Candice Rogers, cheffe de service, de coordination et de production technique aux Champs Libres de Rennes, conçoit avec son équipe talentueuse la scénographie des expositions de la salle Anita Conti. Portrait.
Une exposition met en lumière le travail d’un·e artiste. Mais l’agencement de l’espace — mobilier, couleurs, ambiances — est l’œuvre d’un·e scénographe. La plupart des structures culturelles ou muséales font appel à des prestataires extérieurs pour concevoir ces dispositifs. Mais Les Champs Libres ont la chance de compter en interne une professionnelle dédiée à la scénographie. De plus en plus souvent, Candice Rogers imagine un univers immersif, un espace en harmonie avec la démarche de l’artiste invité. Unidivers est allé à sa rencontre, au cœur de l’exposition Troisième Nature de Grégoire Eloy. Dans une ambiance douce, aux teintes bleu, vert et noir, la salle Anita Conty invite à la contemplation de clichés de mer et de montagne. C’est là, au centre de la salle, que Candice nous a confié avec modestie son parcours et sa vision du métier.

Originaire de Toronto, la Franco-Canadienne, française par sa mère, n’a pas toujours occupé ce poste, mais œuvre dans le monde des expositions depuis dix-sept ans. Titulaire d’une maîtrise d’anglais littéraire moderne et de géographie environnementale, elle a d’abord enseigné l’anglais au Japon puis en France. Elle a ensuite travaillé pour une entreprise française qui organise des congrès médicaux avant de coordonner ce qu’elle décrit comme des « weekends de récompense » pour de grandes entreprises — une entrée en matière dans l’événementiel. C’est après cette série d’expériences qu’elle postule au musée du Quai Branly à Paris, malgré un CV à la canadienne, « deux ans par-ci, trois ans par-là… », dit-elle en souriant. Elle y débute dans la communication avant d’intégrer le service des expositions en tant que chargée de projets. Elle y reste huit ans avant de rejoindre la maison de vente Christie’s.
En 2018, elle est recrutée par Les Champs Libres de Rennes en tant que cheffe de service de coordination et de production technique. « Au départ, je faisais partie d’un grand service incluant la technique, la sécurité du bâtiment et de l’auditorium, puis il a été scindé », explique-t-elle. Elle devient alors responsable de sa propre équipe. Quatre personnes à temps plein l’accompagnent dans la concrétisation de ses idées : Adrien Beaumont, régisseur général et éclairagiste ; Pascal Darragon, régisseur plateau et chef d’atelier ; Olivier Ledu, en charge du son, de la lumière et du numérique ; Mickael Cervi, technicien spécialisé dans le numérique. Des renforts ponctuels viennent compléter l’équipe lors des montages.
Si Candice se consacre en priorité à la scénographie de la salle Anita Conti (400 m²), elle intervient également dans d’autres espaces, comme la galerie du premier étage jouxtant le café, actuellement occupée par l’exposition Gwiskañ de la photographe Aurélie Scouarnec. « À l’origine, la salle Anita Conti accueillait surtout des installations. Je m’en occupe depuis qu’on y propose des expositions photographiques. »
« Avoir des forces en interne permet une grande réactivité. »
La scénographie naît toujours d’un dialogue entre l’artiste et Candice. Pour Troisième Nature, elle a d’abord suivi les intentions de Grégoire Eloy qui souhaitait deux petites salles avant d’opter pour un espace ouvert qui offre une vue d’ensemble. Elle a conçu une structure de cabane en bois en lien avec une série de l’exposition et qui permet de rythmer l’espace tout en préservant une vision globale. Côté lumières, Adrien, l’éclairagiste, a eu carte blanche : « Les visiteurs ne mesurent pas toujours l’importance de l’éclairage dans une scénographie », souligne Candice. Il a par exemple choisi une lumière froide pour les clichés de glaciers afin de faire ressortir les blancs ; ce qu’une lumière chaude n’aurait pas permis.

Engagée dans une démarche écoresponsable, Candice intègre systématiquement ces enjeux dans ses créations. Le bois utilisé pour les cabanes de Troisième Nature provient de l’exposition précédente de Raymond Depardon. Les murs qui supportent la série La Faille sont des cloisons réutilisables, présentes aux Champs Libres depuis 2006. « Ces murs font seulement 4 cm d’épaisseur, contre 30 habituellement, afin de rester auto-stables », précise-t-elle.
Elle travaille également avec la peinture bretonne Algo fabriquée à base d’algues locales. À 99,99 % écoresponsable, elle demande plusieurs couches en raison de sa moindre opacité, mais offre une belle variété de teintes. Progressivement, les Champs Libres remplacent aussi leurs projecteurs américains par des modèles LED français, bien moins énergivores.

Avec le temps et les projets, Candice a acquis une solide expertise malgré l’absence de formation spécifique. « Je lève toujours les yeux dans les expos pour observer ce qui se passe au plafond », s’amuse-t-elle. Pour la première fois, elle va également signer la scénographie de la prochaine exposition du Musée de Bretagne. Sans en dévoiler le thème, elle précise qu’il s’agira d’une exposition photographique inspirée d’un livre, dont l’objet en lui-même orientera sa conception : « Il faut encore vérifier si l’idée fonctionne en pratique, nous allons fabriquer un prototype. »
« Je suis heureuse de faire de plus en plus d’expositions », conclut-elle simplement, même si le syndrome de l’imposteur la guette parfois. Mais dans ce métier, si la formation est un socle, la sensibilité fait la différence. Candice en a indéniablement une exquise. « J’ai toujours nourri une fibre artistique et créative. Ce métier me permet de l’exprimer, entourée de professionnels en qui j’ai pleinement confiance. C’est une vraie chance. » conclut-elle avec une naturelle modestie joyeuse.
