Et si, demain, vos courses au supermarché proposaient un « rôti de cocker » en barquette, un « foie gras de bouledogue » en conserve et une bouteille de « lait de labrador » en rayon frais ? C’est l’idée, aussi absurde que grinçante, que met en scène la ferme Bernier, une exploitation canine… totalement fictive. Derrière ce canular rural, une poignée de militants végans ont décidé de frapper fort pour dénoncer l’exploitation animale, en détournant nos habitudes de consommation.
Une ferme… qui n’existe pas
Située à Ombrée-d’Anjou — du moins sur la carte mentale de ses créateurs — la ferme Bernier se présente comme une exploitation familiale spécialisée dans la viande canine biologique. Site internet léché, publications Instagram bien calibrées, slogans aguicheurs (« du chien français, bio et sans OGM ! ») : tout y est pour brouiller les pistes. Sauf que derrière la vitrine numérique, aucun chiot n’a jamais été transformé en nuggets.
« Nous voulions confronter les consommateurs à leurs contradictions : si l’idée de manger un chien les révulse, pourquoi accepter sans sourciller un steak de vache ou une côtelette d’agneau ? », explique Jonathan Bernier — pseudonyme pastoral d’un militant végan.
L’humour noir au service de la cause animale
La campagne a rapidement fait mouche. Laura Calu, humoriste et comédienne, en a elle-même été bluffée lors de son « passage » à la ferme. Elle raconte, hilare : « J’ai vu leur lait de labrador… ça m’a fait autant rire que culpabiliser ! ».
L’effet recherché est bien là : provoquer un rire nerveux, qui gratte la conscience.
Sur leur site, les faux éleveurs détaillent méthodiquement la vie d’une chienne « laitière » : insémination, séparation des chiots, abattage précoce… Une description volontairement glaçante, qui ne fait que copier-coller la réalité de l’élevage bovin ou caprin.
Quand la satire révèle nos tabous
En Occident, manger du chien est un tabou absolu. Mais pourquoi la souffrance d’une vache serait-elle plus acceptable que celle d’un bichon ? Pour les activistes de la ferme Bernier, cette différence s’appelle le spécisme : la hiérarchie implicite entre espèces, qui fait qu’un cochon peut finir en rillettes, quand un chien bénéficie de lois protectrices.
« On juge immoral d’abattre un chien, mais parfaitement normal de tuer un cochon. Pourtant, tous deux ressentent la douleur », rappelle Jonathan Bernier.

Une blague… qui ne fait pas rire tout le monde
Si certains internautes se disent « pliés de rire », d’autres accusent la ferme Bernier de tomber dans le mauvais goût. Mais c’est précisément ce mélange de gêne et de rire qui donne sa force au projet. La satire fonctionne comme un miroir déformant : elle révèle l’absurdité de ce que nous acceptons au quotidien.
Et comme toute bonne farce, elle joue avec le vraisemblable : boutique en ligne, promotions fictives sur les « côtes de chien », posts sur Threads vantant les joies de la découpe… L’illusion est si bien entretenue que certains y croient.
Quand le chien met la puce à l’oreille pour ne pas se faire Bernier
Au final, la ferme Bernier n’a jamais servi une seule escalope de chiot. Mais elle a servi un coup de projecteur décapantsur un sujet que beaucoup préfèrent ignorer. Et peut-être que la prochaine fois que vous tremperez vos lèvres dans un verre de lait de vache, une petite voix intérieure vous soufflera : « Et si c’était du lait de labrador ? »
