Arnaque sur les marchés : des fruits et légumes vendus comme locaux

fraise espagne plougastel

Acheter ses fruits et légumes au marché, c’est privilégier le circuit court, la fraîcheur, la qualité, et soutenir les producteurs locaux. C’est du moins ce que pensent la plupart des consommateurs. Mais une enquête de l’association 60 Millions de consommateurs révèle une tromperie massive sur l’origine réelle des produits vendus sur les étals. Dans un numéro hors-série, l’association dénonce une pratique de plus en plus répandue : faire passer des fruits et légumes importés pour des produits locaux.

« Les gens vont sur les marchés en confiance, pensant que ça va être meilleur qu’en supermarché. Et finalement ils se font peut-être beaucoup plus avoir », alerte l’association.

Des étiquettes trompeuses et une provenance falsifiée

Sur les marchés, les étiquettes annoncent fièrement une origine française ou même locale, mais les produits proviennent parfois de pays bien plus lointains. L’objectif ? Bénéficier de la forte demande pour les circuits courts, sans en respecter les principes.

Exemple 1 : des fraises « bretonnes »… venues d’Espagne

En pleine saison printanière, un étal de marché à Rennes proposait des barquettes de fraises soi-disant bretonnes. Le vendeur assurait qu’elles provenaient de Plougastel. En réalité, l’étiquette discrète au dos de la caisse mentionnait une provenance espagnole. Ces fraises étaient achetées en gros à Rungis ou dans des plateformes d’importation, puis ré-étiquetées.

Exemple 2 : des tomates « du coin » cultivées sous serre… aux Pays-Bas

Même constat pour les tomates : bien rouges, bien rondes, affichées comme « tomates du pays » sur un marché en Île-de-France. En vérité, elles venaient des Pays-Bas, cultivées hors sol dans d’immenses serres chauffées. Aucune trace de terroir local. Les clients, eux, pensaient soutenir un petit maraîcher d’Île-de-France.

Exemple 3 : des pommes « de Normandie »… issues de récoltes stockées en Pologne

Autre ruse : jouer sur les saisons et la conservation. Au cœur de l’hiver, des pommes étiquetées comme étant de Normandie sont vendues sur des marchés de province. Pourtant, les vergers normands ne produisent plus à cette période. Ces pommes ont en fait été importées de Pologne, pays exportateur majeur, puis stockées dans des chambres froidespour simuler une récolte récente.

Un phénomène répandu et difficile à détecter

La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) confirme l’ampleur du phénomène. Selon sa porte-parole Marie Suderie :

« Plus de 4 600 contrôles de l’origine française ont été réalisés, à tous les stades de la distribution. Le taux d’anomalies est de 34 %. »

Cela signifie qu’un tiers des produits contrôlés sont concernés par des irrégularités : fausse origine, absence d’étiquetage, ou tromperie sur le lieu de culture.

Et ce ne sont pas que des marchés. Les primeurs, certains magasins bio, et même les grandes surfaces peuvent être concernés, car ils s’approvisionnent parfois via les mêmes réseaux ou centrales d’achat, où l’origine est maquillée en amont.

Une fraude difficile à sanctionner

Le problème, c’est que les fraudeurs sont rarement pris en flagrant délit. Les contrôles sont ponctuels, et les marchands malhonnêtes savent jouer sur les failles : étiquettes manuscrites, caisses sans identification, réponses floues en cas de question. Même lorsqu’une sanction est envisagée, les procédures sont longues, et les amendes peu dissuasives.

Comment se protéger en tant que consommateur ?

Face à ces pratiques, plusieurs réflexes peuvent vous aider :

  • Posez des questions précises au vendeur : où est cultivé le produit, par qui, dans quelle commune ?
  • Méfiez-vous des produits hors saison (fraises en février, tomates en mars…).
  • Observez les emballages ou les caisses : la provenance réelle y est parfois encore visible.
  • Fiez-vous à des labels de confiance, comme le label Demeter (le meilleur), Agriculture biologiqueAOP ou Label Rouge, mais surtout aux producteurs identifiés (avec nom, commune, panneau expliquant leur ferme).

Une crise de confiance en perspective ?

Cette fraude à l’origine est plus qu’un simple abus commercial : elle sape la confiance dans les circuits courts, et pénalise les véritables producteurs locaux, qui ne peuvent rivaliser sur les prix face à des produits importés bon marché, vendus comme « locaux ».

Pour 60 Millions de consommateurs, il est temps de renforcer les contrôles, d’exiger une traçabilité irréprochable, et de protéger les consommateurs comme les producteurs.