Féminisme et handicap psychique : Une exposition change le regard à Rennes

wyeth christina
Christina's World d'Andrew Wyeth

Une exposition engagée se tient à Rennes du 3 au 28 mars, portant un message fort sur la double discrimination que subissent les femmes en situation de handicap psychique. Installée dans le hall de l’espace social commun Simone Iff à Maurepas, elle s’inscrit dans le cadre de la quinzaine des droits des femmes et est organisée par l’association L’Autre Regard.

L’Autre Regard, service d’accueil de jour implanté à Rennes depuis 1985, a conçu ce projet en 2023 pour sensibiliser le public aux difficultés rencontrées par les femmes vivant avec un handicap psychique. Trop souvent invisibilisées, elles sont confrontées à des discriminations croisées, liées à la fois à leur genre et à leur condition.

Fantine Cariou, animatrice sociale et coordinatrice du projet, met en avant une réalité alarmante : « Tous les témoignages sur le terrain corroborent les études encore trop rares sur les violences sexistes et sexuelles que subissent les personnes en situation de handicap psychique. »

L’exposition résulte d’un travail artistique et participatif mené avec la photographe professionnelle Élodie Potel. Au cours d’ateliers consacrés à la photographie, les participantes ont pu exprimer leurs choix, leurs identités et leurs aspirations. « La question du choix, c’est ce qui m’a motivée : les personnes qui viennent à l’association y viennent par choix », souligne la photographe.

Annaïg, l’une des participantes, exprime l’importance de cette démarche artistique : « L’exposition me permet de revendiquer mon droit à faire comme les autres. »

Cette exposition, en rendant visibles des femmes trop souvent marginalisées, invite à un changement de regard sur le féminisme et le handicap psychique. Elle constitue un pas vers une société plus inclusive, où chaque femme, quelle que soit sa condition, puisse revendiquer ses droits et sa place.

Un rendez-vous inspirant et nécessaire, qui questionne et interpelle sur la façon dont notre société perçoit et traite la double discrimination.

Informations pratiques

  • Dates : Du 3 au 28 mars
  • Lieu : Espace social commun Simone Iff, Maurepas, 12 bis rue Guy Ropartz, Rennes
  • Organisateur : Association L’Autre Regard
  • Accès : Entrée libre et gratuite
  • Contact : Pour plus d’informations, contacter L’Autre Regard via leur site web ou par téléphone. 2 square de la Rance 35000 RENNES Tél. 02 99 31 63 43 E-mail : accueil@lautre-regard.asso.fr Site internet : www.lautre-regard.asso.fr

Photo de une : La femme représentée sur le tableau de Andrew Wyeth est Anna Christina Olson (3 mai 1893 – 27 janvier 1968). Anna souffrait d’une maladie musculaire dégénérative, peut-être la polio ou la maladie de Charcot-Marie-Tooth qui l’empêchait de marcher. Elle était fermement opposée à l’utilisation d’un fauteuil roulant et rampait donc partout.

Christina’s World (1948) d’Andrew Wyeth est une œuvre qui transcende la simple représentation d’une scène rurale pour s’imposer comme une réflexion profonde sur la condition humaine, la résilience et l’isolement. Peinte dans un style réaliste aux influences du régionalisme américain, cette toile met en scène Anna Christina Olson, une femme atteinte d’une maladie neuromusculaire qui la prive de l’usage de ses jambes. Loin d’être une simple muse, Anna devient sous le pinceau de Wyeth une figure tragique et emblématique de la lutte contre l’adversité.

L’élément le plus frappant de la peinture réside dans la posture de Christina : allongée dans l’herbe, tournée vers une ferme lointaine, elle semble figée entre l’envie d’atteindre sa destination et l’impossibilité physique de le faire. Ce choix de composition renforce la tension dramatique du tableau. La maison et les bâtiments agricoles, situés en hauteur, symbolisent un refuge inaccessible, presque fantomatique. L’immensité du champ, peint avec des teintes austères et des ombres discrètes, accentue l’isolement du personnage.

Wyeth joue sur la perspective pour accentuer cette sensation : en plaçant le spectateur derrière Christina, il nous empêche d’accéder à son visage, renforçant ainsi un sentiment d’incertitude et d’interprétation subjective. Ce cadrage plonge l’observateur dans une empathie contrainte, où l’on tente d’imaginer l’expression de la femme et les pensées qui l’habitent.

La psychologie de Christina’s World réside dans la juxtaposition entre la fragilité physique et la force intérieure. Anna Christina Olson était connue pour son refus de la dépendance, rejetant le fauteuil roulant et préférant se déplacer en rampant. Ce choix illustre une volonté farouche de ne pas se laisser définir par son handicap. Dans la toile, cette détermination transparaît dans la posture tendue de son dos et l’orientation affirmée de son regard vers la ferme.

Cependant, une mélancolie sourde traverse la scène. Le vide du paysage, l’absence de toute autre présence humaine et la teinte terreuse du décor suggèrent la solitude, l’épreuve de la vie quotidienne et peut-être l’acceptation d’un destin difficile. L’herbe, peinte avec minutie, semble presque trop dense et inhospitalière, rendant chaque mouvement ardu. Cette réalité brute entre en écho avec la dureté du monde rural, où la survie dépend souvent d’une force intérieure inébranlable.

Wyeth est souvent classé comme un peintre réaliste, mais Christina’s World va au-delà d’une simple transcription fidèle du réel. L’artiste infuse son œuvre d’un symbolisme subtil. La posture de Christina peut être perçue comme une métaphore de l’ambition entravée, du désir d’atteindre un but malgré les obstacles. Certains critiques ont vu dans cette peinture une allégorie de l’après-guerre, une image de la résilience américaine après les traumatismes de la Seconde Guerre mondiale.

Le travail sur la lumière et la texture apporte également une dimension presque onirique au tableau. Le contraste entre la rugosité de l’herbe et la douceur du ciel donne une impression d’irréalité, comme si la scène oscillait entre un souvenir et un rêve. Cette ambiguïté fait de Christina’s World une œuvre intemporelle, où chacun peut projeter ses propres interrogations existentielles.

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