On les connaît sous le nom de détectives privés, mais on méconnaît leurs activités : nous avons rencontré l’un d’entre eux, l’agent de recherches privées Marjolaine Morin qui habite Rennes. Enquêter sur un enquêteur, voilà un scénario post-moderne digne d’un roman de Paul Auster. Il s’agit pour nous d’utiliser aussi la déduction pour éclaircir les faits. Élémentaires, élémentaires…
Le mystère du détective privé
Toute une mythologie entoure le métier de détective privé. Comment ne pas penser, en effet, à Sherlock Holmes, Philip Marlowe ou Nestor Burma ? L’imaginaire romanesque, et de fait collectif, attribuait au détective privé des caractéristiques précises. En plus du folklore (vêtements sombres, lunettes, chapeaux), le « privé » était souvent un être marginal, confronté au danger et aux dérives de la nature humaine. Être intelligent et cynique, il peinait à avoir une véritable existence amicale ou amoureuse. De nombreux médias réactivent ces images, de manière sordide ou sensationnaliste. Cependant, on entend de temps en temps les échos de quelques affaires qui donnent de la réalité une vision plus juste. On l’a vu dernièrement avec l’affaire du crash de l’avion MH17 de Malaysia Airlines en 2014 dans l’est de l’Ukraine, le détective privé peut se retrouver dans des situations d’ordre international : un détective privé allemand, Josef Resch, a enquêté pour le compte d’un client inconnu sur les causes de ce crash et aurait reçu une récompense de 17 millions d’euros (sur 30 millions promis)
C’est une constante dans les affirmations : le métier des détectives privés a considérablement changé depuis les années 80. À première vue, on pourrait mettre en cause l’arrivée d’internet : n’est-il pas possible, en effet, de récolter soi-même des informations ? Les utilisateurs ne protègent guère leurs données et certains dévoilent sur la toile toute leur vie privée. Pour autant, internet ne suffit pas à mener une enquête. Au mieux, la recherche de données, par exemple sur les réseaux sociaux, apporte une fiche de renseignement préalable, d’ailleurs, certains clients viennent voir un détective alors qu’ils possèdent déjà ces données. Un détective, pour préparer planque et filature, peut utiliser par exemple le service Google Street View pour faire du repérage.
Le nouveau détective utilise-t-il des méthodes de piratage informatique ? La question se pose, mais ne suscite guère de réponse. Ces pratiques demeurent totalement illégales et sont le fait de ce que l’on appelle “les barbouzes” et les espions en tout genre. Et si la collecte de données constitue un enjeu pour la profession, l’accès aux fichiers administratifs est pour l’heure le privilège des fonctionnaires, notamment ceux du ministère de l’Intérieur.
Une nouvelle génération de détectives privés ?
Il n’est guère simple de contacter un enquêteur privé pour un entretien. Marjolaine Morin, trentenaire dynamique, a cependant accepté. Cet agent de recherches privées (ARP), basé à Rennes, entend « redorer le blason de la profession », et donc éviter toute confusion avec les domaines littéraire et cinématographique. S’il lui arrivait de regarder Hercule Poirot ou Miss Marple dans son enfance, vous ne la croiserez pas coiffée d’un chapeau melon dans le fog londonien ni derrière un journal percé de deux trous à la place des yeux. Pour autant, compte tenu de la nature du métier, on peut dire que l’enquêteur privé navigue entre mythe et réalité.
Marjolaine Morin fait partie en quelque sorte d’une nouvelle génération de détective privé. La profession, nous confie-t-elle, a changé depuis plusieurs décennies, en bien comme en mal. La législation s’étant durcie, le nombre de détectives privés a considérablement baissé en quelques années. Mais pour Marjolaine Morin, cela signifie aussi moins de pratiques douteuses. Elle confesse que le contact devait être plus simple, par exemple dans les années 80 ou 90, que les gens sont plus méfiants aujourd’hui. « L’époque des concierges est quasiment révolue », explique-t-elle.
En France, on compterait actuellement entre 600 et 700 agences d’enquêteurs privés. Marjolaine Morin a son propre cabinet quand d’autres demeurent salariés ou sous-traitants. En Ille-et-Vilaine, on dénombre 11 agences de détectives privés et un enquêteur à son compte, ancien capitaine de police à la retraite. Marjolaine Morin a lancé sa société il y a 4 ans et a réussi à tirer son épingle du jeu. Sans loupe ni borsalino, mais surtout avec les textes de loi…
Une profession très encadrée par la loi
Nous nous donnons rendez-vous place de Bretagne, à Rennes. L’histoire commence comme un roman policier (ultra-local) et se termine plutôt en texte de loi. Il faut dire que la profession est très encadrée par la loi :
Aucun droit, beaucoup de devoirs
Ainsi la détective résume-t-elle cet aspect du métier. Si l’image du « privé » n’a pas changé, sa faculté d’intervention, elle, s’est limitée avec le temps. Plusieurs décrets, arrêtés et circulaires ont modifié les lois régissant leurs activités. Marjolaine Morin s’en félicite. Certaines pratiques, pour le moins interlopes, ne sont guère possibles de nos jours. Le décret 2005-1123 du 6 septembre 2005 comporte une modification importante : la certification professionnelle. Un enquêteur privé doit transiter par une formation spécifique, reconnue par l’État. Il en existe quatre en France. Marjolaine Morin, après des études de droit et avoir été clerc de notaire à Rennes, a effectué sa formation à la faculté de Melun, qui dépend de l’université Panthéon-Assas (Paris II).
