été initié à aux codes de la sexualité ? Comment un enfant victime de violences intrafamiliales pourrait-il parvenir à s’exprimer alors qu’il reste sous l’emprise de ses bourreaux ? Comment un enfant pourrait-il témoigner à l’aide du hashtag #metooinceste alors qu’il ne maîtrise pas les réseaux sociaux ? L’association Les Papillons ne prétend évidemment pas avoir les réponses à toutes ces questions, mais son projet de boîtes aux lettres pourrait permettre d’aider des milliers d’enfants en faisant ce que presque personne n’avait osé faire jusqu’ici : les écouter.
Dans le Finistère, quatorze boîtes aux lettres ont déjà été mises en place dans la ville de Quimper et deux autres seront bientôt installées à Landerneau et Gouesnou. L’association a également engagé des discussions avec les élus afin d’installer le dispositif dans les écoles, parcs et clubs de sport de Brest, et poursuit également les discussions avec d’autres municipalités. Une constellation de boîtes aux lettres devrait ainsi voir le jour très prochainement.
Une cinquantaine de personnes sont à l’œuvre dans le Finistère, mais l’association est toujours à la recherche de volontaires pour collecter le contenu des boîtes et entreprendre un travail de médiation dans les établissements scolaires. Ces interventions dans les écoles sont cruciales car avant de pouvoir recueillir leurs messages, il convient de s’assurer que les enfants puissent mettre le doigt sur les violences qu’ils peuvent subir, et surtout qu’ils sachent qu’une oreille leur est prêtée. Une fois collectés, les messages sont transmis à une cellule composée de policiers, d’éducateurs spécialisés et de psychologues. L’association ne sert ainsi qu’à relayer les témoignages afin qu’ils soient traités.
Les Papillons ont d’ores et déjà lancé un appel à bénévoles à Brest ainsi que dans d’autres villes, mais le besoin de volontaires est toujours pressant, en particulier dans le centre-Finistère d’après Maud Soulat qui n’a de cesse de rappeler qu’une équipe de personnes motivées est nécessaire pour que le projet soit mené à bien et demeure pérenne :
Il ne s’agit pas seulement d’installer des boîtes aux lettres, il faut également s’assurer que les enfants savent qu’elles sont là pour eux
Si vous souhaitez vous engager aux côtés de l’association, on ne peut que vous inviter à contacter Les Papillons sur leur site officiel, ou bien sur leur page Facebook en fonction du département où vous vous trouvez. Nous tenons également à vous rappeler qu’un numéro officiel, le 119, a été mis en place par le gouvernement afin de signaler les maltraitances infantiles. Enfin, si vous êtes vous-mêmes victime de violences physiques, morales, ou sexuelles, dans votre établissement scolaire, votre lieu d’activité professionnelle ou votre cercle familial, une multitude d’associations existent en France et sont à votre écoute. Vous pouvez consulter la liste sur le site arretonslesviolences.gouv.fr.
Les Papillons site officiel
Page Facebook officiel
(06 33 53 69 74)
Association Les Papillons – Département du Finistère
associationlespapillons29@gmail.com (06 50 63 30 45)
Association Les Papillons – Département du Morbihan
laurence56.lespapillons@gmail.com (06 33 71 12 21)
Service National d’Accueil Téléphonique de l’Enfance en Danger (199)
arretonslesviolences.gouv.fr