Le jeune lycéen Yann Baron a remporté le Grand Prix du jury The Review 3 (TR3) organisé par le festival Court-Métrange en récompense de son court-métrage Les derniers mots. Présentation de ce jeune réalisateur qui est bien décidé à faire passer au public de nombreux messages sur la société actuelle et sa génération.
Le festival international du court-métrage insolite et fantastique Court-Métrange organise depuis trois ans le concours The Review 3. Ouvert aux adolescents de 12 à 18 ans, il met en lice des petits films qui n’excèdent pas dix minutes et réalisés entre janvier 2015 à septembre 2017. Le thème ? Le fantastique, l’insolite et l’étrange…
Le prix de ce concours a été remis le 11 octobre 2017 à l’Amphithéâtre Anne de Bretagne au jeune Yann Baron, lycéen de 16 ans, scolarisé en Première ES à Cambrai, pour Les derniers mots. Ce passionné de cinéma a décidé de s’inscrire au concours, car il est « difficile de se faire diffuser lorsque l’on est débutant. » Il a d’ailleurs participé à plusieurs concours, peu concluants. Court-Métrange constituait une bonne opportunité : « le thème du festival correspondait au court-métrage que j’avais réalisé alors, je me suis dit, pourquoi pas ? »
Ses inspirations, il les tient tout d’abord du travail de David Robert Mitchell, réalisateur du film d’épouvante It Follows, lequel dépeint la jeunesse des banlieues américaines et la peur du passage adulte. Mais son travail sur le symbole a aussi été inspiré par Nicolas Winding Refn, « surtout ses œuvres les plus récentes comme Only God Forgives et The Neon Demon. »
Pourquoi avoir choisi la réalisation ? « C’est un moyen d’expression qui dit beaucoup de choses. Un besoin de montrer, une façon de questionner les gens, sur ce qui pourrait les faire réagir ». C’est dans ce sens que s’est construit son court-métrage Les Derniers Mots. Il raconte d’un groupe d’amis (joués par quelques amis et Yann lui-même) qui décident d’utiliser leurs morts pour faire passer un message.
Ses amies, Agathe Charlet, Romane Charlet, Lou-Anne Arpin se sont pris au jeu des actrices, sachant qu’elles avaient déjà joué auparavant dans d’autres courts-métrages. « En écrivant Les derniers mots, j’ai réfléchi, en connaissant leurs jeux, quel personnage elles pourraient interpréter, je leur ai ensuite parlé du projet, envoyé le scénario, et on a fixé des dates de tournages. » Ils ont permis à Yann de mener son projet : « ils sont motivés et motivant ; du coup, ça n’a pas été trop dur de les garder jusqu’au bout pour mener le projet à bien. »
Le court-métrage est composé d’une atmosphère étrange, quelque peu oppressante, alors que l’on suit le groupe à travers leurs réflexions et leurs actions. L’idée lui est venue progressivement, mais il rappelle également que « la violence n’est pas forcément nécessaire pour se faire entendre. Je veux d’abord montrer comment ils ont pu en arriver là.»
La notion de martyr lui est apparue au moment du Printemps arabe avec le soulèvement de plusieurs pays comme L’Égypte, la Tunisie ou le Yémen. On attribue le déclenchement des contestations en Tunisie à Mohammed Bouazizi, marchand de fruits et légumes qui s’immola par le feu en 2010 à Sidi Bouzid. Il devient alors le symbole de la contestation contre la dictature menée par le président Ben Ali.
Yann Baron n’est pas le premier à aborder la question du martyr dans une œuvre cinématographique. De nombreux cinéastes ont déjà abordé le sujet, comme Andreï Tarkovski dans Le Sacrifice ou encore Terrence Malick, y compris dans son prochain film Radegund. Dans notre société, la figure de « martyr » est devenue d’une analyse plus complexe étant donné qu’elle est récupérée par les organisations terroristes islamistes.
Ce thème lui tient à cœur et il l’utilise au profit d’un nécessaire changement et d’une amélioration souhaitée de l’état de notre société et du monde. Le premier plan de es derniers mots est d’ailleurs lourd de sens : « on voit une fille regarder la télévision avec des lunettes composées de barreaux de prison. On montre à la télévision que nous en sommes en paix, surtout en Occident, alors que c’est faux. C’est une forme d’action en réponse à tous les reportages de guerre. Le thème du martyr est une façon d’essayer de réveiller les gens pour qu’ils puissent changer les choses.»
Pour Yann, pas question donc de parler de hobby. Le cinéma est son ambition première : « j’ai déjà réalisé un nouveau court-métrage, mais plus long donc il est difficile de l’inscrire à un concours, la limite étant souvent dix minutes. »
Recevoir ce prix est une preuve de reconnaissance, « parce qu’on m’a rarement dit du bien de mon travail, et que c’est facile de perdre confiance en ce que l’on fait. Ce prix me donne du courage et prouve qu’il faut croire en ce que l’on fait malgré les critiques. » La possibilité de diffusion de son film le ravit, car, pour Yann, Les derniers mots est appelé à trouver un public, « une chose rare pour un film sans budget, et ça me fait plaisir que des gens puissent le voir et se faire leur propre avis .»
Aujourd’hui, Yann pense déjà à un autre court-métrage afin de réaliser son rêve de travailler toute sa vie dans la réalisation.