Ses oeuvres sont monumentales comme son personnage. Gustave Courbet emporte tout sur son passage. Dans sa BD éponyme, André Houot, suit à la trace le peintre au long de sa vie tumultueuse. Réaliste et instructif.
Les BD consacrées aux peintres sont nombreuses et Unidivers s’en est fait souvent l’écho. Beaucoup cependant évoquent une partie de la vie de ces artistes, un moment précis, comme un éclairage symbolique résumant une vie entière. Avec sa BD Gustave Courbet, une biographie, André Houot prend le risque de la biographie comme l’indique le sous-titre de l’ouvrage. Raconter la vie du gaillard d’Ornans en 100 pages dessinées est une gageure qu’il parvient cependant à réussir.
Il la mérite cette attention, Courbet, lui que l’on imagine bien gueulant dans son atelier, manifestant dans les rues de Paris, buvant l’absinthe au comptoir des bars, embrassant les femmes et la vie à pleine bouche.
Avec sa peinture réaliste, révolutionnaire au milieu des oeuvres convenues des Salons où prime la peinture d’Histoire et le conformisme moral, il détonne, s’attaquant à décrire les « vrais gens » comme dans son Enterrement à Ornans, ou à peindre des corps nus bien en chair, éloignés des Vénus idylliques de Cabanel. Il espérait qu’après sa mort on dise de lui:
Il n’appartenait à aucune école, à aucune église, à aucune institution, à aucune académie, encore moins à aucun régime sauf le régime de la liberté.
C’est cet homme-là que Houot, s’appuyant sur des références historiques incontestables (que confirment les notes en bas de page), nous raconte utilisant la présence convenue d’un jeune homme venant le rencontrer avant la fin de sa vie, mais transformant dans les dernières pages ce procédé narratif habituel en création originale.
Le récit chronologique nous transporte dans les deux lieux essentiels dans la vie du peintre : Ornans et Paris. De la ville franc-comtoise, Houot dessine à merveille les vallons et cours d’eau, les rivières souterraines, montrant combien ces paysages de falaises imprègnent la jeunesse de celui qui est déjà un sacré garnement, éloigné des conventions et des préceptes éducatifs de l’époque.
Paris ensuite, où Courbet vient en effraction, son père pense qu’il va mener des études de droit, est le lieu de création, de confrontation, avec à la fois la peinture officielle et un régime impérial qu’il abhorre. Autant que sa lutte pour une peinture « vraie », sa vie va être marquée également par ses combats politiques et la BD montre parfaitement cette double lutte qui l’épuisera avant de ruiner sa vie, son accusation d’avoir été l’instigateur de la destruction de la colonne de la place Vendôme, l’achevant.
Il est égrillard et heureux à Ornans, il est combatif et agité à Paris. Comme tous ces êtres excessifs on l’aime et on le déteste dans la même minute. On l’aime quand il déjoue et moque un indicateur de la police impériale. On le déteste quand il abandonne compagne et enfant préférant aller « là où mon art me conduit ».
La peinture demeure en effet le fil conducteur de cette vie a nulle autre pareille. Et l’on côtoie avec plaisir Whistler en Normandie avec qui il aimerait « saisir les changements d’humeur du ciel et de l’océan » annonçant les principes impressionnistes. On le découvre avec Khalil Bay, le véritable commanditaire du célèbre L’Origine du Monde qui fait l’objet d’ailleurs de la très belle couverture (*). Aucun des événements marquants de la vie du peintre n’est oublié et le dessin de Houot s’adapte parfaitement à la peinture de Courbet. Précis, complet, réaliste, ressemblant, à l’exception de quelques pages oniriques dans lesquelles, sous l’influence de l’alcool et de sa santé dégradée, les hallucinations emmènent le peintre à subir, comme Prométhée, les serres acérées d’un aigle.
Un aigle impérial comme un symbole de ce régime autoritaire qu’il tant haï, presque autant que le jury du Salon. Un aigle qui aurait pu l’amener à survoler les méandres de la Loue. Une dernière fois. Avant un « enterrement à Ornans ».
Gustave Courbet : une biographie d’André Houot. Éditions Mosquito. 100 pages. Parution 5 avril 2019. 16€.
Cette BD a déjà fait l’objet d’une première édition en 2016 sous le titre Le Rendez-vous d’onze heures.
Dessinateur : André Houot
Scénariste : André Houot
Coloriste : Jocelyne Charrance
Editeur : MOSQUITO
Genre : Documentaire-Encyclopédie
Public : Ados-Adultes
EAN : 9782352835264
Gustave Courbet – Peintre français, Gustave Courbet est né le 7 février 1819 à Ornans (France). Il est mort le 31 décembre 1877 à La-Tour-de-Peilz (Suisse). Il appartient au mouvement réaliste.16
(*) Nous connaissons désormais grâce à Claude Schopp l’identité du modèle : Constance Quéniaux. À lire ce magnifique ouvrage d’érudition : L’origine du monde. Vie du modèle chez Phébus. Un bijou d’étude qui se lit comme un roman policier.
https://youtu.be/fQv-2Bpy3fU