Arcturus le 5 mai à Rennes, du metal entre symphonie et cosmologie

Le metal serait une musique de brutes sans esprit ni finesse ? Jugement bien éculé que les talentueux Norvégiens d’Arcturus sauront sans aucun doute remettre à sa place le 5 mai 2015 à l’Ubu de Rennes. Ces avant-gardistes ultra-perfectionnistes qui ont avec quelques autres (le groupe Ulver en tête) révolutionnés les concepts et schémas du style nous promettent un beau moment, épique et mythologique, quelques jours avant la sortie du prometteur album Arcturian.

 

arcturus-ubu-metal-symphonie-norvegeArcturus naît officiellement en 1990 sur les cendres du groupe Mortem. Mortem avait été fondé trois années auparavant par Steinar « Sverd » Johnsen (clavier, guitare) avec Marius (basse, voix) et Hellhammer (pseudonyme de Jan Axel Blomberg, mythique batteur du groupe culte de black metal Mayhem). Le premier opus officiel portera le titre de la chanson My Angel (EP, 1991, Putrefaction Records), titre dont la simplicité et l’ampleur transcendent le genre du metal et anticipe des changements de grande envergure.

Peu de temps après, Marius quitte le groupe et est remplacé au chant par le complexe et talentueux Garm. Au même moment le groupe intègre le guitariste Samoth (Tomas Thormodsæter Haugen, alors membre du spectaculaire groupe de black metal Emperor, mais également du Inner Black Circle qui sera, en Norvège, à l’origine de plusieurs incendies d’églises). Avec l’arrivée de Garm (Kristoffer Rygg, Ulver, Borknagar, AEthenor -avec David Tibet) chanteur rageur aux envies et inspirations arcturus-ubu-metal-symphonie-norvegemultiples, il semble bien que Steinar « Sverd » Johnsen (fondateur et compositeur principal) puisse donner libre cours à ses débordantes ambitions symphoniques.

Aspirations qui verront réellement en 1996 avec l’imposant Aspera Hiems Symfonia, premier album du groupe (qui connait encore un changement de personnel suite à l’emprisonnement de Samoth pour sa participation aux incendies d’églises qui frappent alors le pays).

L’album La Masquerade infernale confirme en 1997 l’excellence du duo Sverd / Garm. Véritable opéra grotesque invoquant une multitude de styles détournés (trip hop, drum’n bass, psychédélisme, opéra…), passés au broyeur cosmique et délirant d’un metal symphonique et électro inspiré par les mythes faustiens, carnavalesques et absurdes d’une tragédie stellaire aux dimensions mythologiques.

L’équipée flibustière aussi froide que bigarrée se poursuivra jusqu’à la sortie de The Sham Mirrors en 2002, album frénétiquement dynamique qui pousse encore plus loin la logique kaléidoscopique de dépassement avant-gardiste de son prédécesseur. Ce sera pourtant le dernier album a bénéficier de l’ampleur vocale et stylistique de Garm. Ce dernier ayant apparemment décidé de se consacrer pleinement à son projet Ulver (1).

arcturus-ubu-metal-symphonie-norvegeAvant sa séparation en 2007, le groupe livrera l’album Sideshow Symphonies. Moins radical, proposant une orientation plus prog-rock l’album est néanmoins d’un excellent niveau et démontre que, séparés de Garm, Sverd et ses acolytes peuvent encore proposer des compositions riches, complexes et épiques. Bien sûr les volutes vocales de Simen Hestnæs / I.C.S Vortex (présent sur trois titres de La Masquerade Infernale) n’ont pas l’intensité de l’excessif Garm mais son chant apporte toutefois une dimension plus directement lyrique au surréalisme déphasé de ces musiques extrêmement composées, les arabesques hallucinées des mélodies vocales survolent avec une grâce luciférienne hallucinée les patchwork aiguisés des lieder effrénés du macabre grotesque de ce cosmique cabaret (tenant autant de Jérôme Bosch, des contes d’E.T.A Hoffman que de E.A. Poe).

Après de nombreuses rumeurs et quelques péripéties logistiques, le groupe annonce sa reformation en 2011. La même année la réalisation d’un nouvel album d’Arcturus est également évoquée. Plus de trois années après voilà cette production bien proche de voir enfin le jour puisque la sortie officielle de l’album Arcturian est prévue pour le 8 mai 2015 sur le label allemand Prophecy Records. Les oreilles rennaises n’auront donc que trois jours pour se remettre de leur rencontre en live avec le grand cirque norvégien metalactique !

Arcturus/Vulture Industries/Krakow/Seven Impale, mardi 5 mai 2015 à l’Ubu, Rennes.

Billetterie : 19 € à FGarmonbozia@aol.com / 20, 90 € sur Digitick > http://ow.ly/JSebc

Arcturus Arcturian, CD, 2015, Prophecy Records

(1) Ulver fondé par Kristoffer Ryyg à l’âge de seize ans a évolué d’une manière encore plus étourdissante qu’Arcturus. Produisant à l’origine un black-metal norvégien extrêmement sombre et brutal, le groupe va néanmoins dès ses premières heures introduire avec maestria des éléments de folks, de musique classique et d’électro pour aboutir à des créations somptueuses d’une incroyable polyphonie stylistique. L’admiration de Rygg pour les occultistes musicaux de Coil (autres créateurs amateurs de soniques kaléidoscopes), paradoxale au sein de la scène metal, trouvera son aboutissement dans la participation de Stephen Thrower, ex-membre de Coil, sur l’album d’Ulver Wars of the Roses.

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Thierry Jolif
La culture est une guerre contre le nivellement universel que représente la mort (P. Florensky) Journaliste, essayiste, musicien, a entre autres collaboré avec Alan Stivell à l'ouvrage "Sur la route des plus belles légendes celtes" (Arthaud, 2013) thierry.jolif [@] unidivers .fr

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