Dans le cadre du dispositif Horizons, l’Antipode MJC Rennes invite la musicienne Yannis le Bègue pour donner un concert le vendredi 4 mai à partir de 19h. Rencontre avec cette femme-machine à l’univers mystiquement pop.
Yannis le Bègue est votre nom de scène, à quoi fait-il référence ?
Yannis : Je l’ai choisi un peu au hasard. Depuis que je suis gamine, j’aime bien prendre des pseudos. Yannis le Bègue est un anagramme de mon nom et prénom. Quand je l’ai trouvé, j’étais plutôt fière de moi. Je me suis dit qu’il serait pas mal pour un nom de scène, parce qu’il faisait un peu anti-nom de scène justement. C’est pas très sexy comme nom, ça ne sonne pas très bien, et ça sème un peu la confusion. Je trouvais qu’il résonnait pas mal avec ma musique. Après je me suis un peu inventée une histoire autour d’un paysan car je trouvais que ce nom de scène avait une connotation très ancienne, ça me faisait penser à un paysan breton un peu anonyme.
À quel moment vous êtes-vous dit je serai musicienne ?
Yannis : De la musique, j’en fais depuis que je suis petite. J’ai un parcours un peu classique. J’ai toujours voulu composer et produire. J’ai fait pas mal d’études de musique en me disant que ça m’ouvrirait vers de nouvelles perspectives, et que ça me ferait découvrir de nouvelles musiques. Par modestie aussi, je voulais apprendre avant de me lancer. Puis je me suis rendu compte qu’au fur et à mesure d’avancer dans les études, ça m’ouvrait d’autres portes mais que finalement il fallait juste fabriquer. J’ai donc arrêté les études il y a deux ans, puis j’ai commencé à produire toute seule dans ma chambre, et à apprendre la MAO (Musique Assistée par Ordinateur) en autodidacte.
L’univers musical dans lequel vous nous embarquez est assez particulier, quelle définition lui apporteriez-vous ?
Yannis : J’aime bien me dire que la musique que je fais c’est de la pop à ma manière. Il y a des artistes qui m’inspirent, j’en écoute beaucoup qui se rattachent pour moi à l’univers pop, et qui peuvent parler à beaucoup de monde. J’ai beaucoup écouté Kanye West quand j’ai commencé à composer. Il a du génie dans sa manière de composer et de produire, dans le choix des samples, des sons, et dans l’atmosphère aussi. Il propose quelque chose qui n’est pas forcément linéaire. Sur chaque morceau, il apporte sa patte et arrive à communiquer le choix de la chanson. Musicalement, il fait partie de ces artistes qui m’ont pas mal inspiré.
Sur scène, vous êtes tout le temps en solo ?
Yannis : Quand j’ai commencé nous étions deux sur scène, j’étais accompagnée d’une amie. Je proposais un set totalement électro, avec des claviers, des synthés et une voix avec pas mal d’effets. Mon amie, quant à elle, jouait de la batterie électronique avec des cymbales. J’ai ensuite eu une période de transition où je jouais en solo. Aujourd’hui, j’utilise des machines, des claviers, des synthés et ma voix, puis un batteur m’accompagne avec une batterie hybride, des pads, des fûts acoustiques et des cymbales.
Votre voix plutôt naïve se mêle assez bien aux ondes synthétiques et machines électroniques, comment travaillez-vous pour aboutir à un morceau qui en devient homogène ?
Yannis : C’est très abstrait au début. Généralement je pars d’une sensation, et d’une émotion. Ça peut être un moment précis de la journée. Par exemple, le soir quand le soleil se couche et que nous ne savons pas si c’est le début ou la fin de la journée je ressens ça un peu comme un moment mystique, un entre-deux où les sensations sont un peu perdues. J’ai récemment fait un morceau en partant de mon ressenti par rapport au livre de James Flint intitulé Habitus. Je l’avais lu quand j’étais plus jeune et une partie du livre m’a inspiré. C’est sur un personnage à moitié fou qui a fugué de chez lui quand il était jeune. C’est un génie des maths qui se retrouve à jouer dans des casinos. Il compte les cartes et voit que des chiffres dans sa tête, il est un peu sociopathe aussi, et commence à percevoir des algorithmes, mais ça fait partie de sa manière de voir le monde. Je voulais faire une chanson sur cette histoire qui évoque un peu le hasard, les algorithmes incompréhensibles, et la beauté des mathématiques. C’est très abstrait mais je trouvais ça beau et je voulais essayer de le retranscrire.
Dans le morceau Qui parle ? vous répétez chaque début de phrase, c’est ce qui forge votre identité ?
Yannis : Je voyais quelque chose d’un peu incantatoire. Je vais pas trop l’expliquer car je trouve sympa de laisser un peu de flou dans la signification. Mais disons qu’il y a un côté un peu panthéiste. J’aime bien faire des textes à double lecture où il y a un côté plus philosophique, et un autre côté qui se rapporte à une histoire d’amour toute simple. Si je répète c’est pour le côté planant, avec des modulations dans la phrase musicale. Répéter ça permet de modifier et de varier.
Vos clips ont aussi une atmosphère un peu particulière…
Yannis : Nous avons fait deux petites vidéos sous forme de live et les autres ce sont des vidéos que nous avons fait pour rigoler. Il y en a un c’était une sorte de teaser du premier EP que nous avions sorti. Le mini-film était basé sur un jeu de mot entre « épée » et « EP », et nous nous battons avec des CD’s (rires). Nous avons tout fait maison, limite sur un coup de tête. La veille, nous n’avions personne pour nous filmer, et nous avons demandé à un copain. J’aime bien ce côté un peu bricolé, fait main, un peu fragile et ça colle plutôt bien avec ma musique. Je ne voulais pas quelque chose d’hyper bien produit avec des plans en drone en slow-motion. J’aime bien cette idée de proximité, après nous essayons d’apporter une atmosphère dans l’étalonnage, quelque chose qui peut communiquer avec la chanson.
https://www.youtube.com/watch?v=g1V0Q-G5mBo
Vous êtes invitée en résidence à l’Antipode MJC à Rennes, comment ça s’est fait ?
Yannis : Grâce au dispositif Horizons. Il est assez récent, la première édition était en 2016, c’est un dispositif d’accompagnement, et de repérage d’artistes. Ils sont plusieurs partenaires sur Rennes dans le cadre de ce dispositif : l’Antipode, le Jardin Moderne, Canal B et le festival I’m From Rennes. Je me suis rendu à l’Antipode, je suis allée discuter avec eux pour savoir s’il pouvait soutenir mon projet car je suis arrivée à Rennes il n’y a pas très longtemps, en septembre dernier. Et mon projet leur a plu. Je serais donc en résidence pendant deux jours, au terme duquel un apéro-concert sera tenu vendredi 4 mai.
Vous avez déjà fait quelques concerts ? Quels sont vos projets ?
Yannis : Nous n’en avons pas fait tant que ça car le projet sous sa forme actuelle est assez récent, deux ans à peu près. Notre premier concert était en janvier 2017, pour l’instant nous avons fait une quinzaine de concerts, surtout à Paris. Pour les projets, nous allons probablement sortir un nouvel EP à la rentrée 2018, soit en automne, soit en hiver. Il sera composé de cinq titres, qui sont déjà terminés, il faut juste les passer en mixage puis mastering. Vendredi 4 mai, nous serons à l’Antipode pour l’apéro-concert à partir de 19h, et le lendemain nous jouerons à Paris à La Pointe Lafayette. Puis le 10 juin 2018, nous avons un concert de prévu au Jardin du Thabor à Rennes.