Dans les parutions BD du mois d’octobre 2018, beaucoup de BD traitent de l’histoire du XXe siècle. Mais pas que. Petit inventaire subjectif…
Pour un mois essentiel en termes de parution, il faut une locomotive. Celle-ci sera probablement la parution du tome 8 des Passagers du vent, grand classique de la BD de Bourgeon, qui débuta en 1979 et eut une interruption de près de 25 ans. Avec Le sang des Cerises (1) débute ce troisième cycle tant attendu qui va permettre aux lecteurs de retrouver Zabo, devenue Clara, non plus en Amérique, mais dans le Paris de la Commune. Succès garanti pour une série qui ouvrit les portes de la BD à des milliers de lecteurs et qui proposera une superbe édition luxe en noir et blanc.
Paradoxalement, en ce mois dévolu normalement aux nouveautés, les éditeurs proposent des rééditions de valeurs sûres devenues parfois introuvables. Largo Winch achève sa nouvelle réédition en doubles albums en proposant les dix dernières parutions (Albums 11 à 20), alors que Delcourt, profitant de la notoriété toujours croissante de Davodeau, publie à nouveau le triptyque superbe, Les Mauvaises Gens, Quelques jours avec un menteur et le magnifique Rural. Casterman publie de nouveau L’été indien de Manara et Pratt pour une édition 2018 appelée à séduire de nouveaux lecteurs.
Pour de véritables nouveautés, on peut se tourner vers Sarbacane, qui édite un ouvrage étonnant avec Servir le Peuple où l’on retrouve le talentueux Alex W. Inker (auteur de Panama Al Brown) qui nous place en pleine révolution culturelle chinoise quand l’ordonnance d’un colonel de l’Armée populaire applique l’injonction d’accéder à tous les désirs de l’épouse de ce dernier. Un dessin, un thème et un objet totalement atypique qui devraient trouver ses lecteurs.
Toujours tournées dans le passé, plusieurs BD ce mois-ci évoquent la Seconde Guerre mondiale. Chez Futuropolis, après Un maillot pour l’Algérie, le trio Javi Rey, Kris et Bertrand Galic mène une enquête passionnante sur la vie, réelle, d’une femme qui a traversé la moitié du XXe siècle avec rage, impudeur et scandale : Violette Morris, championne sportive française toutes catégories, qui trouvera la mort en avril 1944 dans une embuscade organisée par des résistants. « La Hyène de la Gestapo » méritait elle ce sort ? Ce premier tome d’un diptyque annoncé nous le dira. Chez le même éditeur, on attend avec impatience Le voyage de Marcel Grob qui raconte un autre destin, celui d’un jeune Alsacien de 17 ans, enrôlé dans la Waffen SS et qui, à 83 ans, devant un juge, se souvient.
Gallimard n’est pas seulement l’éditrice de la collection au liseré rouge de la NRF, mais publie parfois aussi des BD. Deux ouvrages ce mois. Heimat, loin de mon Pays de Laura Krug raconte comment le simple fait d’être citoyenne allemande la relie à l’Holocauste, la dépossédant d’un quelconque sentiment d’appartenance culturelle. Après douze ans passés aux États-Unis, et alors qu’un non-dit plane sur la participation de sa propre famille à la guerre, elle part à la recherche de la vérité… Entre bande-dessinée et album photo, une enquête intime stupéfiante au cœur de l’Allemagne nazie.
Avec le tome 1 de Swan de Nejib, on continue de se promener dans le domaine de l’histoire, mais celle de l’art, cette fois-ci. Tout juste débarqués de New York, Scottie et sa sœur Swan n’ont qu’une idée en tête : intégrer les Beaux-Arts de Paris. Guidés dans la capitale par leur cousin Edgar Degas ils rencontrent Ingres, Manet, Fantin Latour…. L’auteur remarqué de Stupor Mondi nous propose avec le buveur d’absinthe le début d’une série prometteuse.
Avec la parution en coffret de Autel California des deux tomes parus, l’Association, remarquable maison d’édition, met en valeur le talent de l’autrice Nine Antico qui dessine le phénomène des groupies dans la culture américaine des années 50-70. Magnifique et original.
Autre maison d’édition valeureuse et défendant une BD indépendante, Steinkis qui publie Si je t’oublie Alexandrie, un album de Jérémie Dres où l’auteur fait de la recherche de ses origines, un véritable reportage d’investigation exhumant une mémoire en voie de disparition, celle d’un monde arabe cosmopolite.
On a commencé avec un grand nom de la BD avec Bourgeon, on ne peut terminer ce petit inventaire qu’avec une autre signature majeure : Juillard qui avec son compère Yann au scénario, dans le prolongement de leur album Mezek raconte une histoire d’amour pendant la guerre civile espagnole entre un aviateur russe et une belle milicienne espagnole. Le trait de Juillard demeure unique et superbe pour ce Double Sept.
Et puis il y’a …. et encore …… Plongez dans les bacs de livres et trouvez votre bonheur. Bonne lecture et bonne pioche.