Le parcours de l’agent de recherches privées est émaillé par les contrôles. Au préalable, pour constituer sa société, l’enquêteur doit demander un agrément, dont il reçoit la réponse environ 2 mois plus tard. Par la suite, il existe deux formes de contrôles purement administratifs (liés parfois à des dénonciations). Ils sont effectués l’un par un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur, l’autre par le CNAPS, le Conseil National des Activités Privées de Sécurité. Pour des cas particuliers, un contrôle déontologique peut aussi être réalisé par le défenseur des droits.
L’aspect juridique de la profession
Marjolaine Morin insiste sur le caractère juridique du métier. L’agent de recherches privées doit connaître le droit pour l’utiliser et se prémunir. Selon elle, certains enquêteurs privés possèdent une grande maîtrise technique, notamment en termes de filature, mais pêchent sur l’aspect juridique. Du reste, certaines formations préparent plus au terrain quand d’autres insistent sur le droit. À l’université Panthéon-Assas, il suffit de regarder le programme des cours pour comprendre que l’essentiel s’axe sur le droit. Droit constitutionnel et libertés fondamentales, déontologie de la profession, droit civil, droit commercial, droit pénal, psychologie, droit fiscal, droit social… et enfin, techniques d’investigation (bases de données ; filatures).
Dans le métier, il faut être véritablement vigilant dans le traitement des affaires. En mai dernier, le tribunal de Béthune a condamné un détective privé à 1000 euros d’amende pour avoir placé un traceur GPS sur la voiture d’un salarié, à la demande de son employeur. Marjolaine Morin nous éclaire sur ce point : un détective privé n’a pas le droit d’agir ainsi. Prenons une affaire d’adultère : un client masculin, par exemple, demande à enquêter sur son épouse, qu’il soupçonne d’avoir un amant. Il pourra placer un traceur GPS sur la voiture si lui-même la possède, en intégralité ou en partie.
De même, le détective privé n’agit pas dans le domaine pénal. Soit il enquête sur ce que l’on pourrait appeler « le pré-pénal » (en somme, la récolte de preuves), soit il intervient lorsque toutes les voies de recours sont closes. La loi reste donc toujours respectée, bien qu’il soit possible de jouer avec elle, d’utiliser des lois anciennes et peu connues. Le secret de grand-mère du métier, en somme.
Les domaines d’intervention
Marjolaine Morin intervient dans les domaines civil et commercial. L’activité est soumise à des variations, mais elle estime faire un quart de commercial pour trois quarts de civil. Les affaires d’adultère restent courantes. C’est le fameux article 212, nous dit-elle, selon lequel :
les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance
Dans ce domaine, sa clientèle est à 95 % masculine. Pourquoi ? sans doute, pense-t-elle, parce qu’elle est une femme et qu’il peut sembler difficile pour un homme de confesser ses doutes face à une personne du même sexe que lui. Là encore, l’aspect juridique prévaut : s’il est autorisé de suivre, par exemple, une épouse suspectée de tromper son mari, il est interdit de prendre en filature l’amant, par respect pour sa vie privée.
Concernant les prestations pour particuliers, mais dans une moindre mesure, Marjolaine Morin peut intervenir dans la recherche de personnes (disparues ou même ayants droit). Elle peut enquêter sur le comportement d’un conjoint en cas d’abandon du domicile familial, voire de violence conjugale. Elle agit également « dans l’intérêt des enfants ». Cela va de la vérification d’emploi du temps, des fréquentations des réseaux sociaux à la suspicion d’addiction aux drogues. La recherche de débiteurs en vue d’un recouvrement de créances occupe aussi une partie de son travail. Dans le domaine commercial, Marjolaine Morin agit principalement en matière de droit du travail ou de concurrence déloyale. Sur ce point, le sens du contact est nécessaire pour obtenir un bon carnet d’adresses, par exemple grâce à la fréquentation d’afterworks. Certains détectives travaillent également dans le domaine des assurances (fraudes) ou pour des employeurs suspicieux (vols dans l’entreprise, arrêts maladie à répétition …)
D’aventure en aventure
Marjolaine Morin a été par le passé clerc de notaire à Rennes. Nous lui avons demandé pourquoi elle avait décidé de changer de carrière. « Ce n’était pas fait pour moi », assure-t-elle. « Être détective c’est une passion au contact et au service de l’autre. Autre chose que de rester derrière un bureau clos ». Il serait donc faux de voir dans le métier une simple fonction juridique ni de ne pas y déceler tout de même la part réelle du mythe véhiculé par la fiction. Les affaires ne se ressemblent certes jamais, mais dans un cas d’adultère, par exemple, Marjolaine Morin partage la moitié de son temps entre le terrain et le bureau, dans lequel elle reçoit le client et rédige le rapport (parfois des centaines de pages). Détective privé reste un métier de passion et c’est passionnée que Marjolaine Morin distille quelques anecdotes sans jamais naturellement briser le secret professionnel.
