Le 18 juin 2025, la FDA a approuvé Yeztugo®, nom commercial du lenacapavir, une injection bi-annuelle de prévention contre le VIH développée par le laboratoire américain Gilead. Avec cette décision, c’est potentiellement un tournant historique dans la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) qui s’amorce : moins de contraintes, moins de stigmatisation, plus d’efficacité.
La promesse d’un bouclier discret et durable
Jusqu’ici, la prophylaxie pré-exposition (PrEP) contre le VIH reposait principalement sur la prise quotidienne de comprimés (comme le Truvada). Si ce traitement oral s’est montré très efficace, son usage restait limité : dans les pays occidentaux, seuls 25 à 35 % des publics les plus exposés y ont recours de façon régulière, souvent par crainte du jugement, par oubli ou par inconfort logistique.
Avec Yeztugo®, c’est une nouvelle ère qui s’ouvre : une injection sous-cutanée tous les six mois, administrée en milieu médical, pour une protection continue contre le VIH de type 1.
Comment fonctionne Yeztugo ?
La molécule active, le lenacapavir, agit en bloquant une étape cruciale du cycle viral : l’assemblage du capside, la structure protéique qui entoure le génome du VIH. Sans capside fonctionnelle, le virus ne peut pas se répliquer dans les cellules humaines. Ce mode d’action unique, différent de celui des antirétroviraux classiques, permet une efficacité prolongée dans le temps.
Les essais cliniques menés par Gilead (étude PURPOSE 1 en Afrique du Sud et au Botswana notamment) ont démontré une réduction du risque d’infection de plus de 90 %, avec une tolérance très favorable chez les participants.
Pour qui ? Et quand ?
Yeztugo est désormais autorisé pour tous les adultes et adolescents de plus de 35 kg exposés au risque d’infection par voie sexuelle. Il ne remplace pas les traitements pour les personnes déjà séropositives mais s’inscrit dans une stratégie préventive à large échelle.
La commercialisation aux États-Unis est prévue pour fin 2025. En Europe, l’Agence européenne des médicaments (EMA) pourrait donner son feu vert courant 2026, après examen du dossier par la Commission européenne.
Le prix : un enjeu d’équité
Selon Gilead, le prix de Yeztugo® a été fixé à $24 000 par an aux États-Unis, soit environ $12 000 par injection. Ce tarif est comparable à celui des traitements oraux annuels de PrEP déjà sur le marché, mais il soulève des questions de soutenabilité et d’accès dans les systèmes de santé publique, notamment en Afrique ou dans les pays à revenu moyen.
Dans le cadre des négociations avec les assurances américaines et les programmes publics comme Medicaid, Gilead affirme vouloir « travailler à des options d’accès élargi ». Reste à voir si des licences génériques, comme cela avait été le cas pour le Truvada, seront envisagées dans les années à venir.
Moins de prises, plus d’autonomie
Outre son efficacité biologique, Yeztugo offre un bénéfice comportemental majeur : l’allègement mental. Là où la PrEP orale implique une discipline quotidienne et une visibilité sociale parfois pesante, l’injection semestrielle permet une protection discrète et pérenne, sans avoir à penser chaque jour à son statut sérologique.
C’est aussi un outil de lutte contre les inégalités : dans les pays du Sud, où l’accès aux soins est souvent intermittent, un traitement tous les six mois représente une avancée considérable. L’OMS a d’ailleurs salué cette innovation comme « un levier stratégique de prévention auprès des publics les plus vulnérables ».
Vers la fin de l’épidémie ?
Si Yeztugo ne constitue pas une solution miracle — il ne protège pas contre les autres IST, nécessite un suivi médical et reste coûteux — il s’inscrit dans un tournant pharmacologique et symbolique. Comme l’explique le Dr. Anthony Fauci, immunologue et ancien conseiller de la Maison Blanche : « Nous avons les outils pour mettre fin à l’épidémie de VIH. Ce qu’il nous manque, ce n’est pas la science, c’est la volonté politique et sociale. »
Avec ce nouvel outil, les fondations d’un monde post-VIH sont bel et bien posées.
Comment fonctionne la capside du VIH ?
La capside est une coque protéique qui entoure le matériel génétique du virus VIH. Elle joue un rôle crucial dans :
- la protection du génome viral,
- le transport vers le noyau cellulaire après l’entrée dans une cellule hôte,
- et la régulation du déclenchement de la transcription virale.
Le lenacapavir agit comme un inhibiteur de la capside, en perturbant sa stabilité et son assemblage. Résultat : le virus devient incapable de se répliquer efficacement. Il s’agit de l’un des premiers traitements ciblant directement la capside, ouvrant de nouvelles perspectives thérapeutiques.
Un progrès à deux vitesses ? Le défi de l’accès mondial à la PrEP injectable
L’introduction de Yeztugo est saluée comme un jalon scientifique, mais elle illustre aussi une fracture mondiale persistante :
- En Afrique subsaharienne, où vivent plus des deux tiers des personnes vivant avec le VIH, la PrEP orale reste déjà sous-utilisée faute de personnel formé, de campagnes d’information, et de logistique.
- Le coût élevé de Yeztugo compromet pour l’instant son intégration dans les programmes de santé publique.
- Les laboratoires génériques indiens pourraient jouer un rôle clé — à condition que Gilead leur concède une licence de fabrication dans le cadre de l’initiative Medicines Patent Pool.
Le risque ? Un traitement réservé aux pays riches, alors même que les taux de transmission restent critiques ailleurs. En somme, le progrès scientifique est là, mais sa traduction en équité globale reste à construire.
Pour aller plus loin
- Nom commercial : Yeztugo®
- Molécule : Lenacapavir
- Posologie : Injection sous-cutanée tous les 6 mois
- Efficacité préventive : > 90 %
- Population cible : Adultes et adolescents à risque VIH-1
- Développeur : Gilead Sciences
- Statut : Autorisé par la FDA depuis juin 2025
- Prix indicatif : Environ 24 000 $/an aux États-Unis
