FRANÇOIS SCHUITEN, LE DESSINATEUR EN GARE DES CHAMPS LIBRES

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François Schuiten nous a reçus aux Champs Libres mardi 4 avril. Le dessinateur et scénographe belge venait y parler train et chemins de fer à l’occasion des expositions consacrées à la Ligne à Grande Vitesse 1H25. Un échange moins obscur que les Cités dont il est le célèbre dessinateur…

FRANCOIS SCHUITENQui de mieux placé que François Schuiten pour parler du monde ferroviaire ? Il a réalisé l’ensemble des illustrations et affiches de la programmation #LGV1H25 des Champs Libres. Et il a également produit, comme auteur de bande dessinée,  l’album La Douce, une BD sur une locomotive à vapeur de type 12. On lui doit aussi la scénographie du Train World dans la gare de Schaerbeek à Bruxelles : un musée unique qui transporte le spectateur dans le passé, le présent et le futur des chemins de fer. En passionné d’histoire, des techniques et bien entendu du dessin, François Schuiten s’est entretenu avec Unidivers de son pays, la Belgique, de la représentation de la vitesse ou encore de Tintin !


FRANCOIS SCHUITENUnidivers : Comment avez-vous procédé à la réalisation de ces affiches pour la LGV1H25, notamment pour la représentation de la vitesse ?

François Schuiten : J’ai émis un concept qui s’est avéré plus compliqué que prévu : l’idée d’avoir une image qui serait comme une matrice. Je voulais qu’il y ait un élément, un fil rouge. L’identité : le pont. Ce pont, qui symbolise le ralentissement, est un pont de Bretagne. À partir de ce pont, on voit une locomotive ancienne, puis la carte dans la fumée. Bref, toute une série de signes que l’on pouvait décliner, enlever, rajouter. C’est cette modularité qui a été l’enjeu de ce projet. À chaque fois, j’essaye de me donner des contraintes. Ici, j’ai travaillé – et c’est important de le préciser – avec un graphiste et un dessinateur, des jumeaux qui s’appellent Jacques et Laurent Durieux. J’ai fait des dessins séparés, toutes les couches se sont faites séparément.

Unidivers : Cela permet donc une stratification des temps. Êtes-vous intéressés, justement, par le passé, le présent et l’avenir du monde ferroviaire ?

FRANCOIS SCHUITEN

François Schuiten : J’ai le sentiment que, si l’on connaît bien son histoire, on est capable d’aborder l’avenir. Les gens qui n’ont pas d’histoire n’ont pas d’avenir. Si les grands directeurs de compagnie avaient une connaissance plus approfondie de l’histoire, ils auraient, je crois, une capacité à se projeter dans l’avenir. On est toujours dans des cycles, on n’invente rien. On réinvente, on recycle. La modernité est une notion très ancienne : quand on apprend cette histoire-là, on s’intéresse à ce qui a marché, ce qui n’a pas marché. C’est un voyage formidable qui nous permet d’anticiper.

Unidivers : Il y a un lien fort entre, par exemple, le train et le cinéma, le train et la peinture. Ce lien existe-t-il, selon vous, entre le dessin, la bande dessinée, et le train ?

FRANCOIS SCHUITENFrançois Schuiten : Regardez Tintin ! Au Train World, j’ai montré des films où l’on voit toutes les images de train apparaissant dans les bandes dessinées de Tintin. Ou de Black et Mortimer. Ou Blueberry. Le train a une présence, un potentiel de dépaysement, d’onirisme irremplaçable. C’est l’aventure, le train. On part en voyage. Vous savez, quand j’ai réalisé la scénographie du musée Jules Verne à Amiens, une chose m’a beaucoup troublé : Jules Verne écrivait dans une toute petite pièce. Mais elle a une grande fenêtre qui donnait sur les trains partant pour Paris. Donc, il écrivait avec le bruit des locomotives. Ce n’est pas un hasard. Le train est un vecteur d’imaginaire formidable. On l’a oublié : cet imaginaire s’est un peu banalisé. Il y a une perte : l’image du conducteur, de l’homme. La fierté a disparu.

Unidivers : Est-ce une passion, pour vous, le monde ferroviaire ?

FRANCOIS SCHUITENFrançois Schuiten : Oui, tout à fait. Quand on parle de monde ferroviaire, on parle de la société, de ses rêves, de l’évolution du monde. J’entre dans notre histoire à travers un point de vue. Mais cela touche aussi la guerre, la résistance, les vacances, les technologies, l’industrie. La Belgique, d’où je viens, est un pays intéressant à ce point de vue : c’est un pays fabriqué. On a construit la Belgique en 1835, l’année où le train se développe. Le train et la naissance de la Belgique sont concomitants. Ils vont se développer parallèlement. Je me suis rendu compte à quel point c’était dans notre ADN : on l’avait oublié, parce que la Belgique est un pays un peu amnésique sur son histoire. Quand je parle du train, je parle de notre histoire, de l’histoire de ce pays. Mais l’histoire européenne aussi : en Belgique, on est mi-hollandais, mi-allemand, mi-français, mi-italien, mi-espagnol. On est un peu les bâtards de l’Europe. Quand on parle de l’Europe et du train, on ne parle pas de nations. Le train ne connaît pas bien les frontières.

Exposition Bretagne Express – projet LGV 1h25. Champs libres, Musée de Bretagne, Rennes. Du 20 octobre 2016 au 27 août 2017.

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