Elle utilise un matériel technologique efficace, sans pour autant posséder des appareils hautement sophistiqués. « Le cerveau, des écouteurs, un bon téléphone, une caméra » énumère-t-elle. Voilà le strict minimum. La caméra, en effet, permet, à la différence de l’appareil photo, d’être certain de ce que l’on capte. L’enquêteur privé, par contre, se doit d’être polymorphe. Changement de coiffures, de vêtements, perruques : tout est bon pour se transformer. La filature, exercice difficile dont elle a notamment pris le goût, étudiante, en livrant de la nourriture à scooter, occupe beaucoup son temps. Il lui arrive de parcourir plusieurs centaines de kilomètres et même de changer de pays, voire de continent (dans la mesure où la destination tolère juridiquement sa présence en tant que détective privé).
La psychologie, tout comme un certain don pour la composition, demeure des atouts. Bien que les gens soient plus méfiants qu’avant, ils peuvent se mettre à parler, beaucoup, quand on sait s’y prendre… Pour ce faire, Marjolaine Morin sait tour à tour se faire naïve, copine, voire même femme enceinte (fausse, évidemment). Il est vrai qu’elle paraît insoupçonnable. Le métier exige de faire preuve d’une certaine inventivité. Pour les besoins d’une enquête, il lui est arrivé d’emprunter par exemple un chien. À la question du danger, Marjolaine Morin répond qu’elle n’a pas eu de problème. Une simple menace, tout au plus. Le plus difficile reste le poids psychologique de certaines affaires. Elle insiste sur le fait de rester empathique envers son client, tout en gardant néanmoins une distance nécessaire, ne serait-ce que pour se protéger. Dans ce métier, on ne s’ennuie pas, on peut se retrouver, comme ce fut le cas de Marjolaine Morin, dans une poubelle lors d’une filature … Voir sans être vu : la filature parfaite.
La profession reste secrète, car elle nécessite l’anonymat. Pourtant, c’est un métier de contact, tant avec le client qu’avec les personnes susceptibles de fournir des informations sur l’enquête. La profession a évolué, elle évolue encore, mais son essence demeure la même. L’arrivée d’internet n’a pas, selon elle, considérablement changé la donne. Elle l’utilise pour du repérage ou pour consulter des profils. Comme le disait Cercas, les clichés « contiennent une part substantielle de vérité », pourtant le cliché du privé borderline n’est plus vraiment d’actualité. On pourrait imaginer qu’il officie dans les hautes sphères mais Marjolaine Morin affirme que sa clientèle provient de classes sociales diverses. Les coûts diffèrent en fonction de l’affaire, certaines peuvent durer quatre heures, d’autres un mois. Marjolaine Morin parle de confrontation, dans ces affaires, avec « la nature humaine ». Voilà un pont, du moins, dans lequel la réalité et la fiction s’entrecroisent…
Agent de Recherches Privées, Détective privé
Marjolaine Morin Investigations
8 rue de l’Arsenal
35000 RENNES
Tél : 02.22.66.97.70
Fax : 02.22.66.97.72
contact[@]morin-investigations.fr
L’agence de Marjolaine Morin a été sélectionnée et nominée au Concours Femmes Entrepreneures en Bretagne dans la catégorie « jeunes entreprises » lors de la 4e édition des Rencontres Femmes Entrepreneures en Bretagne qui s’est déroulée à SAINT-BRIEUC le 8 décembre 2014. Cette rencontre se déroulait dans le cadre du Plan d’Actions Régional pour l’entrepreneuriat féminin.
https://www.youtube.com/watch?v=YkecLu_lodI
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À propos de la dernière vidéo et l’histoire de Marc L dont les données, toutes publiques, ont été répertoriées, à titre expérimental par le magazine « le Tigre » afin de montrer à quel point les internautes peuvent se montrer imprudents et dévoiler, par petites touches, toute leur vie sur la toile. Vous pouvez lire cet article ici.
Sachez qu’il n’y a pas que des enquêteurs privés qui jettent un œil sur votre vie privée-publique sur les réseaux sociaux : on se souvient de la « mésaventure » de Johnny Halliday, officiellement résident suisse, il s’est fait rattraper par le fisc en postant des photos de ses nombreux séjours à l’étranger sur les réseaux sociaux…. Tenu de passer 6 mois et un jour en Suisse, les enquêteurs du fisc ont démontré, en visionnant les photos de la famille Halliday sur deux ans, qu’il n’y passait en réalité que peu de temps : il est ainsi passé d’exilé fiscal (légal) à évadé fiscal (illégal)…