Föllakzoid, groupe de moderne kraut-rock chilien est l’un des projets du jeune et talentueux Domingo Garcia-Huidobro par ailleurs réalisateur du surprenant film Partir to live (2012) qui fait largement référence aux expériences suprarationnelles de son célèbre compatriote Alejandro Jodorowsky. La bande-son du film et le nouvel EP de Föllakzoid paraissent conjointement ces jours-ci sur le label américain Sacred Bones.
Allié au germanique maître de l’électro Atom (TM), les trois jeunes chiliens de Föllkazoid donnent à l’impressionnant II (déjà publié chez Sacred Bones) une suite météorique. Le travail sur la matière sonore s’amplifie et se bonifie. Le champ sonique s’ouvre et se décuple. Une rage noire, rentrée, très urbaine s’immisce dans le champ auditif, une matière numérique se fond à l’organicité électrique pour offrir à la musique du groupe une perspective d’horizons nébuleux et étincelants. Les guitares cataclopent en sonorités désertiques et en delay frénétiques pour rattraper un sequencer tout en souplesse de derviche tourneur (Electric). L’aspect tribal, shamanique est accentué, sublimé par l’apport des sonorités et des traitements électroniques (Earth). Les arpèges de guitares, savamment réverbérées semblent s’élever depuis une brumeuse humeur toxique et hypnotique alors que les basses se démènent à maintenir un cap mélodique ferrugineux avant de se laisser emporter à leur tour dans un frénétique chaos chorégraphique dégingandé (Piure). Encore plus marqué par la rythmique technoïde Feuerzeg clôture ce nouvel EP sur une note répétitive et épique. Comme un long frisson dont la frénésie tellurique monte en tension, sourd malignement sans jamais se résoudre à exploser, elle nous renvoie, sans apaisement, au premier titre.
M’étant séparé de mon moi illusoire j’ai cherché désespérément un sentier et un sens pour la vie. (A. Jodorowsky, La Danse de la réalité)
On retrouve dans la B.O de Partir to live la tranchante acidité volcanique des guitares électriques, les martèlements des basses et des tambours en moins, les suaves arpèges nostalgiques du luth en plus. Car si Domingo Garcia-Huidobro a créé les sonorités électroniques corrosives qui étoffent certains titres du majestueux album It is time for you to return de Jozef van Wissem (voir notre article), c’est ici l’halluciné luthiste gothique qui met son art au service d’une bande-son rugueuse, sombre et hypnotique. Les drones de la guitare électrique douze cordes sont lancinants, abrasifs, les larsens fusent et les notes sont de longues vagues radioactives d’électricité aiguisée. Envoûtant l’air comme un brouillard dense et mouvant, comme une onde palpable qui accompagnerait une errance somnanbulesque. C’est cette errance qu’évoque le film de Garcia-Huidobro. Celle d’un jeune homme, adepte des expériences paranormales qui se lance dans une dérive déambulatoire afin de reconstituer ce qu’il croit avoir été une telle expérience. Images médiumniques, lumières et cadres oniriques ne tendent pas tant à nous révéler des indices quant à cette perte de repères qu’à nous inclure dans l’égarement d’une transe mnésique où les sensations se fondent, se heurtent, se paralysent pour se révéler et s’apaiser dans une ignorance, supérieure de son acceptation sereine du mystère, à moins que ce ne soit que le point de départ d’une autre quête angoissante…
Il faut saluer le beau et courageux travail de l’excellent label new-yorkais Sacred Bones qui publie la B.O du film, signée Jozef Van Wissem, sous la forme d’un superbe vinyle accompagné du DVD du film.