Le premier album de Enky Today, c’est avant tout une collection de chansons. Précises et précieuses, pensées et composées avec passion. Ensuite c’est une voix qui avec force et tendresse s’élance hors de ses écrins musicaux pour servir avec grâce des émotions motrices.
Enky (de son vrai nom Arnaud Muck) est un créateur persévérant, un travailleur acharné. La précision de ses compositions le démontre, mais son parcours aussi, et surtout. Né à Nancy, Arnaud commence à chanter très jeune, prend des cours de guitare à 11 ans, commence à composer à 12. Fasciné dès le plus jeune âge par les chansons d’artistes tels que David Bowie, Pink Floyd ou Kate Bush, il commence à écrire de la musique pop et soul qu’il mâtine rapidement à des effluves plus rock seventies avant de poser les bases d’une musique électronique hybride aux consonances opératiques et émotionnelles. Repéré dès 2009 par le magazine Nouvelle Vague, c’est ensuite les Inrocks qui plébiscitent la démo d’un de ses titres… Le grand perfectionniste n’est lui pas convaincu, pas entièrement satisfait. Il efface un peu ses traces et se remet au travail durant trois ans. Enky cherche sa voie, SA voix (laquelle dans ses plus amples modulations pourrait s’approcher parfois de celle de Martin Lee Gore de Depeche Mode), sa note bleue ou, pour le dire dans la langue de Frank Zappa (dont il nous a confié beaucoup apprécier l’œuvre – aveux qui éclaire d’une autre lumière le psychédélisme de ses compositions électro, écouter You’re dead) sa grande note; celle qui fait vibrer le cœur de l’homme à l’unisson de celui du monde. Y est-il parvenu, lui seul le sait et pourrait le dire, il est des quêtes qui ne s’accomplissent que dans un but qui toujours s’éloigne à mesure qu’on l’approche.
Mais le résultat pour nous autres est bel et bien là. Si chaque titre de Today développe son univers propre, sa délicatesse ou sa sensualité il demeure une sorte de constante : une électro-pop inventive, colorée et enchanteresse qui sait déployer des trésors d’ingéniosité dans des gimmicks vintage, des sonorités analogiques qui savent ne pas se limiter aux clichés. Des ombres planent, bien sûr, certains titres sont plus mélancoliques (tel le somptueux We Were men, savoureusement sombre et dansant), bien que l’énergie et le groove ne soient jamais très loin. Et puis, d’autres ombres ? Oui, évidemment, celle de grands défunts… Mais plus que d’influences on peut ici parler d’un amour gnostique, d’une connaissance et d’une pénétration respectueuses des œuvres de David Bowie, de Freddie Mercury et de Queen (l’exaltant prog-rock électro Wevolution), et surtout de Gary Numan (à écouter d’urgence l’étrange et remuant disco-funk-psyché sombre Invisible). À propos du titre On Tiptoe -que Enky, comme il nous l’a dit, voit comme une amorce de sa volonté d’aller vers des horizons plus rock- l’excellent critique américain Devon Jackson (Entertainment Weekly, The Village Voice, Rolling Stone) a écrit ceci :
Ziggy Stardust rencontre Angelo Badalamenti… Cette chanson psychédélique a des éléments de tout, de Pink Floyd et David Bowie à Twin Peaks et Wayne Coyne et ses Flaming Lips… Enky a un penchant résolument britannique… La voix : presque cassante, presque de fausset, mais terriblement profonde, un peu androgyne. Tout cela contribue à une vision musicale unique : émouvant, original, excentrique, éthéré, un autre monde, convaincant à chaque instant.
Ce qui vaut pour cette excellente et émouvante chanson vaut pour l’album entier. À ceci près que les mots tombent toujours un peu à plat dans leurs tentatives de rendre la richesse des émotions portées par le subtil alliage de la musicalité. Il y a comme un frein, une inconsciente sensation de profanation à vouloir enserrer dans le maillage des définitions une œuvre aussi positivement naïve que sacrément bien ficelée que l’album de Enky, ce musicien/personnage aux velléités fermement saturniennes, au sens « verlainien » du terme… Espérons que l’enracinement de Enky dans notre chère « ville rock » permettre la croissance libre d’un talent libre et d’une voix libératrice.
Enky, Today, premier album CD 10 titres
https://youtu.be/skayIHOtGXE
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En novembre 2012, Enky part à Norwich (Angleterre), commencer l’enregistrement de son premier album LP « Today » avec John Watson, ex-collaborateur de la pop star Anglaise Patrick Wolf. En juillet 2013, il part enregistrer au Studio Melodium, à Montreuil, avec Nicolas Dufournet (Tame Impala, Sebastien Tellier…). Dans la foulée, il enregistre dans le studio privé de Michael Garçon de nombreuses pistes de synthés analogiques. Parmi les musiciens ayant participé à l’album, Cyril Atef (Bumcello, Victoire de la musique en 2006), Michael Garçon (Bertrand Burgalat), le musicien de Brighton Tom White (The Electric Soft Parade), et Nicolas Dufournet (ex membre du groupe pop expérimentale Oui Oui, avec Michel Gondry). L’album est mixé en avril 2014, à Nice, par Yannick Denizet. Depuis décembre 2015, Enky vit à Rennes. Il fait une première apparition sur scène le 25 juin 2016 à Cesson-Sévigné.