Du 15 novembre au 7 décembre 2018, la ville de Rennes et ses partenaires associatifs proposent différents rendez-vous pour dénoncer les violences faites aux femmes. Dans ce cadre, un temps d’échange a eu lieu à la Maison des associations lundi 3 décembre 2018, présenté par Ernestine Ronai. Cette grande représentante de cette cause majeure rappelle en chiffres ce qu’est aujourd’hui la condition féminine en France.
Ernestine Ronai a proposé un temps d’échange aux Volontaires en Service civique de Rennes ; moment de sensibilisation pour certains, de (re-) découverte pour d’autres. La chance aussi de présenter leurs questionnements et de recueillir les avis éclairés d’une personne active et influente dans la lutte contre la violence faite aux femmes.
Car lorsqu’on aborde cette question en France, le nom d’Ernestine Ronai n’est jamais loin. Différentes interventions médiatiques auront fait découvrir au public cette petite femme (grande par ses convictions) qui cumule les responsabilités notoires dans son domaine : Responsable de l’Observatoire départemental de Seine–Saint-Denis des violences envers les femmes, Coprésidente de la Commission : « Violences de genre » au Haut Conseil de l’Égalité Femme-Homme, accessoirement officière de l’Ordre national du mérite et de la Légion d’honneur.
C’est alors qu’elle est psychologue scolaire (son ancienne profession) qu’elle découvre l’ampleur du fléau que connaît le « sexe faible », notamment dans la sphère conjugale et qu’elle décide de s’engager dans cette lutte contre la violence faite aux femmes, qu’elle mène depuis à bras le corps. « À la fin de ma carrière de psychologue scolaire, une mère sur deux à qui je posais la question admettait être victime de violences conjugales », déclare-t-elle, laissant une bonne partie de son auditoire bouche bée.
« Vous êtes plus en danger chez vous que dans un parking la nuit » Ernestine Ronai aux volontaires en service civique
Ernestine Ronai a rappelé que le terme « violence » englobait aussi bien la violence physique que sexuelle (harcèlement, viol, exploitation, etc.), psychologique (harcèlement, humiliation, dévalorisation, menaces, etc.) ou encore matérielle/économiques (réduction de l’autonomie, contrôle des ressources financières ou matérielles, empêchement de travailler, etc.). Elle a aussi souligné qu’une des grandes difficultés pour les victimes reste la prise de conscience de leur condition de victime. En effet – et contrairement à la croyance populaire – les violences faites aux femmes ont très majoritairement lieu à la maison, au sein du couple.
« J’ai longtemps cru que la violence conjugale ne me concernait pas, parce que mon mari ne me battait pas, mais, en fait, j’étais si soumise qu’il n’avait pas besoin de me frapper pour que je fasse ses quatre volontés. La violence physique n’est apparue que quand j’ai commencé à résister».
(Marie-France Hirigoyen, extrait de l’ouvrage « Femmes sous emprise, Les ressorts de la violence dans le couple »
Du cyberharcèlement au psychotrauma en passant par la différence entre « conflit » et « violence », l’échange a été aussi complet qu’ouvert pour un public (principalement féminin) que nous avons senti en mal de solutions face à un quotidien parfois compliqué, dans les lieux publics comme à la maison.
2018 aura été une année charnière dans la lutte contre les violences faites aux femmes, avec entre autres les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc, les scandales dans le milieu du cinéma et plus récemment les manifestations #NousToutes, qui ont permis une mise en valeur médiatique du problème et la mise en place d’actions à l’échelle nationale (comme ces journées de sensibilisation).
La campagne de communication lancée par le gouvernement le 30/09/18 : « Réagir pour tout changer » ; et les nouvelles sanctions pour lutter contre les violences sexuelles ou sexistes répondent à un cri de plus en plus sonore des femmes françaises. Mais la « Grande Cause du Quinquennat » comme l’a nommé le Président de la République semble ne pas encore employer tous les moyens (notamment financiers) nécessaires à une réelle amélioration de la situation [cf. fin du reportage vidéo, ci-dessus]. Ernestine Ronai parle par exemple d’une nécessité de multiplier au minimum par six le budget alloué au parcours de sortie des femmes victimes de violences pour qu’il soit réellement efficace… Espérons que 2019 saura prendre la relève.
Quelques chiffres
Pour illustrer le défi que représente la lutte contre les violences faites aux femmes, nous avons regroupé quelques chiffres significatifs [source : stop-violences-femmes.gouv.fr] qui témoignent de la situation en France.
- En 2017, 130 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire, soit une femme tous les 2.8 jours. Dans le même ,temps ce sont 22 hommes qui ont été tués par leur compagne. Toutefois 70% de ces crimes ont été commis par des femmes victimes de leur défunt mari.
- En moyenne chaque année, 219 000 femmes majeures déclarent avoir été victimes de violences physiques et/ou sexuelles par leur conjoint ou ex-conjoint. Moins de 1 victime sur 5 déclare avoir déposé plainte.
- 94 000 femmes majeures déclarent avoir été victimes de viol et/ou de tentative de viol sur une année. 9 victimes sur 10 connaissaient l’agresseur. 1 victime sur 10 déclare avoir déposé plainte.
- 99% des personnes condamnées pour violences sexuelles sont des hommes.
- Depuis l’émergence du mouvement #MeToo, le nombre de victimes de violences sexuelles connues des forces de sécurité sur une année a augmenté de 23%.