10 h 30, un mardi ordinaire sur le parking ombragé d’un supermarché de périphérie. Geneviève M., 73 ans, range ses courses dans le coffre, la canne calée contre le pare-chocs. Une jeune femme s’approche, sourire large, voix enthousiaste : « Oh, ça fait longtemps, comment allez-vous ? » L’étreinte s’impose, deux bises, une accolade trop longue. Trente secondes plus tard, Geneviève a perdu son collier et son bracelet. « Je n’ai rien senti… »
La scène paraît anodine, presque polie. Elle est pourtant la signature d’une méthode rodée : l’« arnaque au câlin », aussi appelée vol à l’étreinte (ou, dans la presse anglo-saxonne, « hugger mugging »). Le principe : instaurer un contact physique soudain et « amical » pour subtiliser, en douceur, montre, collier, bagues, portefeuille ou téléphone. C’est rapide, sans violence manifeste, et cela retarde la réaction. D’où son efficacité – et son expansion.
Le mode opératoire
Une personne (souvent une femme, parfois un duo mixte) aborde chaleureusement sa cible, prétexte une connaissance, une collecte, une danse, un remerciement, puis l’enlace brièvement. Pendant l’étreinte, l’objet est saisi et transmis, parfois, à un complice qui s’éloigne aussitôt. Ces derniers mois, plusieurs gendarmeries et polices locales ont multiplié les mises en garde face à la diffusion de ces faits.
- Lieux : parkings de supermarchés, rues commerçantes, marchés, zones touristiques, sorties de banque/ATM, gares.
- Victimes fréquentes : personnes âgées ou isolées, personnes portant des bijoux visibles ou des montres de valeur.
- « On se connaît ? On s’embrasse ! » / « Merci, je vous fais la bise » : le prétexte est l’affection, le but est la proximité.
- Une petite danse « pour rire » ou un pas de côté « festif » qui accroche le bras.
- Une pétition à signer collée contre le torse, puis une embrassade de « remerciement ».
- Un complice à quelques mètres, prêt à récupérer l’objet volé.
Pourquoi ça marche ?
- Effet de surprise et politesse réflexe : on hésite à repousser un geste « amical ».
- Proximité physique : accès direct aux fermoirs, à la poche intérieure, au poignet.
- Absence de violence apparente : la victime met du temps à réaliser, les témoins aussi.
Dans les récits recueillis, un motif revient : la honte. « Je me suis trouvée bête », explique Geneviève. Le préjudice dépasse souvent la valeur de l’objet : une alliance héritée, un pendentif offert pour un anniversaire. L’onde de choc est morale. Ensuite, tout va très vite : l’auteur s’éloigne sans courir, se fond dans le flux, parfois monte en voiture. La plupart des victimes réalisent la disparition en bouclant leur ceinture, en refermant le sac, en démarquant une sensation « anormale » au poignet.
Si vous êtes victime, les réflexes immédiats
- Appelez le 17 (ou 112) et déposez plainte (contre X à défaut d’identité). Le vol est un délit ; la pré-plainte en ligne est possible, à confirmer au commissariat/gendarmerie.
- Faites opposition si des moyens de paiement sont concernés ; bloquez votre téléphone à distance (Apple/Google) et déclarez l’IMEI à l’opérateur.
- Déclarez à l’assureur (habitation/CB) selon vos garanties.
- Consignez les indices : description, vêtements, accent, direction de fuite, plaque/véhicule, heure exacte ; signalez tout témoin et demandez, si possible, la conservation d’images de vidéoprotection.
Repères juridiques
Il s’agit d’un vol par ruse (soustraction frauduleuse, sans violence caractérisée). Des circonstances aggravantes peuvent s’appliquer (vol en réunion, victime vulnérable, etc.). La plainte demeure essentielle pour enclencher les investigations et relier des faits potentiellement sériels.
