La Venue de l’avenir : un film de Cédric Klapisch entre héritages et horizons

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Entre héritages et horizons, Cédric Klapisch est au sommet de sa maturité avec son nouveau film La Venue de l’avenir, sorti au cinéma le 22 mai 2025 et présenté hors-compétition au Festival de Cannes 2025.

Cédric Klapisch est un réalisateur qu’on ne présente plus, du moins pas sans évoquer l’obsession du temps qui passe, du collectif en mouvement, et de la construction de soi dans le désordre du monde. Avec La Venue de l’avenir, il livre un opus ambitieux, fluide, peut-être son plus abouti sur le plan narratif, tout en renouant avec les vertus du cinéma populaire à la française — celui qui ne craint pas de conjuguer mélodrame, mémoire familiale et doux vertige existentiel.

Un récit choral à double temporalité

La Venue de l’avenir suit le destin d’une jeune femme contemporaine, interprétée avec une justesse troublante par Suzanne Lindon, qui hérite d’un carnet familial remontant au Paris du XIXe siècle. Klapisch déploie alors un dispositif à deux époques : l’une ancrée dans les aspirations professionnelles et amoureuses d’aujourd’hui, l’autre baignée dans la lumière tamisée d’un Paris haussmannien en pleine métamorphose industrielle et sociale.

Ce va-et-vient entre passé et présent — porté par un casting de haut niveau, de Paul Kircher à Cécile de France, en passant par Vincent Macaigne ou Sara Giraudeau — tisse peu à peu une réflexion sur la filiation, la résilience, et cette part de soi que l’on ne choisit pas.

Klapisch et l’art du liant : entre empathie et lucidité

On retrouve ici ce qui fait la singularité du cinéaste : une manière de faire parler la ville comme un personnage, de faire vibrer les interstices émotionnels de ses protagonistes, sans jamais céder à la caricature. L’accusation de « festival de nepo babies » (Télérama) ne tient pas face à la sincérité des performances et à la cohérence thématique de l’ensemble.

Certes, le film joue parfois avec des archétypes (le grand-père mutique, l’amour contrarié, le destin révélé par les lettres du passé), mais c’est pour mieux explorer leur actualité. Là où un autre aurait sombré dans la complaisance nostalgique, Klapisch imprime une tension douce, presque bergmanienne, entre ce que l’on hérite et ce que l’on invente.

Mise en scène : élégance narrative et maîtrise de l’espace-temps

Techniquement, le film impressionne. Le travail du chef opérateur Christophe Beaucarne donne au Paris du XIXe une chaleur picturale rappelant parfois les tableaux de Caillebotte, tandis que la contemporanéité est filmée dans une sobriété vivante, proche du documentaire. Le montage alterne les époques avec une fluidité rare, sans didactisme, comme si le passé et le présent se répondaient dans un continuum émotionnel.

La musique originale d’Alexandre Desplat accentue cette impression d’intemporalité, mariant cordes classiques et nappes électroniques dans une partition discrète mais obsédante.

Une œuvre douce-amère sur la transmission

La Venue de l’avenir n’est ni un film à thèse, ni un mélo dégoulinant : c’est une méditation sur ce que nous faisons de ce qui nous précède. Ce que nous devons, ce que nous rejetons, ce que nous transformons. Dans un monde saturé de récits dystopiques ou cyniques, Klapisch ose une forme d’espoir sans naïveté : celle d’un avenir qui ne serait pas forcément un reniement du passé, mais son prolongement lucide.

Sans révolutionner le langage cinématographique, La Venue de l’avenir en déploie toutes les potentialités : celles du récit qui relie, de l’image qui touche, du film qui pense sans asséner. Klapisch s’adresse à l’intelligence sensible du spectateur, et confirme qu’il est, malgré les critiques parfois condescendantes de certains médias, l’un des derniers grands passeurs d’un cinéma français à la fois populaire et exigeant.

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