Quel meilleur moyen de reprendre ses occupations favorites que de retrouver le chemin de sa librairie BD préférée ? Petit tour des rayonnages réapprovisionnés pour vous en ce mois de septembre.
Même si la rentrée BD atteint les sommets au mois d’octobre et novembre, les éditeurs n’hésitent plus à avancer leur parution, à l’image de la rentrée littéraire, dès le mois de septembre. Ce mois-ci une tendance lourde se confirme : les romans graphiques, ces ouvrages que Art Spiegelman, auteur de l’incontournable Maus, qualifiait de « BD avec un marque-page », occupent une large part des catalogues de rentrée.
Dans cette catégorie, on attend avec impatience la sortie du livre de Pierre-Henry Gomont, Malaterre (1). L’auteur nous avait séduits avec son remarquable Péreira prétend. Il revient cette fois-ci avec un récit d’inspiration autobiographique qui raconte les errances et les manipulations alcoolisées d’un père rêveur d’une Afrique équatoriale fantasmée et pointent probablement des souvenirs et des expériences personnelles dans ses planches qui confirment le talent graphique incontestable du dessinateur, maître des courbes et des volutes.
À Unidivers, on est fidèle en admiration et on revoit avec plaisir le retour de la dernière BD de Catherine Meurisse qui nous avait enchantés avec La légèreté. Cette fois-ci la dessinatrice de Charlie Hebdo se penche sur son enfance campagnarde. Le dessin léger et faussement naïf de Les Grands Espaces (2) accompagne à la perfection la découverte d’un monde d’adultes où l’on explique que la nostalgie est « un truc de vieux ». Alors album nostalgique certainement, mais pour tous les lecteurs, vieux et… jeunes, tant la poésie de Catherine Meurisse s’adresse à tous.
Autres retrouvailles, celles de Clément Oubrerie et de Julie Birmant dont la série Pablo avait obtenu un grand succès mérité. Les deux auteurs changent ici de registre avec Renée Stone. Meurtre en Abyssinie (3) qui marque leur entrée dans le domaine du polar. Cette BD est annoncée comme l’arrivée d’une « Miss Marple, jeune, belle et intrépide », chargée d’élucider le meurtre du père d’un archéologue. Voyage en Éthiopie et aux confins de l’Irak pour une série naissante qui devrait faire parcours au lecteur le monde entier. Les pages, presque monochrome du début, mettent en exergue l’extraordinaire talent d’Oubrerie pour dessiner les visages féminins.
Changeons d’éditeur avec Futuropolis, une autre maison qui met en valeur ces fameux graphic novels. Avec Eldorado (4), nous partons au début du XXe siècle « entre les deux Amériques ». Marcello participe à la construction d’un canal en Amérique Centrale. Sa correspondance amoureuse destinée à son épouse est interceptée par la femme de l’ingénieur en chef. Une superbe histoire d’amour marquée par la folie et des paysages exceptionnels. Fresque sociale, cette BD est une des belles surprises de la rentrée.
Immersion totale dans le monde musical avec la parution simultanée chez Casterman de deux BD intimement liées puisque du même auteur, le talentueux Reinhard Kleist, elles racontent, avec la force du dessin noir et blanc, le destin du rocker Nick Cave (5) dont le portrait de couverture révèle à merveille le caractère impétueux et délirant et de l’homme en noir, Johnny Cash (6). Deux albums complémentaires pour deux artistes aux personnalités autodestructrices que le dessin superbe de l’auteur magnifie. Après Castro ou Le Boxeur, Reinhard Kleist s’impose comme un incontournable créateur dans cette superbe collection Écritures de chez Casterman.
Sans « aucun pathos » nous est-il promis, Une vie comme un été (7) retrace la vie de Gerda Wendt, célèbre astrophysicienne alternant entre ses derniers jours en maison de retraite et les grandes étapes de sa vie : petite fille brillante à l’école, jeune femme passionnée de sciences devant faire un choix entre sa carrière et sa vie de couple. Un dessin placé sous le signe de l’infiniment grand et empreint d’une prometteuse vision poétique.
Parfois les nouveautés sont de simples rééditions d’ouvrages épuisés ou à qui les éditeurs souhaitent donner une nouvelle chance. À ce titre deux titres ont retenu notre attention. On ne présente plus Philippe Squarzoni, auteur engagé, dont le célèbre Saison brune le fit connaître du grand public. Avec Torture Blanche (8), il raconte avec son acuité habituelle sa participation à la 41e mission de Protection du Peuple palestinien. Il dit la vie du peuple palestinien dans les territoires occupés et les mouvements pacifistes israéliens. Un ouvrage engagé, édité une première fois en 2012, qui appellera cette fois encore un large débat passionné.
Ce n’est pas toi que j’attendais (9) nous avait emballés lors de sa sortie initiale. Ce récit d’un père qui devient papa d’un enfant pas tout à fait comme un autre, est formidable d’humanité, de tendresse, et d’honnêteté. Fabien Toulmé, dont le dessin nous rappelle celui de Riad Sattouf, n’hésite pas à nous faire part de ses angoisses, de ses refus et nous livre un récit bouleversant et attachant. Une nouvelle occasion de découvrir cette BD importante.
Un peu de légèreté avec Mozart à Paris (10) de Frantz Duchazeau racontant l’arrivée à Paris en 1778 de Amadeus qui tente de gagner sa vie en donnant des leçons de piano et cherche à faire jouer sa propre musique. Mais le génie et la spontanéité de l’ex-enfant prodige lui attirent de nombreuses inimitiés que ni son talent unique ni son humour n’atténueront… bien au contraire. Un dessin et une thématique qui rappellent le Voltaire de Clément Oubrerie paru en 2017. Une référence de qualité.
On ne peut terminer cette revue sans ignorer la parution du Chemisier (11) par l’un de nos plus grands auteurs de BD français : Bastien Vivès. Un nouveau destin de femme, Séverine, qui se voit prêter un chemisier qui va changer sa perception des autres et du monde. Une parution qui fait figure désormais d’évènement dans le monde de la BD, tant l’univers de Vivès est devenu incontournable.
Vus êtes parés maintenant pour retrouver les vicissitudes… et les joies d’une reprise en douceur. Bonnes lectures et bonnes découvertes. Chez votre libraire préféré.
Dessin de Une : dédicace de Catherine Meurisse pour Eric Rubert.
(1) Editions Dargaud. 192 pages. Parution le 14.09. 24€.
(2) Editions Dargaud. 92 pages. Parution le 21.09. 19,99€.
(3) Editions Dargaud. 64 Pages. Parution le 31.08. 14,99€.
(4) Editions Futuropolis. Damien Cuvillier et Hélène Ferrarini. Parution le 20.08. 176 pages. 26€.
(5) Parution le 22.08. 22,95€
(6) Parution le 22.08. 19,95€.
(7) Editions Delcourt. Collection : « Hors collection ». Scénariste : Von Steinaecker. Illustrateur : Yelin Barbara. Parution le 28.08. 15,95 €.
(8) Editions Delcourt. Parution le 05.09. 18. 13,50€.
(9) Editions Casterman. Parution le 29.08. 21,50€.
(10) Editions Casterman. 96 pages. Parution le 29.09.18. 18,95€.
(11) Editions Casterman. 208 pages. Parution le 12. 09. 20€.