Touche pas à mon business modèle, c’est le plus vieux métier du web ! C’est, en substance, le cri du cœur lancé par les géants du porno — Pornhub, YouPorn et RedTube — qui ont décidé de suspendre eux-mêmes l’accès à leurs sites en France, à partir du 4 juin 2025. Un geste théâtral de « protestation » contre l’obligation légale de vérifier l’âge des utilisateurs. Traduction : la loi française exige désormais qu’ils mettent enfin en place des dispositifs sérieux empêchant les mineurs d’accéder à leurs catalogues de vidéos classées X. Sacrilège.
La vertu soudainement indignée des multinationales du porno
La maison-mère de ces plateformes, le groupe canadien Aylo (anciennement MindGeek), agite de grands principes. D’un ton faussement outragé, elle alerte sur les risques de surveillance étatique, sur les atteintes aux libertés individuelles et sur la prétendue inefficacité de telles mesures face à la créativité débordante des jeunes internautes. Les données personnelles seraient menacées, la vie privée compromise. On croirait entendre un meeting de la Quadrature du Net — sauf qu’ici, les défenseurs zélés de la vie privée brassent des milliards en monétisant le visionnage massif de contenus explicites. Car ils facturent au clic, pas à l’heure…
Bref, l’argument est gros : faire passer le combat pour l’accès libre à la pornographie commerciale pour une noble croisade libertarienne.
Des « héros de la liberté numérique » qui pleurent sur leurs profits
En réalité, ce coup d’éclat ressemble fort à une manœuvre purement économique. Le modèle de rentabilité des sites pornographiques repose sur le volume massif d’audience, sur des publicités invasives et sur des contenus largement gratuits, alimentés en partie par des vidéos pirates ou des contenus aux droits douteux. Imposer un contrôle de l’âge efficace signifierait sans doute perdre une bonne part de cette audience, notamment les plus jeunes, et rogner ainsi sur des revenus publicitaires colossaux. Derrière les larmes de crocodile sur les libertés numériques, c’est donc bien de marges bénéficiaires qu’il est question.
« Ils veulent se faire du fric sur le dos de nos enfants »
La ministre française chargée de l’enfance, elle, ne mâche pas ses mots : « Ils veulent se faire du fric sur le dos de nos enfants », a-t-elle déclaré, soulignant que « personne n’est au-dessus des lois ». L’objectif du gouvernement est limpide : freiner l’exposition précoce des adolescents à des contenus pornographiques toujours plus extrêmes, alors que de nombreuses études scientifiques alertent sur les conséquences psychologiques et comportementales à long terme. Le phénomène n’a d’ailleurs rien de franco-français : plusieurs pays européens examinent des dispositifs équivalents, et même les États-Unis commencent à aborder la question. « Je leur dis bon vent ! », a déclaré ce mercredi sur France Inter Clara Chappaz, ministre chargée du numérique.

Petit chantage, grande hypocrisie
Plutôt que de se conformer à la loi française de 2024, les plateformes préfèrent donc fermer temporairement boutique, jouant sur l’irritation d’une partie de leurs utilisateurs adultes, comme si les autorités françaises privaient les citoyens de leur liberté de consommer des vidéos explicites. En creux, leur raisonnement est simple : « soit vous nous laissez continuer comme avant, soit nous coupons tout, et tant pis pour vos utilisateurs adultes. » Autrement dit, un chantage de mauvais aloi, qui a surtout pour but de créer un rapport de force juridique et politique.
Un aveu de faiblesse déguisé
Au fond, ce geste spectaculaire masque une réalité plus triviale : ces plateformes redoutent qu’un système de vérification rigoureux n’accélère encore davantage la migration vers des concurrents décentralisés, des réseaux sociaux clandestins et des canaux de diffusion plus opaques. La désintermédiation guette, et ces mastodontes du X peinent à moderniser leurs outils de contrôle sans perdre leur rente d’audience.
En attendant, rideau en France
L’écran est noir. Depuis ce 4 juin 2025, les internautes français découvrent la nouvelle : Pornhub, YouPorn et RedTube ne répondent plus. Un coup de com’ mondial pour l’industrie pornographique qui espère faire plier Paris et faire du scandale juridique un argument commercial. Mais en France, pour l’instant, la loi reste la loi. Et on aimerait qu’il en soit toujours ainsi.
Le vrai business de Pornhub résumé en 4 cases
Cases :
| Étape | Contenu |
|---|---|
| 1 | Capturer du trafic massif (y compris des mineurs non déclarés) |
| 3 | Inonder d’annonces publicitaires douteuses et de bannières « premium » |
| 3 | Monétiser les abonnements des plus accros et vendre les datas comportementales |
| 4 | Revendre les données et les habitudes de visionnage à des tiers peu regardants |
« Et tout ça en dénonçant la surveillance des libertés numériques… »
Le porno en France
Les chiffres clés :
- 7 millions de visites par jour rien que pour Pornhub en France (source : Les Échos, 2025)
- Environ 90% du trafic sans contrôle d’âge effectif jusqu’en 2024 (source : Arcom)
- Exposition des jeunes dès 11-12 ans en moyenne (source : Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique, 2024)
- Volume d’affaires mondial du groupe Aylo : plusieurs milliards de dollars (estimation non officielle)
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