Annecy 2025 : le cinéma d’animation célèbre Arco et la tendresse du vivant

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Par-delà la virtuosité technique, le Festival international du film d’animation d’Annecy 2025 a mis à l’honneur des œuvres qui réaffirment le rôle de l’art comme lien entre les êtres, à commencer par Arco d’Ugo Bienvenu, Cristal du long métrage.

Le palmarès 2025 du Festival d’Annecy s’est dessiné comme une constellation d’humanismes. Loin des démonstrations esthético-technologiques ou des récits dystopiques qui dominent souvent les imaginaires contemporains, les films récompensés cette année réhabilitent la douceur, la rêverie, l’introspection, et même une forme de naïveté assumée. En cela, Annecy a peut-être réaffirmé son rôle de vigie sensible dans un monde saturé de cynisme et de simulacres numériques.

Arco d’Ugo Bienvenu : un monde post-effondrement qui croit encore au lien

Déjà remarqué pour ses romans graphiques et ses précédents courts et moyens métrages (Une îleMaman), Ugo Bienvenu impose avec Arco une œuvre dense, d’une maîtrise visuelle impressionnante, mais jamais ostentatoire. Le film, dont le titre fait écho à l’architecture courbe d’un pont fragile ou d’un arc narratif en tension, se déroule dans un monde post-effondrement. Pourtant, loin de sombrer dans la collapsologie anxiogène, il y subsiste une lueur : celle de la transmission.

Entre mémoire et imagination, Arco explore les survivances du sensible dans un futur désenchanté. Il n’est pas question ici de sauvetage héroïque ou de révolte, mais d’un effort minutieux pour conserver, documenter, transmettre : un geste d’archiviste-poète dans un univers dévasté. La texture visuelle, faite de 2D stylisée mêlée à des séquences presque picturales, évoque aussi bien Moebius que les gravures romantiques, et porte la marque d’un cinéaste qui envisage l’animation comme un lieu de pensée.

Amélie et la Métaphysique des tubes : la force tranquille du roman de soi

Autre récompense notable du palmarès : Amélie et la Métaphysique des tubes, adaptation audacieuse de l’œuvre d’Amélie Nothomb, coréalisée par Maïlys Vallade et Liane-Cho Han. D’une philosophie de la naissance à une ode à la perception enfantine, le film réussit le tour de force de rendre compte, en images mouvantes, du flux de conscience et de la logique singulière d’un bébé qui croit être Dieu.

Sans jamais verser dans l’illustration littérale, le film tire parti des possibilités formelles de l’animation pour explorer la subjectivité : les sensations deviennent paysages, les mots des tremblements de couleur. Loin de la simple fantaisie, Amélie est un film métaphysique au sens noble, qui questionne la parole, la mémoire, l’identité, avec une grâce toute japonisante — clin d’œil à la naissance de l’écrivaine à Kobe. Il s’impose comme l’une des plus belles propositions existentielles du festival.

Planètes de Momoko Seto : l’hymne à l’infiniment petit et à l’infiniment beau

Enfin, Planètes de la Franco-Japonaise Momoko Seto, déjà connue pour ses courts poétiques mêlant microcosmes et cosmogonies, a conquis le jury par son audace esthétique et sa puissance contemplative. Le film navigue entre science-fiction, documentaire expérimental et poésie animée. Dans un monde envahi de spores, de cristaux et de colonies invisibles, l’animation devient une sonde sensorielle dans l’organique et l’étrange.

Mais loin de tout effroi, Planètes célèbre la beauté secrète du vivant. La matière y palpite, la flore y rêve, les champignons y brillent comme des constellations : l’émerveillement est constant, presque enfantin. Le film, en repoussant les frontières du médium, réenchante notre regard sur les choses minuscules — et, par ricochet, sur nous-mêmes.

Un palmarès aux antipodes de l’époque ?

Que dit ce palmarès d’Annecy 2025 de notre moment culturel ? Il semble exprimer un besoin de consolation, mais sans mièvrerie ; un désir de retrouver le monde, non dans sa brutalité, mais dans ce qu’il recèle encore de délicatesse, de lenteur, de spiritualité laïque. L’animation, parce qu’elle ne se contente jamais de reproduire le réel mais le transforme, est sans doute le médium idéal pour cette entreprise.

Ainsi, en récompensant trois œuvres à la fois exigeantes et profondément sensibles, le festival affirme un geste curatorial fort : dans le tumulte du siècle, l’animation peut encore tracer un chemin vers l’émotion, l’intelligence et la beauté.