Retour sur le concert symphonique de Dan Ar Braz au TNB de Rennes le jeudi 17 décembre 2015. Faut-il être Breton et avoir plus de 60 ans pour aimer Dan Ar Braz ?
C’est une question en forme de clin d’œil à laquelle le nombreux public présent au TNB pour la première représentation du barde finistérien pourrait répondre sans l’ombre d’une hésitation. Cela dit, leur réponse serait-elle totalement objective puisque les deux critères étaient largement remplis et que de toute évidence il était hors de question d’émettre quelque critique que ce soit contre le chantre d’une culture en résistance.
Loin d’en vouloir a Dan Ar Braz que nous avions déjà entendu lors de son concert avec l’orchestre des jeunes de haute Bretagne, et n’étant pas bretons, nous avons eu sur le concert d’hier soir un regard plus distancié, et par la même plus objectif.
Première réflexion, quid de la pertinence de faire jouer un orchestre amplifié avec guitares électriques, batterie et basse avec un ensemble symphonique ? Au vu du résultat, pas vraiment de contre indication et l’expérience a déjà été tentée par des groupes de rock de nombreuses fois avec des succès plus ou moins satisfaisants. Si l’on excepte un niveau sonore parfois gênant, les arrangements de André Couasnon permettent à l’OSB et aux musiciens de Dan Ar Braz de bien fonctionner ensemble. Second élément plutôt favorable, la chronologie des chansons donne un concert équilibré et plaisant à suivre. Examinons donc la partie musicale, dans son inattaquable bretonnitude.
Petit préambule, Dan Ar Braz, Alan Stivell, Gilles Servat et autres iconoclastes (à l’époque) se sont employés à dépoussiérer la musique bretonne en l’électrifiant et en lui redonnant une seconde vitalité dans les années 70-80. Si cela a été un véritable séisme accompagné d’une renaissance, l’effet cataclysmique a cependant beaucoup perdu de sa force. On a parfois le sentiment de tourner en rond et d’écouter des choses mille fois entendues. Avec beaucoup d’objectivité, Dan Ar Braz est le premier à reconnaître qu’il a connu des périodes de lassitude qui l’ont amené à envisager d’arrêter d’enregistrer de nouveaux disques. De cette lassitude est née une période de réflexion à laquelle, d’après son récit, a succédé une nouvelle phase créative.
Cette nouvelle phase a produit la chanson « gwerz Tristan », qui a sans doute, en fin de concert, été un des meilleurs moments de la soirée. En effet on retrouve une véritable inspiration, de la profondeur, comme celle qui nous avait remués dans les années 80, d’ailleurs une autre chanson sortie sur un album de cette époque produit le même effet, le joli titre « la véranda des jours de pluie » a une tonalité intimiste, l’authenticité y est perceptible et ce n’est qu’à ce moment que Dan Ar Braz nous atteint vraiment.
À l’opposé, certaines des mélodies entendues, toujours bâties sur la même structure, nous laissent le sentiment que nous avons écouté plusieurs fois la même chanson. On commence par l’introduction d’un instrument seul, puis exposition d’une mélodie traditionnelle bretonne à la guitare, reprise par l’orchestre, répétition à l’envie de cette même mélodie de manière parfois lancinante, puis montée en puissance du niveau sonore jusqu’à une conclusion en forme de paroxysme. Cela tient plus de la recette que du trait de génie. Mais en vieux routier de la scène, Dan Ar Braz sait nous offrir ces petits moments de plaisir dont nous sommes incapables de nous passer, « Amazing grace » accompagné de la cornemuse du talentueux Lionel Lepage, sera un des autres moments très appréciés du public, à telle enseigne qu’il fera partie d’un « bis » pas réellement spontané.
Autre amélioration constatable, la reprise d’« avec le temps » de Léo Ferré est beaucoup plus plaisante à entendre que lors du concert de l’année passée, Dan Ar Braz utilise les ressources de sa guitare de façon plus envoûtante et ne se contente pas d’un simple copié-collé de la mélodie initiale. C’est réellement agréable et change du tout au tout notre perception initiale, teintée d’un peu d’agacement.
De toute manière l’adage vox populi, vox déi prendra tout sons sens lors de l’ovation d’un public conquis d’avance, et qui n’était pas plus disposée à accepter la moindre tergiversation que ceux qui s’étaient rendus la veille à la première du nouveau STAR WARS.
Le concert fut suivi, au foyer du TNB, d’un buffet repas, auquel Marc Feldman, administrateur général de l’orchestre symphonique de Bretagne, avait invité, et c’est bien normal, de nombreux dirigeants d’entreprises bretonnes, qui par leur participation financière, apportent une aide précieuse à ce formidable outil qu’est l’OSB. Ce fut l’occasion pour maître Carole Jézéquel, commissaire priseur de la salle des ventes de la place des lices de faire une éclatante démonstration de son dynamisme en vendant aux enchères avec brio, un ensemble de lots aussi appétissants que disparates. Du cours de cuisine suivi d’un repas dans l’excellente maison Lecoq-Gadby, en passant par un séjour relaxant et diététique à la grée des landes, établissement du cosméticien Yves Rocher, chacun, en enchérissant avec enthousiasme, pouvait participer au financement de la fabrik, le service d’action culturelle de L’OSB. Le lot numéro 8, un voyage à New York pour deux personnes, a emporté de nombreux suffrages en atteignant des niveaux…flatteurs. Cerise sur le gâteau, Marc Feldman promettait de communiquer aux heureux gagnants quelques adresses gastronomiques de derrière les fagots qu’en New-yorkais averti, il préservait dans son carnet secret de gourmand hors norme. Notre administrateur américain a vraiment su prendre de la France tout ce qu’elle a de meilleur.
Pas de raison de douter que le concert de ce soir emportera le même succès, au-delà des petits bémols musicaux, il n’en reste pas moins que par son engagement personnel et une certaine sincérité dans son propos, Dan Ar Braz a atteint auprès de son public une valeur symbolique qui le place en icône de la musique Bretonne. Devant cela, il convient de s’incliner.
Photographies : Mikael Morvan
Orchestre Symphonique de Bretagne
Direction Derek Gleeson
Chant, guitare Dan Ar Braz
Guitare Jacques Pellen
Batterie Patrick Boileau – Basse : Yannick Yardouin