Le congrès de l’Association des Maires de France (AMF) a commencé mardi 21 novembre 2023 à Paris pour débattre de leur quotidien. L’objectif est de retrouver l’envie d’agir, face au sentiment d’impuissance qu’ils ressentent dans un contexte de violences sociales qui prend de l’ampleur. Afin de faire face aux menaces, aux injures, parfois aux violences physiques de la part de leurs administrés, les élus municipaux ont besoin d’être entendus et de retrouver le courage. Beaucoup de maires, d’adjoints aussidémissionnent de leur fonction. La Bretagne n’est pas épargnée par ce phénomène sociétal.
Pendant quatre jours, du lundi 21 au jeudi 23 novembre, le thème du 105e congrès de l’AMF porte sur communes attaquées et République menacée. Il a débuté par un débat autour de l’engagement des élus locaux face à des réalités toujours plus exigeantes. Cette édition résonne avec la série d’agressions qui ont marqué l’année 2023, de l’incendie criminel le 22 mars 2023 au domicile de Yannick Morez, maire de Saint-Brévin-les-Pins en Loire-Atlantique (qui a démissionné depuis), à l’attaque à la voiture bélier qui a visé la famille de Vincent Jeanbrun maire de L’Haÿ-les-Roses en Val-de-Marne, lors des émeutes de l’été dernier. Les maires ont témoigné du vécu de leurs agressions et des menaces de mort qu’ils reçoivent, etc. L’idée a été de trouver des pistes de solutions pour éviter aussi un tollé lors des prochaines élections municipales de 2026.
En France et selon le ministère de l’Intérieur, les agressions envers les élus municipaux ont fortement augmenté ces trois dernières années, soit de 15% en 2023, après une hausse de 32% l’année dernière : soit en chiffres de 2 265 l’an dernier à 2 387 au 12 novembre dernier. Au total cette année, ce sont 69 % des 8000 maires interrogés par le Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po) qui déclarent avoir déjà été victimes d’incivilités ; 39 % disent avoir subi des injures et des insultes et 27 % ont été attaqués sur les réseaux sociaux. Les violences physiques restent rares mais pas inexistantes ! Parce que les maires sont les politiques les plus proches des citoyens, ce sont eux qui ont été ciblés lors des différentes crises qui ont secoué le pays cette année. Ils ont servi d’exutoire à la violence libérée lors des manifestations, des émeutes et des guérillas. Les démissions des maires ont augmenté d’un tiers par rapport au précédent mandat, un révélateur qualifié de fatigue républicaine par l’enquête !
Ceux qui tiennent encore la barre et qui résistent à l’accumulation de crises souhaitent cependant des changements pour remédier à cette situation. 50 % d’entre eux proposent de revoir à la hausse leurs rémunérations, car même s’ils ne sont pas engagés pour gagner de l’argent, ils ne sont pas disposés à en perdre non plus !
Les maires bretons rencontrent les mêmes incivilités et agressions.
Dominique Cap est le président de l’Association des maires du Finistère. Il est aussi maire de Plougastel-Daoulas. Il explique que les administrés sont de plus en plus individualistes et exigeants. Il constate de plus en plus d’agressivité envers les fonctionnaires des communes surtout dans les services d’accueil, avec des exigences très fortes : je paie des impôts, donc j’ai droit à ! Les citoyens ont des droits, hélas les devoirs ont plutôt tendance à être oubliés. Pour Dominique Cap, Il y a maintenant une tolérance beaucoup plus faible, un effet post-Covid, selon lui. Il explique que pendant le Covid les gens étaient très solidaires, qu’on s’occupait de son voisin, etc. Depuis la sortie du Covid, beaucoup d’individualisme, d’exigences et d’agressivité, notamment verbale aussi auprès des agents municipaux, qu’il soit administratifs ou techniques. Le maire de Plougastel-Daoulas explique aussi que l’influence des réseaux sociaux a complètement changé la donne : plutôt que des discussions voire des altercations en visu, ce sont maintenant des commentaires, des reproches, des insultes qui se répandent comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux : Le rôle d’un élu c’est d’être dans le rationnel et trop de gens sont dans le passionnel. Ce n’est pas possible de gérer les problèmes avec du passionnel.
Des agressions physiques aussi en Bretagne
Stéphane Piquet, maire à la Bouëxière en Ille-et-Vilaine depuis 2008, est aussi le président de la communauté de communes de Liffré-Cormier depuis 2020. Le dimanche 22 juin 2022, il est victime d’une agression physique violente, suite à des échanges houleux qui dégénèrent avec les propriétaires d’un cirque venus s’installer sans autorisation sur un terrain de sa commune. Le maire reçoit des crachats au visage, des claques et un coup de poing de la part de trois personnes. Dix-huit mois plus tard, Stéphane Piquet vient d’obtenir la condamnation à huit mois de prison ferme pour l’un des trois agresseurs. Les deux autres n’ont pas pu être identifiés. Le maire reste aujourd’hui encore très marqué par l’agression : On ne ressort pas indemne de ce genre de situation…
Pierre Guitton, maire de Saint-Méen-Le-Grand (35) a été victime d’agressions physiques deux fois. Lui aussi constate une augmentation de l’agressivité depuis l’après-Covid. Il affirme aussi qu’il faut peu de choses pour que la situation se dégrade lors d’échanges. En juin 2021, Pierre Guitton participe au dépouillement au soir du premier tour des élections départementales. Un jeune homme l’attrape par la cravate et lui serre à la gorge. Des personnes sont présentes pour intervenir ! Il n’y a plus de limites, plus de barrières, plus de respect. Les gens exigent tout dans une forme d’intolérance. La première agression de Pierre Guitton, alors conseiller départemental, a eu lieu en 2015 lors de l’inauguration de l’usine de Point Clos à Gaël, à laquelle il participe. Lorsqu’il arrive sur le site, des manifestants crient son nom, le poussent et l’écrasent contre un grillage…
Forcément, ce contexte n’invite pas à la quiétude. Les premiers magistrats des communes perdent cette sérénité. Ils sont constamment sur leurs gardes et cela gâche une partie du plaisir d’accomplir leur mission.