Du 13 juin 2014 au 4 janvier 2015, le Musée des Beaux-Arts consacre un temps particulier à la réouverture du cabinet de curiosités constitué par feu Christophe-Paul de Robien (1698-1756). L’historien, naturaliste et collectionneur d’art breton possédait dans son cabinet douze objets érotiques, dont certains qualifiés d’obscènes dans les inventaires. Il s’agit là de peu de chose pour en faire un érotomane, mais c’est plus que ce que possédait Caylus ou Calvet à la même époque. Autrement dit, au temps des libertins et des libertinages.
Cette nouvelle exposition du Musée des Beaux-Arts de Rennes s’attache à restituer l’esprit originel du cabinet en suivant au plus près la logique de son propriétaire, homme curieux de tout. En outre, un traitement thématique transversal s’attachera, jusqu’au 4 janvier 2015, à introduire Le temps des libertinages. Rappelons que le terme désignait d’abord des libres penseurs qui s’opposaient à l’institution religieuse avant de prendre au fil du temps une acception uniquement sexuelle. « Une exposition représentative de la nostalgie d’harmonie entre les sexes de l’époque » estime François Coulon, conservateur du musée. De fait, l’acceptation d’un désir féminin longtemps réprimé et considéré comme objet de fascination retrouve sa place légitime à travers l’art.
Pédagogie par la curiosité
Évoluant au fil des acquisitions, ces cabinets de curiosités étaient à l’époque souvent composés par association d’idées. Ils se visitaient souvent à plusieurs tandis que le collectionneur narrait ses découvertes et l’expérience de cultures plus ou moins lointaines. Une dimension pédagogique s’attachait ainsi à ces lieux. Comme beaucoup d’amateurs d’art, Robien s’intéressait à l’archéologie et sa collection regroupe des pièces d’Occident, de Grèce, de Rome, de pays asiatiques, d’Amérique et d’Afrique. Ce mélange entre trouvailles archéologiques et contemporaines offre un voyage au cœur des civilisations du monde entier. 345 éléments ont été rassemblés dans ces meubles, mais beaucoup ont disparu en raison d’un manque de soins et de savoir-faire nécessaire à un bon conditionnement et une conservation pérenne.
Libertinage et harmonie entre les sexes
C’est à partir des objets érotiques de la collection Robien – sept statuettes chinoises en stéatite et ivoire, une gravure allemande du XVIIe siècle, une édition des Bijoux Indiscrets de Diderot et deux tableautins chinois – qu’est née la première thématique qui vise à recontextualiser ce courant au XVIIIe. Pour apprécier cette visite, un conseil : laisser les idées reçues à l’entrée et ouvrez-vous aux œuvres… La scénographie de l’exposition est pensée dans ce dessein, notamment la présentation des vitrines à hauteur du regard.
Dans son ensemble, Le temps des libertinages dévoile un siècle habité par une volonté de représenter le désir à travers l’art. Il traduit à l’époque un mouvement de fond : la désinhibition du désir des femmes à la suite de la désacralisation du corps féminin.
Au XVIIIe, se multiplient les créations qui oeuvrent en faveur d’une égalité du désir et de sa représentation. Se découvrent alors des objets crus (bouteilles en verre soufflé en forme de phallus), insolites (amulettes en forme de phallus sensées protéger de la fascination du corps féminin) ainsi que des œuvres plus sobres flirtant avec l’érotisme et les codes de l’époque (éventails aux motifs de scènes d’amour cachant d’autres scènes plus évocatrices). Aux pièces de Robien s’ajoutent des celles de collections privées et les autres issues des musées de Cluny, du Louvre, de Guimet et des Arts Décoratifs (dont trois jeux d’estampes vont se succéder tous les trois mois).
Loin de mettre mal à l’aise, le temps des libertinages introduit à une compréhension du XVIIIe à travers un mouvement philosophique, artistique et érotique essentiel à connaître pour comprendre notre modernité.