Mauvais film pour Comptoir du doc à la Parcheminerie, Soudain l’été prochain…

L’association rennaise Comptoir du doc diffuse des documentaires depuis 18 ans. Au mois de septembre 2015, elle a emménagé dans le théâtre de la Parcheminerie dont elle partage les lieux avec Lillico, association spécialisée dans l’animation à destination des enfants. Précisément, après une phase d’expérimentation et un premier bilan, la Ville de Rennes a décidé de recentrer l’ensemble du théâtre de la Parcheminerie sous forme d’un pôle jeune public. Comptoir du doc est prié de quitter les lieux au plus tard cet été.

 

rennes comptoir du doc parcheminerie

Coup de poing, douche froide, amertume, l’association Comptoir du Doc – emmenée notamment par Elodie Sonnefraud (co-présidente), Hervé Drezen (co-président), Celia Penformis, (coordinatrice) et Fabienne Bricet (administratrice) – est vent debout. Ses membres ne comprennent pas la décision de la majorité municipale, prise en la personne de l’adjoint au maire à la Culture Benoit Careil, de lui retirer l’occupation d’une partie du Théâtre de la Parcheminerie. L’équipe avait investi le lieu seulement quelques mois plus tôt, en septembre, pour son plus grand contentement : continuer sa mission de diffusion de ce format spécifique qu’est le documentaire dans un lieu dédié où des rencontres et manifestations peuvent être pérennisées.

Elodie Sonnefraud
Elodie Sonnefraud, présidente de Comptoir du doc

Comptoir du Doc est prié de quitter d’ici l’été la Parcheminerie !

L’enjeu politique initialement posé est abandonné, quitte à renier les valeurs affichées dans l’espace public rennais, comme un écho de l’échec politique national.

Qu’en est-il de la fameuse « Fabrique citoyenne » initiée par la Ville et qui proclame « faire société en favorisant l’implication des citoyens dans la vie culturelle, la diversité des expressions sensibles, la transmission des savoirs, le débat et l’écoute de la voix des artistes » ?

C’est justement cette philosophie qui fonde Comptoir du Doc depuis 18 ans, malgré le soutien financier dérisoire de la Ville au regard de l’ampleur du travail que nous effectuons.

Et maintenant on nous demande de nous effacer !

Nous croyons plus que jamais à la force du documentaire, ce cinéma qui révèle la complexité du monde et engage à la rencontre avec l’autre.

rennes comptoir du doc parcheminerie

C’est dans cet esprit et cette lettre que l’association a lancé vendredi soir une pétition qui a recueilli quelque 2000 signatures durant le week-end.

De son côté, Benoit Careil se veut clair sur les engagements pris et leur avenir :

Après une année d’engagement et la tenue réussie des États généraux, on mène des expérimentations. Comme toujours, des choses se révèlent fonctionner plus ou moins bien. En accord avec à notre conception de la nécessaire mutualisation des lieux et des pratiques, des espaces et des diffusions (d’autant plus qu’à Rennes les lieux disponibles sont peu nombreux), la Ville a tenté une expérience de lieu partagé.

La libération de la Parcheminerie par le TNB constituait une belle opportunité. Connaissant depuis longtemps l’excellent travail de Comptoir du doc et de Lilico et leur attente d’un lieu de diffusion à occuper durablement, je leur ai proposé de réfléchir à un projet commun, croisé, biface : jeune public et documentaire. Les deux versants paraissaient à première vue éloignés, mais la perspective d’un tel croisement de pratiques, de publics, de professionnels, d’influences, de courants, d’enjeux sociétaux constituait un beau pari. Mais c’est un échec.

Benoît Careil
Benoît Careil, adjoint à la Culture de la Ville de Rennes

Les premiers 4 mois d’expérimentation prévue visaient à voir si les équipes pouvaient travailler ensemble, porter des actions communes et échafauder un projet à venir. Au mois de février, les deux associations sont revenues vers nous en constatant qu’elles n’arrivaient pas à trouver ni croisement viable ni mode de fonctionnement fécond entre eux. Une réalité factuelle qui s’explique notamment par des rythmes différents entre les deux associations. Le spectacle vivant travaille à moins 1 an, voire 2 ans ; Comptoir du doc, à quelques mois. En outre, l’association Comptoir du doc peut compter sur un ensemble de bénévoles engagés, très impliqués ; Lilico présente un encadrement d’un type plus professionnel. Cela rend le dialogue difficile. Bref, devant ce constat, il fallait prendre une décision.

Or, la demande d’un lieu jeune public et très jeune public est ancienne, de plus en plus forte et entérinée par les États généraux de la Culture. La parcheminerie est un lieu emblématique du théâtre qui se trouve particulièrement adapté au spectacle vivant d’un point notamment technique. Voilà pourquoi la mairie a été conduite à demander à Comptoir du doc de partir et non à Lilico avec pour perspective de créer ce pôle jeune public.

Quant à Comptoir du doc, mais aussi Clair Obscur, Vivement Lundi et quelques autres, il convient de réfléchir à un lieu dédié de mutualisation ; j’ai en tête un lieu situé à Rennes qui sera soumis à réflexion dans peu de temps. Ce pôle Images est une nécessité qui saura répondre aux besoins des différents acteurs de la filière. En attendant, je regrette les mots un peu durs de la pétition de Comptoir du doc comme dans les échanges sur les réseaux sociaux.

Il peut être utile de rappeler que Comptoir du doc a et a toujours eu le soutien de la mairie, que l’association n’est pas à la rue – au contraire la mairie lui propose des locaux plus grands que ceux de la Parcheminerie – et que le montant de leurs subventions cette année a été augmenté. La mairie de Rennes ne cherche donc aucunement à priver les Rennais d’une salle spécialisée dans le documentaire mais, étant donné les contraintes budgétaires, à l’insérer dans un cadre mutualisé, cohérent et viable économiquement. C’est le gage d’une réussite pérenne : regrouper, croiser et mutualiser les projets.
soudain l'été dernier
Bref, Comptoir du doc réalise un travail aussi utile qu’original, mais la pérennité de ses activités, comme celles d’autres associations, requiert un regroupement autour d’un lieu, de pratiques et de projets partagés, mutualisés et viabilisés. Ce qui va avoir lieu.

Prévu autour de 2020, on ne peut que souhaiter la création d’un tel Pôle Images étant donnée l’absence dans la capitale bretonne de lieu spécialisé dans l’art photographique et la création audiovisuelle alors que les talents en la matière y foisonnent. À suivre…

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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